On ne peut s’empêcher de revenir à la boutade de Brecht qui arrive à la conclusion qu’il faut « dissoudre le peuple ». Ou à la phrase forte de la Sainte famille stipulant que : « L’histoire ne fait rien. C’est l’homme réel et vivant qui fait tout. »
Je crois que l’un des problèmes de fond empêchant de trouver une avancée dans une construction nationale dans le sens des intérêts des masses populaires, est à la fois le déficit d’analyse de leurs conditions réelles et de leurs éventuelles aspirations.
Ce déficit sur le plan structurel (les processus ayant conduit à ces conditions) comme sur le plan descriptif (le détail de ces conditions dans leur matérialité économique, le régime de sensibilité, les formes d’adaptation et de résistance en regard de ces conditions…) condamne ces masses urbaines et rurales à une solitude du ressenti et de l’expérience vécue, que nul hormis elles n’exprime ni ne relaie.
Quitte pour elles d’inventer seules les structures organisationnelles et les formes des mouvements de défense de leurs intérêts.
Les masses populaires haïtiennes, c’est les misérables sans Hugo ni Dickens.
Sans production académique (sauf de louables exceptions) orientées vers l’étude des dominés.
Même des analyses « marxistes » les éliminent comme sujet collectif éventuel en utilisant contre elles la catégorie de « lumpen », non comme catégorie descriptive, mais comme un concept dépréciatif.
Les masses populaires haïtiennes, c’est les misérables sans Hugo ni Dickens.
Pire, c’est que leur actualité (aujourd’hui misère, dépossession de lieux, de biens, d’humanité, violence des gangs…) n’est pas conçue comme inacceptable, « invivable », quelque chose contre quoi il faut lutter avec elles.
Les réponses proposées sont dans la logique d’une banalisation de leurs conditions comme un moment d’une histoire dont le sujet serait elle-même.
Un fétichisme de la constitution d’un État durable, plus hégélien que marxiste. (Marx écrivait, parlant des membres de la société : « leur vrai lien, c’est la vie civile et non la vie politique ».) Une « étapisation » des luttes sociales qui idéalisent des masses merveilleuses et révolutionnaires à venir.
On ne peut s’empêcher de revenir à la boutade de Brecht qui arrive à la conclusion qu’il faut « dissoudre le peuple ». Ou à la phrase forte de la Sainte famille stipulant que : « L’histoire ne fait rien. C’est l’homme réel et vivant qui fait tout. »
La violence criminelle ne frappe pas que la petite-bourgeoisie et les classes moyennes opprimées, le peuple des villes condamné à la précarité et la débrouillardise, les paysans pauvres.
Mais les effets de cette violence venant s’ajouter à l’exploitation et à la domination qu’ils subissaient déjà les atteignent de façon particulière.
Et c’est de ces souffrances concrètes, à la fois structurelles et immédiates, qu’il faut partir, pour participer avec eux à un processus de transformation de la société vers plus de justice sociale et d’égalité réelle.
La violence criminelle ne frappe pas que la petite-bourgeoisie et les classes moyennes opprimées, le peuple des villes condamné à la précarité et la débrouillardise, les paysans pauvres.
Qu’en cette année 2025, les progressistes cessent de blablater sur l’État, de coucher dans des abstractions ou de courir après quelque chose comme la part congrue du pouvoir politique d’une prétendue transition dont on ne voit pas venir la fin, pour de préférence nouer des liens organiques avec ceux qui souffrent le plus, vers de véritables pensées et actions transformatrices.
Par Lyonel Trouillot
Image de couverture : 2 janvier 2025, le Conseil présidentiel de transition a honoré la mémoire de nos ancêtres à Viladakèy en présence du Premier ministre. | © Présidence d’Haïti
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