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Lyonel Trouillot | Et ceux qui n’ont pas le pouvoir de sanctionner ?

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Je n’ai jamais mis les pieds dans une mosquée ni une synagogue, mais personne ne me fera avaler qu’une horreur est plus horrible qu’une autre selon qu’elle frappe les unes ou les autres

Pour le compte des enfants morts, il faut trois cents d’un pays occupé pour un d’un État dit «démocratique».

Les blancs d’Australie ont voté en majorité contre plus de droits (donc concrètement l’amélioration du sort) des aborigènes, mais rien à dire, c’est un vote démocratique.

Le gouverneur de Floride a approuvé une consigne donnée aux enseignants qui leur impose d’enseigner que l’esclavage avait quelque chose de positif pour les noirs, mais rien à dire, c’est un gouverneur élu dans un État démocratique, et la démocratie c’est l’application des lois et des consignes.

Un jeune européen qui avait assisté à une séance de l’Atelier Jeudi Soir nous avait expliqué que la révolution haïtienne n’était pas démocratique, que les esclaves auraient dû faire montre de patience et de pédagogie pour démocratiquement amener les colons à comprendre, changer. Ah, sacré Dessalines qui n’avait rien compris à la démocratie…

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Des chiffres et des lettres… Des mots et des choses… Personne n’est dupe. Derrière les prêches, une logique militaire, carotte et bâton, aide ou sanction. Comment doivent se sentir ceux qui n’ont le pouvoir de sanctionner qui que ce soit ? Ceux-là ne comptent pas.

Retour du vieux mythe de l’universel, sous la forme d’une leçon que certaines sociétés convaincues que tout ce qui les précède n’avait pour but que de conduire à elles, entendent faire au monde. Étrange, la démocratie formelle capitaliste a remplacé le vieil idéal communiste comme stade final de l’humanité.

Comment doivent se sentir ceux qui n’ont le pouvoir de sanctionner qui que ce soit ? Ceux-là ne comptent pas.

Tel chef d’État dit que son pays est un phare. Il faut croire qu’il n’éclaire pas bien ceux qui meurent dans l’Atlantique ou en Méditerranée.

Et parmi les chiffres et des lettres, un Premier ministre de facto soutenu par la machine internationale, au nom de la démocratie, laquelle passe par des élections, depuis un an, deux ans, trois ans… Lequel Premier ministre est incapable d’organiser des élections, comme l’avaient (pré)dit les Haïtiens. Mais que savent les Haïtiens des choses qui les concernent ?

Je me souviens d’une experte européenne qui travaillait sur un guide scolaire avec des Haïtiens réputés être les meilleurs dans leurs domaines respectifs. Elle jugeait que le programme conçu par eux était trop élaboré. Énervé, un Haïtien lui avait dit : vous voulez des instituteurs ou des animateurs ? En toute bonne foi, elle avait répondu : nous voulons des animateurs. C’était elle qui avait les sous.

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Dans mon jeu à moi, j’aime mettre les enfants, les religions, les peuples à égalité. Je n’ai jamais mis les pieds dans une mosquée ni une synagogue, mais personne ne me fera avaler qu’une horreur est plus horrible qu’une autre selon qu’elle frappe les unes ou les autres.

Par Lyonel Trouillot

Image de couverture : Nuage de fumée dans la ville de Gaza après une frappe aérienne Israélienne. | © Anas Baba/AFP


Découvrez cette interview spéciale d’Ayibopost réalisée en septembre 2018 avec l’historien Jean-Pierre Le Glaunec, qui explique la relation complexe entre l’Occident et Haïti avec Jean-Jacques Dessalines :


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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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