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Lyonel Trouillot | Revigorer les symboles

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Ce n’est pas en faisant brûler des enfants sous la chaleur du soleil ni à coups de discours ronflants que personne n’écoute à part ceux qui les prononcent que l’on va réveiller « l’esprit patriotique »

Les poètes nous ont enseigné que « les offrandes coulées dans la honte » ne soulèvent pas « les vertiges ». On ne peut échapper à une part de honte en ces temps de souveraineté en demi-teinte.

A-t-il fallu l’intervention d’un diplomate étranger pour chercher une solution à un problème de corruption au sein des plus hautes instances de l’État ? C’est pourtant simple. Se retirer au moins le temps de l’enquête devenue inévitable.
Non, on ne peut échapper à une part de honte que tel grand philosophe considérait comme une pré-vertu révolutionnaire.

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Mais de quoi peut-on avoir honte ? De ces élites ou oligarchies enfermées dans leur isolement, qui ne connaissent du pays que leurs richesses, leurs résidences, prisons de luxe, et la peur chaque fois qu’elles se sentaient trop près du peuple. De ces enfants des classes moyennes qui ont fait de l’État une source de promotion et d’enrichissement personnel. De la cupidité et de l’incompétence du règne de « bandits légaux » qui n’ont su que piller, dégrader, avilir. De la soumission des uns et des autres au principe de dépendance qui a enlevé toute autonomie aux décisions politiques.

Pas d’être Haïtien.

D’où la nécessité de revigorer les symboles. 17 octobre… 18 novembre… Non dans le ridicule esprit de cocarde et de fanfaronnade qui a fait les beaux jours des nationalismes de pacotille et des parades fascistes. Ce n’est pas en faisant brûler des enfants sous la chaleur du soleil ni à coups de discours ronflants que personne n’écoute à part ceux qui les prononcent que l’on va réveiller « l’esprit patriotique ».

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Aujourd’hui, revigorer les symboles en les utilisant comme repères et occasions de relance de la promesse fondatrice de l’État haïtien est une urgence politique. Signification historique, analyse implacable des détournements. Comment la société concrète a rompu avec ses promesses et comment refonder une proposition habitable. Opposer la viabilité à la déchéance. La liberté et l’égalité fondent les dures réalités de l’injustice, de l’inégalité, de la dépendance.

Malgré son caractère bancal, hybride, on peut exiger cela du pouvoir. Et on doit sans doute l’exiger de nous-mêmes. Revigorer les symboles. Reconstruire et redonner du sens. Les éternels candidats à d’improbables élections, les partis politiques, les universités, l’Université d’État en particulier, la Société d’Histoire, les regroupements de la société civile, c’est une tâche à laquelle tous devraient s’atteler. Repenser, retrouver le sens de l’être à lui-même et au monde de ce pays.

Et impliquer le peuple. Que ce ne soient pas des soliloques de vieux messieurs et vantardises de jeunes « savants », mais des activités en dialogue avec les masses. Une façon de les aider à reprendre un peu de ce pays qu’on leur a pris.

Par Lyonel Trouillot

Image de couverture : La parade du 18 mai 2023 à Pétion-Ville. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost


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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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