Le 6 mars 2017 à Ganthier, le ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) a lancé le projet de création d’un jardin botanique englobant la Source Zabeth et ses environs. Deux ans après le lancement officiel, d’énormes inquiétudes persistent quant à la matérialisation des objectifs de départ.
Le ministère de l’Éducation nationale et six autres acteurs dont le ministère de l’Environnement, la Mairie de Ganthier, l’Université d’État d’Haïti se sont mobilisés pour construire et aménager un jardin botanique national dans la commune de Ganthier. Selon, le directeur exécutif Dieufort Delorges, l’absence de fonds et le manque d’intérêt politique au plus haut sommet de l’État font carrément obstacle au projet JBNH (Jardin botanique national d’Haïti). Il y a aussi l’épineuse question d’expropriation de terrains dans la localité où devrait s’établir cette aire protégée. Les citoyens de Ganthier ont des points de vue divergents sur ce sujet.
Ce jardin botanique national s’étendrait sur 70 hectares de terre, incluant 35 sources d’eau et abriterait 80 espèces d’arbres indigènes. Il est appuyé par des partenaires internationaux comme le Musée national d’histoire naturelle de France et le Jardin botanique de Shenchan de la ville de Shanghai en Chine. L’objectif principal est de construire un espace de conservation de la biodiversité nationale à travers cinq grands axes :
- Exploration, conservation des plantes et réhabilitation des écosystèmes ;
- Formation, éducation et sensibilisation ;
- Recherche scientifique ;
- Expertise et services à la communauté ;
- Tourisme et loisirs durables*. »
Un mauvais départ
Il était prévu un budget d’investissement de 15 millions de dollars US sur une période de cinq ans dans l’exécution du projet. En 2017, le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), principal organisme chargé du projet, aurait mis à la disposition du conseil d’administration du JBNH une enveloppe de 15 millions de gourdes tirée de son budget annuel. « Approximativement, 5 à 6 millions de gourdes ont été débloqués », explique Dieufort Delorges, joint par téléphone.
Bien que ce montant soit nettement en dessous des prévisions, les résultats obtenus en deux ans dévoilent des lacunes préoccupantes dans la gestion du projet. Les travaux d’aménagement d’un ancien bâtiment situé à proximité de la Source Zabeth – où devrait loger la direction du jardin – sont suspendus. La construction d’une clôture couvrant les 70 hectares de terre alloués au projet est au point mort. Pire, « les caisses du conseil d’administration du jardin sont actuellement vides, car aucun autre décaissement n’a été effectué », avoue Dieufort Delorges.
L’expropriation : la question qui fâche à Ganthier
Les avis sont partagés en ce qui concerne l’implantation du Jardin botanique dans la communauté. Trois rencontres ont déjà eu lieu entre les responsables du projet et la population de Ganthier. Aucune entente relative à la question d’expropriation des terrains nécessaires n’a été trouvée entre les deux parties.
Pierre Jean-Marc, agriculteur de profession, membre influent de l’organisation “GROCOP” (Groupe organisé de la commune de Ganthier) est remonté contre l’équipe administrative du JBNH. De son avis, il y a gaspillage des fonds publics dans la gestion du projet. Il soutient aussi l’idée que la population ganthiéroise a été mise à l’écart dans le processus. « Les jeunes du quartier sont exclus. Il y a quasiment des gens venus d’ailleurs qui sont recrutés pour les travaux. Nous ne sommes pas bien informés du déroulement des différentes activités. Ils veulent démolir nos maisons, nous exproprier de nos terres agricoles », se plaint-il. D’où la méfiance qui règne entre une frange de la communauté de Ganthier et les responsables du Jardin botanique.
Lisson Atilus est secrétaire au comité d’appui du JBNH qui sert de pont entre la population et l’équipe administrative du projet. Il pense que les acteurs ont intérêt à s’entendre. En cas de refus, « l’État serait dans l’obligation de déclarer d’utilité publique les 70 hectares de terre affectés au projet ». Ce qui risque de créer une situation de trouble dans la zone.
De nos jours, la commune de Ganthier fait face à un grave problème de sécheresse qui paralyse les activités agricoles. La création du Jardin botanique national pourrait générer des activités économiques et servir de point de départ à un grand projet de reboisement. Malheureusement, le projet est au point mort alors qu’il y a urgence d’agir en faveur de l’écosystème et de la biodiversité.
Feguenson Hermogène
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