Les récentes joutes électorales qui se sont déroulées sur le sol haïtien ont le mérite de mettre l’accent, une fois de plus, sur une réalité renversante pour beaucoup de démocrates. En effet, seulement 21% des 6 millions de personnes en âge de voter avaient pris part à la grande manifestation électorale annoncée (malgré les différents reports) depuis plusieurs mois. Plus tristes encore, les statistiques ont démontré que le président déclaré par les résultats préliminaires, si on considère la population totale, serait élu par moins de 10% des Haïtiens. Certains opposants farouches de ce dernier s’en vont jusqu’à dénoncer une certaine illégitimité de l’élu. Mais s’il faut se poser les vraies questions consistant à triturer de tels faits, ne devrions-nous pas nous tourner plutôt vers la passivité criante de l’électorat haïtien ?
Un retour dans l’histoire nous démontre qu’il y eut un temps où les citoyens haïtiens se ruaient vers les urnes le jour du scrutin. Tel fut le cas des présidentielles de décembre 1990 (qui donneront le jour au déferlement lavalassien par l’élection de Jean Bertrand ARISTIDE) où les électeurs s’étaient déplacés en masse, vêtus de la volonté inébranlable de la transition démocratique. Qu’est-ce qui explique que 26 ans plus tard, on ait abouti à cette abstention récurrente de la majorité des citoyens du processus de décision politique ? Est-ce l’expression d’un manque de motivations, d’un désintéressement ou d’un déni de toute implication dans la vie politique ? Qu’est-ce qui expliquerait le déclin participatif exacerbé de l’électorat ?
Il n’est un secret pour personne que la situation politico-socio-économique est alarmante, l’abstention de la grande majorité des citoyens et le paysage ne laissent présager aucune amélioration. La solution ne réside pas nécessairement dans le fait de voter, mais je défends plutôt la nécessité d’un réveil collectif pour l’avancement du pays. Les mandatés ne doivent pas se complaire dans un confort fictif, car la situation à laquelle nous faisons tous face revêt bien les symptômes les plus emblématiques d’une profonde crise de représentation politique.
Les outsiders politiques semblent ne convenir qu’à un nombre restreint, mais suffisant pour les élire, car le reste de la population s’est dressé en abstentionniste. Le vote faisant partie d’un ensemble d’outils d’expression politique, la décision de ne pas voter n’est donc pas un acte isolé, mais contenu dans toute une défaillance citoyenne. Si nous maintenons le silence électoral et rejetons toute autre forme d’engagement patriotique, alors ce sera un renoncement voulu à sa citoyenneté. Il ne suffit aucunement de se plaindre des mauvais choix de ceux qui ont daigné prendre part à la convocation électorale, il ne suffit encore moins de regretter les candidats malheureux compétents qui n’ont pas eu la verve qui convertit la masse ignorante en marionnette acquise. Ce qu’il faut que nous fassions, c’est encourager les personnes bien intentionnées à se présenter en leur rassurant de nos votes, de leur dire qu’ils peuvent s’y lancer, car il y aura des citoyens altières à défendre non seulement leurs intérêts, mais aussi ceux de sa communauté.
Il faut, par-dessus tout, inculquer aux générations futures les valeurs morales qui les détourneront du cercle vicieux qui corrompt toute la jeunesse en groupe de petits larcins invétérés. Car si nous refusons d’agir ou si nous croyons qu’un simple vote pourra nous mener vers le changement tant souhaité, nous continuerons à nous leurrer lamentablement. Et finalement, un peu de civisme ne sera pas de trop.
Medginah Lynn ALEXANDRE,
Étudiante en 3e année au CTPEA
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