C’est un «faillir» bien sale que nous proposent de facto et international, la mise à mort d’un peuple comme sujet politique
Aujourd’hui, ne pas parler directement du pouvoir de facto, du racisme qui dicte une politique internationale voulant éliminer les Haïtiens de la direction politique des affaires haïtiennes. D’un pays que l’on tue. À coups de gangs. À coups de décisions économiques qui ne vont jamais dans le sens des intérêts de ceux qui souffrent. À coups de missions internationales qui enrichissent le personnel qu’elles emploient et déploient, agents doubles qu’on amènerait ici au nom du bien et qui n’ont jamais fait que du mal, organisateurs et receleurs d’élections truquées, protecteurs de pouvoirs corrompus.
Ne pas parler directement du docteur Ariel Henry, Premier ministre de facto, des subalternes qui l’accompagnent, d’António Guterres, un Secrétaire général en habit va-t’en guerre qui veut des hommes armés, d’Helen Meagher La Lime et sa succession… Du crétinisme et du déficit d’humanité et de respect qui fait que les sociétés les plus riches et les institutions les plus puissantes de la planète refusent au peuple haïtien ce qu’il réclame : le droit de choisir un gouvernement de transition susceptible d’organiser des élections crédibles et de mener une politique qui atténue la misère des plus démunis, remette en fonction des institutions administratives dignes de ce nom. C’est un «faillir» bien sale que nous proposent de facto et international, la mise à mort d’un peuple comme sujet politique.
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Faillir. Que le poète me pardonne d’emprunter un fragment de son titre et de le mêler à la catastrophe qu’on nous impose. Dans l’œuvre, il est question d’un «faillir propre», sans lien direct avec la politique, même s’il y est question de «promesses de paix enivrées de conflits», même si «ici-bas/l’angoisse nourrit mal/ses défis/ses fils», même si «ici-bas/l’on n’attend plus/demain au même endroit.»
Il court des merveilles de vers dans le dernier livre de poésie de Jeudinéma, Faillir propre (ed Li+ Poésie). Un dit d’amour, celui qu’on fait à deux et celui dont on rêve, confronté à l’inévitable chute, à l’impossibilité même de l’amour et du rêve, aux trahisons (mon âme sent la messe/des cloches trahies), à la vieillesse qui vient… Faillis sommes-nous, mais en résistance à cette condition, en révolte permanente. Ainsi «je bénis la corde qui m’a pendu», peut-être parce que «j’aime quand l’évidence fait la guerre à sa chute». Et je te fais cette proposition : «Vivons d’erreurs inhabituelles». «Moi qui n’ai pas d’avenir», «Sois ma prudence, Joh/tes rêves ont de bons yeux». L’amour, la rencontre, d’actes et de mots, portant regard sur le bien souhaité. Portant aussi regard sur leur condition éphémère et sur les contraintes des mauvais côtés du réel. Une tension sous forme d’une espérance qui désespère (« dis-toi/au mépris de quel désir boiteux/le vouloir se couche tôt ») ou d’un désespoir enchanté par l’hypothèse du don d’amour : «Jonanna mon ciel épais/ciel de pluies fines et de versets en liesse/rends-moi mes visions palpables/ma richesse faite phrases/rends-moi ma chair fleurie ». Passent de temps en temps, inévitables lueurs, Philoctète et Castera. Si présent le rappel que la poésie est une langue étrangère que seuls les chanceux apprivoisent. Quelle chance que ces vers : « c’est l’angélus qui sort de l’œil/couche avec la lampe/et l’endormie profondeur ».
Le seul regret, de violentes coquilles et des tournures que les structures de la langue française reçoivent mal. À enlever sans doute à l’occasion d’une prochaine édition.
Faillir sale, de facto, Core group, Nations pas si unies que ça…
Faillir propre, la souveraine échappée ou le souverain ancrage de la poésie.
Tant de mensonges sur nos têtes, hypocrites bavardages de tueurs d’espoirs de peuple.
Pourtant, comme dit le poète, «parler est un acte mûr». Il suffirait qu’on soit moins bête, moins vain. Et plus honnête.
Par Lyonel Trouillot
© Image de couverture : Lors d’une distribution de plats chauds à Delmas, un homme qui n’en a pas trouvé ramasse de la nourriture dans les rues. | Jean Feguens Regala/AyiboPost
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