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Lyonel Trouillot | Le devoir d’héroïsme de la part des citoyens ordinaires

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Dans un monde et un pays qui vont si mal, il y a peut-être un devoir d’héroïsme de la part des citoyens ordinaires. Sinon…

On est allé au bout de tant de mensonges. Et on persiste. Des élections avec un pouvoir décrié, incapable de convaincre qui que soit de quoi que ce soit, à part son je m’enfoutisme et sa seule obsession : se maintenir et s’aménager une sortie qui le protège de la juste colère du pays. Qu’écrire ?

Deux semaines sans rédiger de chronique. Le temps de se demander sur quoi écrire. Qu’est-ce qu’on peut dire et qui peut entendre ? On pourrait désespérer et se dire comme tel grand poète que «rien ne vaut la peine de rien».

Dans le monde, on est allé au bout de tant de mensonges. Un humanisme universel ? Mais non. À partir du moment où l’on admet que dans telle circonstance une armée régulière peut bombarder des enfants. À partir du moment où les sociétés qui ont fait leur fortune et leur développement sur des rapports d’inégalité avec d’autres peuples et sociétés refusent de penser la place de l’injustice dans leur constitution même, et prétendent faire la leçon au reste du monde. À partir du moment où l’on a du mal à trouver une hypothèse de vie, une proposition libératrice et égalitaire qui réunirait le monde dans un vaste élan ou un vaste chant.

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Demander peut-être à telle dame de sortir du merdier dans lequel elle s’est fourrée. Lui dire qu’elle a déjà cautionné une mascarade par le passé et, ce faisant, mis en danger sa bonne réputation. Pourquoi irait-elle perdre sa vieillesse dans une mascarade pire que la première ? Qu’écrire ? Sinon croire encore en la possibilité d’un sursaut national, pour imposer au dirigisme anti-démocratique de l’international une solution dans nos intérêts et à notre convenance.

Qu’écrire ? Sinon se rappeler à soi-même la nécessité de revisiter nos savoirs subversifs, les seuls outils pour faire de nous autre chose que ce qu’on a voulu faire de nous ? Notre part du chant du monde. Le dit poétique a une force incroyable, il faut le faire entendre, comme source d’espérance et de confiance. Dire Philoctète, Brierre, Castera, Lespès… aujourd’hui, c’est carrément un acte politique. Comme s’appuyer sur ce que ce pays a su penser, convoquer cela pour penser le présent et croire en l’avenir.

Dans un monde et un pays qui vont si mal, il y a peut-être un devoir d’héroïsme de la part des citoyens ordinaires. Faire masse contre les mensonges. À nos échelles respectives, dans nos petites vies ordinaires. Faire masse pour se faire entendre. Sinon le mensonge nous avalera.

Par Lyonel Trouillot

Image de couverture :  À Ouanaminthe, en novembre 2023, un jeune garcon joue du « lambi », divertissant ainsi le public en marge de la construction du canal, sous le regard curieux des soldats dominicains. | ©  Jean Feguens Regala/AyiboPost


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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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