Nous avons atteint le règne du «san koutya», de l’indignité comme expression dominante de la vie publique !
Un avocat, de plus en plus marron, qui ronronne des arguties pour expliquer que le PHTK n’est pas le PHTK, que la trahison et l’opportunisme ne sont qu’un choix tactique… Une quantité impressionnante de véhicules et de policiers, mais ce n’est rien de grave, rien qu’un ministre qui fait ses courses…
Un ancien ministre qui se fait passer pour un représentant attitré de la société civile et se fend en quatre, à quel prix ?, pour nous vendre l’accord du 21 décembre, le gouvernement de facto, la continuité dans le pire comme des entreprises de salut public.
Un Premier ministre de facto qui va et vient, fanfaronne, menace ou ne dit rien des problèmes haïtiens, mais s’empresse de saluer un vieil homme qui trébuche, les victimes d’un accident, il suffit qu’ils soient étrangers…
Il existe une vieille expression créole voisine du « sans vergogne » des grands-mères offensées par la déviance d’un petit-fils qui fait la honte de la famille. Le « sans vergogne » insiste sur la dimension criminelle, le caractère assumé de l’action répréhensible. Le «san koutya» insiste sur le caractère indigne, vil, du comportement de l’individu ou de telle action qu’il a pu commettre. Le « sans vergogne » porte sur l’acte, le «san koutya» sur le spectacle.
Le «san koutya» insiste sur le caractère indigne, vil, du comportement de l’individu ou de telle action qu’il a pu commettre.
L’ère PHTK nous a habitués au règne du « sans vergogne ». Trafic de ci, trafic de ça, vassalisation et destruction des institutions démocratiques, enrichissements illicites, la criminalité comme arme politique… Nous avons atteint le règne du «san koutya», de l’indignité comme expression dominante de la vie publique !
Pas seulement dans le domaine de la politique. Mensonges, jérémiades, fanfaronnades, absence totale de codes éthiques, de toute projection de soi fondée sur le principe qu’au nom de la morale, de la dignité humaine, je ne peux pas faire ci ou ça, dire ci ou ça. La vie publique haïtienne est faite en grande partie de la projection d’images dégradées de tel ou tel pour quelques dollars de plus ou le plaisir d’occuper le devant d’on ne sait quelle scène.
J’emprunte l’expression à un jeune ami, c’est le règne des contre-modèles. Comme si tout devenait possible, acceptable.
Les bonnes personnes aujourd’hui sont celles qui font tout pour des victoires immédiates, un peu ou beaucoup de pouvoir.
Dans un tel contexte, il faut saluer l’héroïsme de toute pratique fondée sur le principe de la dignité, quitte à paraître raide, extrémiste. Dénoncer l’indigne est devenu un crime. Tel ami peut s’avilir en posant tel acte, et on te dira « ne dis rien et ne lui dis rien », sinon c’est toi qui passeras pour un salaud, un aigri, en tout cas une mauvaise personne. Les bonnes personnes aujourd’hui sont celles qui font tout pour des victoires immédiates, un peu ou beaucoup de pouvoir.
Mais je tombe dans l’un des pires pièges nous guettant : considérer le pire comme la norme. Nous en connaissons aussi des gens qui, face à des situations difficiles, ne versent ni dans le « sans vergogne » ni dans le «san koutya». Il y a dans ce merdier, souvent modestes, peu connues et reconnues, des personnes qui, dans leur petite vie, sont figures de dignité et, pourquoi pas, d’espérance.
Par Lyonel Trouillot
© Image de couverture : Jean Feguens Regala/AyiboPost
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