Quoique tabous, avec ou sans consentement, les actes sexuels se produisent régulièrement dans les prisons. Ce, sans préservatif comme moyen de protection contre les maladies sexuellement transmissibles
L’interdiction des préservatifs dans les prisons du pays est une règle instaurée par la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP).
Ce faisant, les autorités carcérales ne souhaitent donner aucun signal pour inciter les détenus à entretenir des relations sexuelles.
En dépit de tout, l’homosexualité demeure une pratique largement répandue dans les prisons haïtiennes. L’acte sexuel se produit derrière les barreaux, et ceci, sans préservatif.
En conséquence, les statistiques révèlent une augmentation du taux de personnes infectées par les maladies sexuellement transmissibles dans les prisons en Haïti où la prévalence du VIH tourne autour des 6 %. Elle est à 2% au sein de la population générale.
L’admission des préservatifs dans les prisons fait débat dans le monde. Le Canada est l’un des pays qui fournit annuellement des condoms aux détenus de ses pénitenciers.
Les capotes sont bannies
Les forces de l’ordre de l’Administration pénitentiaire nationale (APENA) interdisent les capotes sous toutes ses formes dans les prisons. Le principe renforcé avec sévérité ne se trouve pourtant pas dans les règlements formels.
Malgré cette interdiction, un ancien détenu raconte avoir vu, à plusieurs reprises, des prisonniers manipulant des condoms. « Ils se procurent des préservatifs clandestinement par le biais des infirmières ou des proches », raconte Paul Junior Casimir qui a passé près de 18 mois derrière les barreaux au pénitencier national.
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Ce jeune homme explique avoir été régulièrement témoin de pratiques sexuelles dans sa cellule. Ces séances d’étreintes viriles, dit-il, se réalisent généralement en pleine soirée après le visionnage de films pornographiques sur des appareils électroniques comme les DVD ou les dispositifs de type Jocker.
L’acte n’est pas toujours bienvenu. Il favorise parfois des grognes au sein de la population des détenus admis dans la même cellule. « Des altercations peuvent se produire jusqu’à la division de cette cellule par les officiers de l’APENA », confie Paul Junior Casimir. Ainsi, les gens s’adonnant à l’homosexualité sont souvent envoyés dans d’autres cellules où l’acte est toléré.
Par ailleurs, Paul Junior Casimir pense qu’une prison d’homme n’a pas nécessairement besoin de préservatifs. Pour lui, il ne devrait pas y avoir de relations sexuelles entre hommes. « Les détenus victimes ou qui sont obligés de pratiquer [l’homosexualité] sont le plus souvent des démunis », dit-il.
Un débat complexe
Chrisner Paul est médecin. Il travaille au centre hospitalier du Pénitencier National – plus grand centre carcéral du pays – où de nombreuses difficultés limitent encore l’accès aux soins. « Il n’y a jamais eu de distribution de préservatifs depuis que je travaille à la prison », fait savoir Paul.
Ce médecin relate que certains de ses patients détenus avouent qu’ils sont homosexuels. « Dans une telle situation, le sexe demeure un facteur de propagation des maladies sexuellement transmissibles. »
Chrisner Paul raconte avoir déjà recensé trois cas de détenus contaminés par le VIH. « À leur entrée dans la prison, ils étaient tous séronégatifs », dit le médecin.
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Selon ce professionnel de la santé, l’autorisation du préservatif en milieu carcéral est un débat qui mérite une autre approche au sein de la société. Il explique qu’en Haïti, il n’existe aucune loi qui autorise la pratique de l’homosexualité.
Aussi, rajoute-t-il, l’APENA ne peut pas se permettre de l’autoriser si l’État ne donne pas le ton. « Pour que l’État puisse l’autoriser, il faut avoir la pression de la société civile. Les droits des homosexuels ne sont pas encore reconnus en Haïti, c’est exactement là le problème », dit le médecin.
Le tatouage, l’usage de la bille et les instruments utilisés dans la coupe des cheveux sont également des éléments qui peuvent transmettre les infections sexuellement transmissibles dans les prisons, prévient le médecin.
Le sexe, un besoin
Les relations sexuelles entre détenus sont d’ailleurs susceptibles de prendre diverses formes. Elle peut être une sexualité consentie, des contacts homosexuels de circonstance ou une sexualité empreinte d’échange et de contrainte.
Selon la sexologue Leaticia Degraff, le sexe est un besoin qui nécessite une réponse. « Il est fort probable que ces pratiques se répandent en milieu carcéral, même au sein d’une population de même sexe ». Le sexe entre détenus devient alors une réponse situationnelle à l’absence de mixité.
La sexologue Degraff mentionne que les détenus pratiquant l’homosexualité dans les prisons ne sont pas forcément des homosexuels. La plupart de ces relations, renchérit-elle, se font dans l’objectif de satisfaire les instincts de sexe présents chez ces hommes, même sans la présence du partenaire opposé.
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La spécialiste pense que l’interdiction des préservatifs représente un grand risque de transmission de maladies dans les prisons.
« En prohibant le condom, ce n’est pas le sexe qui est interdit. Les autorités devront procéder à d’autres alternatives comme l’éducation sexuelle pour permettre aux détenus de canaliser leurs pulsions vers d’autres désirs », préconise-t-elle.
Pour tempérer les pulsions sexuelles des détenus, les centres d’incarcération en République dominicaine autorisent le parloir ou visite conjugal. Selon la sexologue Laeticia Degraff, les détenus peuvent voir leur partenaire durant ces moments. Pendant quelques minutes, les détenus sont autorisés à rencontrer leur conjoint dans une salle fermée.
En Haïti, le parloir conjugal est autorisé. Cependant, les prisonniers ne peuvent pas y rester seuls avec leur conjoint, rapporte le docteur Chrisner Paul.
Chrisner Paul est un nom d’emprunt pour protéger l’identité de l’intervenant.
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