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L’ex-femme du Zimbabwéen accusé de trafic d’armes dénonce l’église épiscopale

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Hawa Kassire Ohrgue a été violemment défigurée à l’acide par son ex-mari. « L’Église Épiscopale d’Haïti prétend qu’elle ne savait pas que Vundla utilisait leur adresse : c’est faux », déclare la tchadienne dans une entrevue exclusive accordée à AyiboPost

AyiboPost a rencontré Hawa Kassire Ohrgue, l’ex-femme de Vundla Sikhumbuzo, le Zimbabwéen recherché par la Police nationale d’Haïti (PNH) pour trafic d’armes dans le dossier de colis illicite importé au nom de l’Église Épiscopale d’Haïti.

Hawa Kassire Ohrgue débarque en Haïti dans le but de déposer une plainte auprès de la justice haïtienne pour avoir la garde des trois enfants qu’elle a eu avec son ex-mari, présentement en cavale.

Accompagnée de son avocat, Me Mario Joseph, Hawa Kassire Ohrgue s’est rendue au tribunal de première instance de Port-au-Prince le lundi 8 aout 2022 pour entamer les procédures judiciaires. « L’idée est de déposer une requête par-devant le doyen du tribunal pour que madame Kassire ait le droit de garder les enfants et obtenir de son ex-mari, une pension alimentaire », a dit Me Joseph.

Hawa Kassire Ohrgue est de nationalité tchadienne. Elle a un diplôme en droit et un autre en administration de trésor public.



Emmanuel Moïse Yves : De quand date votre premier voyage en Haïti?

Hawa Kassire Ohrgue : Mon premier voyage en Haïti remonte en juillet 2014. Je devais rejoindre mon ex-mari qui travaillait déjà en Haïti. Mon départ du Tchad n’a pas été facile puisque ma famille ne voulait pas que je vienne résider en Haïti.

Votre relation avec lui a duré combien de temps ? Aviez-vous des enfants avec lui?

On a vécu en relation conjugale pendant environ onze ans. On a fait trois enfants ensemble. Ma famille ne voulait pas de lui, mais j’avais pris la décision de me marier avec lui. Notre relation était très instable et je subissais pas mal de violence.

En janvier 2015, pratiquement quelques mois après avoir vécu avec lui en Haïti, j’avais porté plainte pour violence conjugale. À l’époque, Monseigneur Jean Zaché Duracin de l’Église Épiscopale d’Haïti était contre l’idée. Il m’avait dit que cela devait être réglé en famille.

Le nom de votre ex-mari, Vundla Shikumbuzo, est cité dans un dossier de trafic d’armes durant le mois de juillet. Comment avez-vous réagi après avoir lu ou entendu ces informations?

Je n’étais pas surprise. J’ai été informée de la nouvelle par le biais de mon avocat aux États-Unis. Et quand j’avais appris qu’il était accusé dans le trafic d’armes, j’ai dit à mon avocat : « Voilà la preuve que vous m’avez demandée. » En fait, je lui ai communiqué certaines informations sur mon ex-mari, mais il avait refusé de me croire puisque je n’avais pas de preuves [tangibles].

Après avoir lu les informations rapportées par la presse haïtienne sur [mon ex-mari], j’ai pensé à mes enfants. N’importe quel père responsable ferait en sorte de rentrer en contact avec son ex-femme pour lui confier les enfants. Vu sa situation actuelle, je pensais qu’il allait me les confier. Mais ce n’est pas le cas.

Est-ce que vous pouvez décrire en peu de mots pour AyiboPost qui était Vundla Sikhumbuzo?

Mon ex-mari est un psychopathe. Avant, lorsqu’on résidait au Tchad, il travaillait pour une institution qui n’a pas pris de temps pour le licencier pour malversation. Après on s’est rendu au Burundi, et là encore, l’institution pour laquelle il travaillait a résilié son contrat après trois mois pour les mêmes causes.

De novembre 2008 à 2010, il est embauché par une ONG française du nom de Secours islamique France. C’est cette ONG lui a fait venir en Haïti pour travailler pendant un certain temps. Mais au bout de six mois, il a été licencié pour détournement de fonds et l’ONG lui a collé un procès. À l’époque, c’était en 2010, il était représenté par Me Napoléon Lauture.

[Contacté par AyiboPost, Me Lauture confirme avoir travaillé pour Vundla sur ce dossier. «Cela fait déjà plus de 10 ans, je ne me rappelle pas la cause exacte. Mais il avait gagné le procès», a déclaré Lauture. Il n’a pas fourni de documents pour soutenir ses dires.]

Lire aussi : L’ancien chef des opérations de l’église épiscopale avait attaqué sa femme à l’acide

Quelques mois plus tard, il a été embauché par l’Organisation internationale pour les Migrants (OIM) en tant que logisticien, mais après six mois on a résilié son contrat. Cette fois, je ne connaissais pas la cause de sa révocation.

En janvier 2011, il fut recruté par l’Église Épiscopale de New York, puisqu’il y avait un problème de management au sein de l’église. Avec son recrutement, l’église pensait pouvoir résoudre leur problème, mais c’était plutôt le contraire. Il a été licencié en novembre 2017.

