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Lyonel Trouillot | Le CPT, entité solidaire

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Ce CPT pouvait remplir la mission de conduire à de véritables élections, en tenant compte des conditions préalables : sortir le pays de la dictature de la criminalité et répondre aux problèmes immédiats des classes sociales défavorisées

Un ami m’a demandé pourquoi je n’avais pas été aussi critique du CPT au moment de sa formation. La réponse est simple. On a conduit ce pays au bout de quelque chose qui ne peut pas se reproduire en assurant une quelconque normalité. Dans cette situation extrême, on osait espérer que, pas même pour des raisons éthiques, mais par lucidité, ce CPT pouvait remplir la mission de conduire à de véritables élections, en tenant compte des conditions préalables : sortir le pays de la dictature de la criminalité et répondre aux problèmes immédiats des classes sociales défavorisées. Huit mois ont fait la preuve de quelque chose, et ça ne sent pas la rose.

Cela a vite tourné à autre chose, ou, de préférence, à la même chose : bataille d’influence, stratégie de placement, mise au second plan des problèmes urgents. Recul donc par rapport aux revendications des manifestations populaires depuis 2018 : lutte contre l’insécurité, les crimes financiers, orientation de l’État vers des services à la nation, mesures pour atténuer la misère des plus démunis, liberté d’expression et remembrement sur une base consensuelle des institutions d’État. La réalité :  Bataille de (faux) partis, d’ego. Zanmitay et cooptations, deals et manigances.

Dans cette situation extrême, on osait espérer que, pas même pour des raisons éthiques, mais par lucidité, ce CPT pouvait remplir la mission de conduire à de véritables élections

Je m’étonne que mon ami et quelques-uns (ils ne sont pas bien nombreux) n’éprouvent pas envers ce CPT et ses subalternes la suspicion qu’engendrent chez la majorité leurs pratiques antérieures et actuelles, et la non-modification de la situation générale du pays. La même suspicion qu’on peut nourrir à l’endroit des propositions en faveur de la présidence d’un juge de la Cour de Cassation. Lequel ? Selon quels critères ? 

L’arrestation d’une poignée de hauts dignitaires accusés de diverses formes de soutien aux gangs. Quelques jouets distribués pour la Noël. Des opérations policières, les unes efficaces, les autres désastreuses, qui ne semblent pas participer d’une politique élaborée avec des objectifs précis. Des gens qui meurent. Au bout de huit mois, faut-il considérer cela comme des titres de gloire ! Demandons leur avis à ceux qui survivent dans la peur et dans la faim et dont la liberté de circuler est plus limitée encore qu’hier. 

Quelles sont donc ces merveilles, des merveilles qu’il faudrait applaudir ? On est sur le chemin habituel de ces transitions qui n’en finissent pas. Qui peut aujourd’hui affirmer qu’il y aura un Parlement et un président élus début 2026 comme prévu ? Je veux voir celui qui, brave jusqu’à la témérité, osera dire cela au pays, s’il n’est pas lui-même actuellement au pouvoir et pensant déjà à une stratégie pour obtenir une prolongation. Ou encore assez vaniteux et naïf pour croire qu’on lui passera le pouvoir.

Je revendique le droit d’avoir mal à mon pays et de ne m’appuyer sur aucune vulgate pour encenser qui que ce soit. Il n’y a pas deux pouvoirs, mais bien un seul CPT. Ses différences, ses luttes internes en sont un élément constitutif. Le triomphe des uns ou des autres ne produira rien de mieux que cet équilibre malsain qui lie dans leurs contradictions ceux qui nous gouvernent, sinon la mainmise d’un groupe sur tout. Or ceux qui sont actuellement au pouvoir, les uns après les autres, ont déjà eu la mainmise sur tout.

Qui peut aujourd’hui affirmer qu’il y aura un Parlement et un président élus début 2026 comme prévu ?

Il me paraît que la seule source d’un véritable changement ne peut être aujourd’hui que l’expression massive de la colère populaire. Sans une telle secousse extérieure, la « vie politique institutionnelle » semble bien partie pour rester ce qu’elle est. Du surplace.

Par 

Image de couverture : Port-au-Prince, le 14 janvier 2025. Suite à l’installation officielle du nouveau Secrétaire d’État à la Sécurité Publique. | ©LaPrimature

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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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