Les résultats de l’année 2025 viennent d’être proclamés et la poésie haïtienne se retrouve encore reconnue et primée
Je viens de relire les textes de Iléus Papillon (Adjeridan), de Witerwan Kenley Jean (nul oiseau ne viendra picoter nos tombes), et de Litainé Laguerre (Alelouya Desalin), les deux premiers, lauréats du Prix de l’invention poétique de l’association Balisaille (Martinique) pour l’édition 2024, et le troisième ayant obtenu une mention spéciale du jury, pour la même édition.
Les résultats de l’année 2025 viennent d’être proclamés et la poésie haïtienne se retrouve encore reconnue et primée.
En lisant les trois œuvres primées l’année dernière, hors tout chauvinisme qui viendrait vanter la bonne santé de la poésie ici, ce qui me frappe, c’est la lucidité, la capacité de voir et de dire le réel que la poésie haïtienne du XXe siècle et du début du XXIe siècle a eu, a, dans une solitude douloureuse par rapport aux autres discours participant à la parole publique.
Hélas, les prédictions de tel poème de Brouard (Vous), de Durand (« l’indépendance est éphémère sans le droit à l’égalité », de Philoctète (les cœurs qui se dessèchent avec la terre), limpides dans leur lecture du social malgré les procédés de rythme et de symbolisation qui font la spécificité de l’écriture poétique, se matérialisent avec une violence dont certains font semblant de s’étonner alors qu’elle était prévisible, que les chemins pris par les dominants et l’État conduisaient là.
Il aurait suffi d’avoir lu, compris, senti ce qu’il y avait de justesse dans la lecture du social dans « l’indépendance est éphémère sans le droit à l’égalité ». Tout était là. Isit, tout moun pa janm moun. Nous le payons dans le sang, et tous les chemins suivis depuis la chute des Duvalier ont valeur de faux chemins.
À cette dénonciation et cette lecture plus lucide que mille traités bavards, la poésie a ajouté le caractère infernal, inhumain de la vie dans les milieux défavorisés. On retrouve cela dans les recueils cités plus haut. C’est présent dans la majorité des recueils écrits et publiés par des jeunes en Haïti sur au moins les quinze dernières années. Là encore, on n’a pris cela au sérieux. Des poètes ou des apprentis poètes qui radotent, et, en plus, en créole, ce qui n’ajoute rien à la valeur ou l’importance que l’on accorde à leurs écrits.
L’indépendance est éphémère sans le droit à l’égalité.
Pourtant, tout y est. Surtout la mort de cet État, la certitude que tel qu’il est et fonctionne, les masses ne doivent rien en attendre. En ces temps de déshonneur, seule la poésie semble faire honneur au peuple.
Après avoir dit : « Je crache sur les bulletins de vote des politiciens sans couilles sans cœur et sans conscience » (W.K.J.), revenir peut-être à maître Jean-Jacques qui eut le mérite d’exprimer un vœu d’Éthique et d’équité, par besoin d’Alleluia, d’un point de départ pour un autre commencement.
À lire, les trois recueils primés au festival Mai-Poésie en Martinique l’année dernière par l’association Balisaille, non seulement pour leur qualité poétique. Mais aussi parce que, à sa manière, la poésie pense. Et souvent plus loin que la raideur et le conformisme des penseurs officiels.
Par : Lyonel Trouillot
Couverture | Photo portrait du poète Iléus Papillon. (Source : page Facebook d’Iléus Papillon), Photo du poète Witerwan Kenley Jean. (Source : page Facebook Witerwan Kenley Jean), Photo du poète Litainé Laguerre (Source : page Facebook Litainé Laguerre) Collage Florentz Charles pour AyiboPost
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