Un rapport détaillé de la Direction centrale de la police judiciaire implique Cassy dans une affaire d’assassinat et liste d’autres accusations graves
Le Bureau des affaires criminelles de la Direction centrale de la police judiciaire fait mention de l’ancien sénateur Nenel Cassy dans un supplément d’enquête envoyé au parquet en août pour son implication présumée dans l’assassinat d’un ancien consul, la destruction de biens et la possession suspecte de documents de la Caisse d’assistance sociale.
Ce supplément d’enquête, obtenu confidentiellement par AyiboPost, mentionne le Bureau fédéral d’enquête des États-Unis (FBI) dans les recherches d’informations de la DCPJ, mais n’a pas empêché la libération de Cassy, connu pour ses relations de haut niveau au sein de l’actuel gouvernement.
La première affaire détaillée par le document concerne l’assassinat, le 3 février 2021, de l’homme d’affaires et ancien consul Jacques Pierre Matilus à Delmas 40B.
Au lendemain du meurtre violent, Cassy était intervenu à la radio Caraïbes pour expliquer, avec beaucoup de détails, avoir été victime d’une attaque armée le même jour, dans les mêmes environs, alors qu’il se trouvait dans une voiture Honda Pilot. Le nommé Kenold Pierre, qui l’accompagnait, avait été blessé lors de la supposée attaque.
« Je ne peux pas dire si ces mêmes hommes ont tué le cadre du ministère des Affaires étrangères, ou dire que ce n’était pas eux », avait alors déclaré Cassy à la radio.
Mais lors de son interrogatoire à la DCPJ, Cassy change de version. Il nie totalement avoir été victime d’une quelconque attaque.
Lors de son assassinat, l’ancien consul Matilus avait utilisé un poignard pour se défendre. Les assaillants ont emporté ce poignard, retrouvé plus tard par la police dans une voiture Honda Pilot noire.
« Le véhicule dont parlait l’ex-sénateur Nenel Cassy [à la radio], et à bord duquel il se trouvait, était exactement celui dans lequel a été découvert le poignard de Jacques Pierre Matilus, emporté par ses agresseurs après son assassinat », écrit la DCPJ dans le rapport obtenu par AyiboPost.
Cassy nie toute implication dans le meurtre, bien qu’il reconnaisse avoir été à bord du véhicule dans lequel le poignard a été retrouvé, selon le rapport. Il n’est pas clair comment le poignard de la victime – authentifiée par un membre de sa famille – a pu se retrouver dans la voiture de Cassy.
Les enquêtes de la DCPJ révèlent qu’au moins un des assaillants avait été blessé au poignard lors de l’attaque.
Le présumé bandit blessé est le collaborateur de Cassy, le nommé Kenold Pierre, correspondant aux descriptions, et qui a depuis disparu de la circulation, concluent les enquêteurs.
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Les relevés téléphoniques obtenus par la DCPJ placent les téléphones portables de Nenel Cassy, de Kenold Pierre et d’autres individus cités dans ce dossier autour de Delmas 40B au moment de l’assassinat, selon le supplément d’enquête obtenu par AyiboPost.
Nenel Cassy ne s’était pas présenté à une convocation de la DCPJ dans le cadre de cette affaire en février 2021. Il sera finalement arrêté et interrogé au début du mois dernier.
Devant les enquêteurs, l’ancien senateur offre une version différente des faits. Il affirme avoir quitté son domicile dans la matinée du 3 février 2021 à bord d’un véhicule Nissan Patrol. Cependant, il soutient ne pas se souvenir de la couleur de la voiture ni du numéro de sa plaque d’immatriculation.
Dans l’après-midi de l’assassinat, vers 16 h, Cassy rapporte avoir été déposé chez le magistrat Youri Chevry, à Delmas 40B, par son ami Kenold Pierre. Peu de temps après, ce dernier l’aurait appelé pour l’informer qu’il venait d’être victime d’une attaque armée et qu’il avait été blessé par balle à la fesse avant de disparaître.
