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Mandats d’amener et autres mandats délivrés par les juges en Haïti

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N’avez-vous jamais entendu un voisin ou un proche dire qu’il va « envoyer » un « mandat » à quelqu’un pour obtenir sa comparution en justice ? Ce que couramment la plupart des Haïtiens appellent « mandat » est, en matière de justice, une assignation ou une citation

« Aucun citoyen ne peut émettre un mandat à l’égard d’un autre », clarifie l’avocat Joseph Jacques Jasmin.

Pour assigner une personne par-devant le tribunal (civil ou correctionnel), quel que soit le motif, l’individu a besoin d’un exploit. Il s’agit d’un acte rédigé par un huissier permettant de constater un fait, d’accomplir une formalité de procédure ou engager une voie d’exécution.

« Si l’exploit est rédigé dans un Tribunal de paix, on l’appelle citation. Il prend le nom d’assignation ou ajournement dans les autres tribunaux », confie l’avocat. L’exploit est délivré à l’indexé par le biais d’un huissier. En principe, le plaignant doit être présent le jour où l’indexé doit se présenter au tribunal. « Sinon, la plainte déposée risque de ne pas être retenue », précise l’homme de droit.

En réalité, La Justice haïtienne prévoit quatre mandats réglementés par le Code d’instruction criminel. On distingue les mandats de comparution, d’amener, de dépôt et d’arrêt.

N’importe qui peut faire l’objet d’un mandat de justice émis par un juge d’instruction s’il enfreint la loi ou commet un acte quelconque contraire aux lois de la Nation. Les mandats sont des ordres judiciaires écrits qui permettent d’assurer la comparution en justice des inculpés.

Mandat de comparution

Ce type de mandat est décerné à un individu soupçonné d’avoir commis une infraction. Le mandat d’amener est une sorte de convocation adressée à un individu. Il sert de garantie à sa comparution pour être auditionné par le juge d’instruction dans le cadre d’une instruction préparatoire.

« Dans le cas où l’individu ne pourrait pas se rendre en justice, il devrait notifier le juge d’inscription par écrit, des raisons de son indisponibilité », signale l’avocat Joseph Jacques Jasmin. « En général, un deuxième mandat peut être adressé à l’individu s’il ne répond pas à l’invitation », précise l’avocat. Après quoi, le juge pourra décerner, alors, un mandat d’amener.

« Lorsque l’inculpé sera domicilié, et que le fait sera de nature à ne donner lieu qu’à une peine correctionnelle, le juge d’instruction pourra, s’il le juge convenable, ne décerner contre l’inculpé qu’un mandat de comparution sauf, après l’avoir interrogé, à convertir ce mandat en tel autre mandat qu’il appartiendra. Si l’inculpé fait défaut, le juge d’instruction décernera contre lui un mandat d’amener », stipule l’article 77 du Code d’instruction criminel.

Mandat d’amener

Lorsque l’individu commet des infractions graves, le juge d’instruction peut émettre à son encontre un mandat d’amener sans un premier mandat de comparution.

Le cas d’Arnel Bélizaire illustre bien ce type de mandat.

Le 26 novembre 2019, le Parquet de Port-au-Prince émet un mandat d’amener contre l’ex-député Arnel Bélizaire. Ce dernier a été épinglé par la justice haïtienne pour complot contre la sûreté intérieure de l’État et menace d’incendie contre l’Ambassade américaine et la brasserie de la Couronne.

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Comme indiqué, la police départementale du Sud’Est a procédé, dans la nuit du 29 au 30 novembre, à son arrestation. L’ancien député de la 49e législature converti en activiste politique a été appréhendé en compagnie de sept autres personnes.

Le mandat d’amener est donc un ordre donné à la force publique de conduire l’individu visé devant le juge, qui devra l’interroger dans les vingt-quatre heures. Il est notifié à la police, qui escortera l’inculpé en utilisant si nécessaire les moyens coercitifs. « Le mandat d’amener permet non seulement de rechercher l’individu, mais aussi de l’arrêter », confie Joseph Jacques Jasmin, l’un des initiateurs de la plateforme haïtienne de la défense des droits humains (POHDH).

Parallèlement, le mandat d’amener diffère des avis de recherche que la Police nationale d’Haïti (PNH) se sert pour retrouver un individu suspect. La PNH est une auxiliaire de la justice et ne peut pas à elle seule émettre des mandats. Elle exécute des ordres.

Le détenu Arnel Joseph a été activement recherché par la PNH à la suite d’un avis de recherche émis à son encontre. La Police peut mettre la tête d’un individu à prix pour encourager la population à apporter sa contribution dans sa capture. « Les avis de recherche sont des pratiques de police pour inciter la population à collaborer dans la poursuite d’un individu suspect », dit l’avocat qui révèle que la justice ne peut en aucun cas récompenser en argent un citoyen pour sa contribution. Il s’agit d’une pratique réservée aux forces de l’ordre.

Mandats de dépôts et d’arrêt  

Le mandat de dépôt fait apparition généralement après les deux mandats précités. C’est l’ordre donné par le juge au responsable de la maison d’arrêt ou d’une prison de recevoir et d’y détenir l’inculpé. Ce mandat est notifié par le juge à l’inculpé après son interrogatoire.

 « Pour émettre le mandat de dépôt, l’accusé doit être déjà entre les mains de la Justice », dit l’homme de droit. Lorsque le juge est presque certain que l’inculpé a commis l’infraction reprochée, poursuit-il, un mandat de dépôt fait ordre de le garder en prison bien avant son jugement.

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« L’officier chargé de l’exécution d’un mandat de dépôt ou d’arrêt se fera accompagner d’une force suffisante pour que le prévenu ne puisse se soustraire à la loi. » (Art.90)

Quant au mandat d’arrêt, il permet de cumuler ce que permettent les mandats d’amener et de dépôts. Il recommande à la fois d’arrêter et de détenir l’accusé en prison. C’est un ordre donné à la force publique de rechercher l’individu visé et de le mener à la prison désignée préalablement sur le mandat. « Il n’est employé que si l’inculpé est en fuite ou ne réside pas dans le pays », fait savoir le juge.

« Le mandat d’arrêt est particulièrement puissant et la Justice a une certaine certitude sur l’infraction reprochée à l’individu en fuite », estime l’avocat Joseph Jacques Jasmin.

Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

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