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Lyonel Trouillot | Avril brisé : corruption, répression…

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Tous les signes que donnent le CPT et le gouvernement sont ceux de l’opulence, du gaspillage, du show. Tout cela sur fond d’impuissance. Ces cortèges qui menacent d’écraser tout sur leur passage dans les quelques rues qu’il nous reste

L’usage tellement excessif qu’on peut le croire joyeux des lacrymogènes contre la manifestation du mercredi 2 avril n’est pas quelque chose d’anodin.

Cette manifestation, massive, résolue, est, elle-même, le premier signal fort d’un réveil citoyen et d’un début d’action collective. « Nous ne voulons plus mourir assassinés. Nous ne voulons pas d’un pouvoir politique qui nous laisse mourir assassinés ». Un droit légitime. Dans le concret, les bandits derrière ou autour, la police devant qui réprime.

Les balivernes sur le risque d’infiltration ne font pas honneur à ceux qui les sortent. Pourquoi ne parlent-ils pas du risque d’être assassinés quand on sort dans la rue, qu’on prend un bus ou un bateau ? La population ne peut pas manifester.

Nous ne voulons plus mourir assassinés. Nous ne voulons pas d’un pouvoir politique qui nous laisse mourir assassinés.

Mais elle devrait participer à un référendum inconstitutionnel aux questions biaisées ! Les queues ne risqueraient pas d’être infiltrées ! Et comment parler de référendum quand les gens n’ont pas le droit de se réunir, de dire, de crier même, je veux ci et pas ça !

Ceux qui semblaient en douter doivent réaliser aujourd’hui que nous revoilà revenus au temps d’Ariel, si tant est que nous en étions jamais sortis. Indifférence au sort des masses, mutisme devant les problèmes urgents, augmentation de la criminalité et usage de la répression pour se maintenir au pouvoir.

C’est un processus de contestation du CPT-gouvernement qui s’engage avec cette première grande manifestation. Et avec les lacrymogènes, c’est aussi un processus de répression qui s’engage. Pression à venir sur d’éventuels militants et organisateurs. Financement (avec notre argent) de groupuscules qui vont assauter les médias et crier « Vive le CPT, vive le gouvernement ».

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Honte à ceux qui manifestaient hier et qui donnent les ordres aujourd’hui de réprimer les manifestations, rien n’ayant changé, tout ce qu’ils voulaient, c’était donc le pouvoir pour eux. Et le CPT et le gouvernement qui ne faisaient déjà pas grand-chose d’autre n’auront qu’une préoccupation majeure et une action politique : se maintenir au moins jusqu’à une parodie de passation de pouvoir.

Sans faire de la morale, en analysant les faits, rien n’a progressé, tout semble même avoir reculé quant à la restauration d’un minimum de sécurité, l’exercice des droits politiques, la possibilité de tenir de véritables élections, la lutte contre la corruption.

Tous les signes que donnent le CPT et le gouvernement sont ceux de l’opulence, du gaspillage, du show. Tout cela sur fond d’impuissance. Ces cortèges qui menacent d’écraser tout sur leur passage dans les quelques rues qu’il nous reste… Ces voyages coûteux dont on ne comprend souvent ni le sens ni l’intérêt… Ces commissions sont plus proches de la cooptation que d’un processus de transformation… Et surtout ces morts qui s’accumulent. Ces attaques répétées des bandits. Cet usage sans transparence de l’argent public…

Honte à ceux qui manifestaient hier et qui donnent les ordres aujourd’hui de réprimer les manifestations, rien n’ayant changé, tout ce qu’ils voulaient, c’était donc le pouvoir pour eux.

Avril brisé. Ce CPT est mort. Le pire que puisse faire un mort qui n’a pas fait de bien dans son vivant, c’est de vouloir imposer sa présence dans le monde des vivants. Cela finit en film d’horreur.

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Couverture | La police tire des gaz lacrymogènes lors d’une manifestation à Port-au-Prince, en Haïti, le 10 octobre 2022. Photo Ralph Tedy Erol, (Source : France 24)

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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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