Après avoir arrêté Cassy au restaurant La Réserve à Pétion-Ville, les enquêteurs ont procédé à une descente à l’hôtel Djoune Bar & Grill à Delmas 40B, où ce dernier séjournait régulièrement.
Sur place, la responsable des lieux a conduit les enquêteurs dans l’une des chambres qu’il occupait, selon le rapport.
Les relevés téléphoniques obtenus par la DCPJ placent les téléphones portables de Nenel Cassy, de Kenold Pierre et d’autres individus cités dans ce dossier autour de Delmas 40B au moment de l’assassinat, selon le supplément d’enquête obtenu par AyiboPost.
Dans cette chambre, ils ont découvert des documents liés à la Caisse d’Assistance Sociale (CAS), incluant des demandes de subventions, des bordereaux pour plus de trois millions de gourdes et des copies de chèques atteignant jusqu’à sept millions de gourdes.
Interrogés par la DCPJ, les responsables de la CAS nient tout lien avec Cassy. Ils affirment avoir loué une chambre pour le service de comptabilité de l’institution à l’hôtel en question en raison des menaces des gangs autour de leur siège principal. Le rapport ne dit pas si Cassy et ce service de la CAS étaient dans la même chambre et pourquoi.
Le rapport de la DCPJ accuse Cassy d’avoir entretenu des liens avec des gangs et avec le groupe de policiers fauteurs de troubles appelé Fantom 509, responsable de destructions de biens publics et de la mort de plusieurs personnes.
Il mentionne aussi une enquête publiée par l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) le 15 novembre 2023, qui avait recommandé à la justice de poursuivre Cassy pour enrichissement illicite et fausse déclaration de patrimoine, en marge de sa mise sous sanctions par les États-Unis pour corruption significative.
Sur les allégations le liant à des groupes armés, l’ancien sénateur s’est défendu à la DCPJ : « Je n’ai jamais participé à aucun acte de banditisme ni financé le terrorisme pour déstabiliser le pays », a-t-il affirmé à la DCPJ.
AyiboPost n’a pas indépendamment authentifié les allégations de la DCPJ. Contacté par AyiboPost le 4 septembre 2025, l’ancien sénateur Nenel Cassy a refusé de donner une interview au sujet des faits soulevés par le rapport. Lors d’un court échange, il a qualifié l’enquête de la DCPJ de « texte littéraire sans fondement réel et ne méritant pas de réponse ».
Cassy est un ancien sénateur haïtien du département des Nippes, élu sous la bannière du parti Lavalas de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide.
Opposant au pouvoir de Jovenel Moïse, il a été brièvement arrêté puis relâché le 21 janvier 2021 à Miragoâne. Cette interpellation a été dénoncée par ses alliés, dont l’avocat André Michel, porte-parole du Secteur démocratique, ainsi que l’ancien sénateur Joseph Lambert, sanctionné par les États-Unis pour trafic de drogue.
Sa deuxième arrestation a aussi été de courte durée. L’ancien commissaire du gouvernement Frantz Monclair l’a libéré après dix-sept jours de garde à vue, le 19 août 2025. Moins de 24 heures plus tard, le ministre de la Justice a mis le magistrat en disponibilité pour faute administrative grave.
Cassy est un ancien sénateur haïtien du département des Nippes, élu sous la bannière du parti Lavalas de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide.
Le 29 aout, la Fondation Je Klere publie un rapport dénonçant le « scandale monstrueux » de la libération de l’ancien sénateur Cassy. La FJKL accuse le Conseil Présidentiel de Transition « d’officialiser l’impunité en Haïti ».
« Le devoir du Commissaire du Gouvernement est de transmettre les suppléments d’informations recueillis sur le prévenu aux différents juges déjà saisis des dossiers et de solliciter de nouvelles instructions sur les faits nouveaux reprochés à l’ex-sénateur », écrit la FJKL.
Par : Widlore Mérancourt & Rolph Louis-Jeune
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