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Lyonel Trouillot | Les signaux qu’on attend

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Il est temps d’en finir avec les actes officiels en français et les prises de parole de nuit en créole

Il y a bien entendu les signaux attendus en matière de politique générale.

Dans les domaines où les douleurs sont trop fortes, les maux trop profonds pour demander à la société de patienter. Les conditions économiques des masses, la criminalité, l’éducation, le système de santé quasiment détruit. Toutes les mesures à prendre sur les « grands dossiers ».

Mais il y a aussi des signaux à donner pour faire la preuve d’un changement d’atmosphère et du rapport des «chefs» au pouvoir et à la population. Ils peuvent paraître secondaires, mais ne le sont pas. Ils témoignent d’une réalité dans l’exercice du pouvoir et c’est souvent sur eux que le simple citoyen fonde sa perception et son jugement.

Les conditions économiques des masses, la criminalité, l’éducation, le système de santé quasiment détruit.

L’ère PHTK a par exemple renoué avec un signe fort de la dictature duvaliériste : la furie des cortèges qui menacent tout, écrasent parfois sans s’arrêter.

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Qu’y a-t-il de plus agaçant pour un citoyen que de se sentir menacé et que d’être pratiquement bousculé par une traînée de véhicules dont le nombre semble inutilement imposant ? Le phénomène des cortèges n’a jamais été qu’une façon pour des pouvoirs corrompus et inefficaces pour signaler leur présence et leur force, lesquelles on aurait préféré les voir exercer autrement.

La question de l’impunité policière est aussi une question majeure.

Il ne faut pas avoir peur d’en parler. La passer sous silence serait la continuation d’une politique de mépris envers les citoyens et les policiers. Des policiers envoyés souvent à la boucherie. Des policiers auxquels on n’a pas donné les moyens d’effectuer leur travail. En compensation, on leur a donné « le droit » de faire n’importe quoi aux civils et d’utiliser leurs badges et leurs armes pour commettre des exactions et s’octroyer des privilèges. Les citoyens, en particulier dans les quartiers populaires, souffrent trop de cette impunité et elle contribue au désordre dans l’administration.

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Dans ses actes juridiques et administratifs, il importe aussi que le CPT et le gouvernement respectent le bilinguisme constitutionnel. En cela le CTP n’a pas été exemplaire jusqu’ici. Le principe d’un État avec deux langues est une démarche inclusive. Il est temps d’en finir avec les actes officiels en français et les prises de parole de nuit en créole. Imposer et appliquer le bilinguisme dans la fonction publique et la gestion de la chose publique constituerait un signe majeur de changement et de respect des droits de base de la population.

Tant de choses qui constitueraient des signes positifs…

On ne peut les nommer toutes. Mais il en est une qui est fondamentale. Mettre de la tenue dans les discours des responsables politiques, et faire que ces discours parlent d’abord aux Haïtiens. Le PHTK, dans toutes ses variantes, n’a jamais fait que parler dans le vide ou à d’autres que nous. Et donner signe qu’on dialogue non pas seulement avec les puissants, mais avec tous. En ce sens, je suis de ceux qui voient un signal négatif dans l’empressement, avant même la nomination d’un gouvernement, qu’a montré le Premier ministre à rencontrer « les amis de la communauté internationale », le « secteur patronal » pourtant représenté au Conseil présidentiel, mais pas les syndicats ni d’autres structures civiles et populaires.

Par Lyonel Trouillot

Image de couverture : Le Premier ministre Garry Conille et l’actuel Président du Conseil présidentiel de la transition (CPT), Edgard Leblanc Fils, le 12 juin 2024, à la Villa d’Acceuil, à Musseau, lors de la cérémonie d’installation du PM et des membres du gouvernement. | © X/@MCHaiti


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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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