Selon les informations disponibles sur le web, vous avez été attaqué à l’acide par votre ex-mari…

J’ai subi des actes de violence entre ses mains à cause de ma jalousie puisqu’il avait une maîtresse. À un moment donné, je n’en pouvais plus et j’avais décidé de partir. Mais il a refusé de me donner mes documents de voyages et d’autres papiers comme mon diplôme puisqu’il les a tous confisqués.

Au départ, les membres de ma famille ne voulaient pas que je vienne résider en Haïti avec lui. Il a donc conclu avec eux que je m’installerai ici pendant six mois, avant un éventuel déménagement pour Miami. Mais à mon arrivée, il a confisqué mes documents. Pour le pousser à me les rendre, j’ai menacé de dénoncer ses actions à mon encontre. C’est ainsi qu’il a décidé, le 5 mai 2017, de m’attaquer à l’acide pour me tuer car, il craignait que je le dénonce.

J’aurais dû négocier avec lui pour reprendre mon passeport et le dénoncer après, mais ma colère avait pris le dessus.

Qui vous a aidé après l’attaque?

Il m’avait laissé pour morte. J’ai donc appelé ma famille et d’autres gens pour leur informer de la situation. Lorsque je lui ai dit que j’avais déjà informé tout le monde de la situation, c’est à ce moment qu’il a décidé de me déposer à l’hôpital Espoir. Il est reparti sans divulguer son identité à l’hôpital.

Le centre hospitalier a contacté Médecin sans frontière (MSF) puisqu’ils ne pouvaient pas gérer mon cas. MSF était également en incapacité de me prendre en charge. C’est ainsi que j’ai appelé ma famille pour avoir leur support.

Malgré les négociations, Vundla avait refusé de donner à ma sœur mes documents de voyage pour pouvoir quitter Haïti et aller prendre soin aux États-Unis d’Amérique. À date, il ne me les a pas rendus. Pour voyager, j’avais fait un nouveau passeport en moins de 24 heures grâce à mon père qui est un influent politicien au Tchad.

Vous avez vainement sollicité la justice haïtienne à deux reprises sur ces faits. Est-ce que vous savez pourquoi la justice haïtienne a boudé votre requête?

Je ne sais pas. Il va falloir poser cette question à mon avocat.

Quel était le comportement de l’Église épiscopale d’Haïti après ces actes. Est-ce que vous avez sollicité leur aide ou porté plainte contre Vundla auprès des évêques de l’église?

Avant, les gens de l’église m’avaient dit que c’est un problème privé, qu’ils ne peuvent pas s’immiscer là-dedans. Après avoir été victime de l’attaque à l’acide, j’ai contacté les responsables pour me donner un coup de main dans la prise en charge puisque c’était leur employé qui m’avait agressé. Ils avaient refusé de payer les frais d’hospitalisation.

Lorsqu’on m’a chassé de l’hôpital, un avocat américain des droits humains a menacé de dénoncer l’église auprès des Nations-Unis s’ils continuent de ne pas réagir sur mon cas. C’est à ce moment que l’église a décidé de licencier Vundla, prétextant qu’il ne travaille plus pour eux et qu’ils ne doivent rien à sa femme.

Lire enfin : Les démarches secrètes d’un collaborateur de l’église épiscopale dans une affaire de trafic d’armes

Mais par rapport à ce qu’ils disent aujourd’hui prétextant qu’ils ne savaient pas que Vundla utilise leur adresse, je crois que c’est une fausse déclaration venant de leur part.

Par exemple, l’adresse que Vundla a utilisée comme sienne dans le document de divorce en 2018 est celle de l’Église Épiscopale d’Haïti. Il a aussi utilisé pour mon adresse, une maison ayant rapport à un membre de l’église chez qui je n’ai jamais habité.

J’ai appris que j’ai été divorcé via une annonce publiée dans le journal Le Nouvelliste pendant que j’étais en soins intensifs aux États-Unis. Après avoir vu le document, j’ai appelé les responsables de l’église pour leur demander pourquoi ils ont accepté que Vundla utilise leur adresse alors qu’il ne travaille plus pour eux. Ils n’ont pas réagi. L’église sait bien que Vundla utilisait l’adresse pour ces besoins.

Souhaitez-vous ajouter une dernière chose que vous jugez importante?

Vundla est actuellement en cavale. Je suis inquiète pour l’avenir de mes enfants et leur prise en charge en Haïti. Qu’il me rende les enfants et qu’il aille répondre aux questions de la justice s’il croit qu’il est innocent.

L’interview a été condensée pour des raisons de clarté. AyiboPost n’a pas pu rentrer en contact avec Monseigneur Jean Zaché Duracin. Le téléphone de Vundla Shikumbuzo a reçu sans réponses les demandes de réaction d’AyiboPost.

Journaliste à AyiboPost. Communicateur social. Je suis un passionnné de l'histoire, plus particulièrement celle d'Haïti. Ma plume reste à votre disposition puisque je pratique le journalisme pour le rendre utile à la communauté.

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