Au-delà du ridicule et de l’indication du taux de chômage, cette affluence de candidatures au poste de Premier ministre renseigne sans doute sur l’un des points les plus désolants de la réalité haïtienne : la faiblesse de la représentation des idéologies politiques
Ils sont au moins cent à n’avoir pas peur du ridicule. Tel qui a lu tous les livres. Tel à qui on ne sait quel ancêtre ou quelle divinité avait promis un grand destin. Tel qui a toujours eu dans ses mains les solutions à tous les problèmes, sauf que les petits humains que nous sommes n’avaient jamais pensé à faire appel à lui. Tel dont personne à part quelques proches n’a jamais mentionné le nom et qui veut faire savoir qu’il existe. Tel qui n’était pas intéressé, mais s’est laissé convaincre par une foule de sympathisants et de fanatiques invisibles. Tel qui s’est dit ce n’est peut-être qu’un jeu, mais on se sait jamais, « se an jwèt yo batize jwif… »
Heureusement qu’il y avait une date limite, sinon on aurait peut-être atteint le millier. Au-delà du ridicule et de l’indication du taux de chômage, cette affluence de candidatures au poste de Premier ministre, comme s’il s’agissait de n’importe quelle fonction subalterne dans une quelconque entreprise, renseigne sans doute sur l’un des points les plus désolants de la réalité haïtienne : la faiblesse de la représentation des idéologies politiques.
Comme s’il s’agissait de n’importe quelle fonction subalterne dans une quelconque entreprise.
Une véritable représentation des idéologies politiques aurait conduit, naturellement et de manière institutionnelle, à des stratégies de regroupement. Au nom de telle vision de la chose politique dans le temps long comme dans l’urgence du jour, on se serait mis ensemble, on aurait discuté, choisi. Les choix auraient une dimension collective et témoigneraient d’une vision de la chose publique commune à un groupe organisé autour d’une pensée et d’un projet d’application de cette pensée.
C’est un déficit auquel nous aurons à faire face quand il s’agira d’aller voter. La foire aux premiers ministrables est un indicateur de la plus magistrale foire aux cancres et aux génies que promet d’être la campagne électorale pour les collectivités locales, les législatives et la présidentielle.
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Nous aurons droit à une interminable liste de marchands d’eux-mêmes.
Soit qu’ils diront posséder beaucoup de livres, de temps libre ou beaucoup d’expérience, ou si et ça, mais en réalité ils auront beaucoup d’aplomb et une bonne dose d’inconscience. Mais de quelle vision collective portée par quels groupes sociaux et quelle idéologie politique seront-ils porteurs ? Ce sera pour eux sans importance.
La foire aux premiers ministrables est un indicateur de la plus magistrale foire aux cancres et aux génies que promet d’être la campagne électorale pour les collectivités locales, les législatives et la présidentielle.
On devrait peut-être organiser une foire et les exposer, les visiteurs choisiraient au pif ou au hasard. Ou plus sérieusement, redonner ses droits à la politique comme cadre de mise en œuvre d’une vision sociale et d’une vision de l’État. Et demander à ceux qui veulent des fonctions politiques de constituer de vrais groupes politiques avec des idées claires plutôt que de se présenter au rire en se prenant pour des êtres extraordinaires.
Par Lyonel Trouillot
Image de couverture : des candidats à la file indienne pour déposer leurs dossiers dans une institution. | © freepik
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