On aurait pu très bien dénommer cette soirée La fête au porc, le lecteur ne s’y méprendrait pas. En effet, l’hôtel-restaurant La Réserve offrait, le jeudi 2 octobre dans ses jardins, un véritable festin autour de l’animal qui se nourrit de gland. Les amateurs de bonne chair ont eu droit au « Porkfest ». 11 chefs, 9 stations, 9 préparations différentes du porc, une grande variété d’accompagnements et de desserts. Le festival culinaire Goût et Saveurs Lakay a occasionné cette réalisation. Retour sur un événement durant lequel la gourmandise n’était plus un péché.
Pour une surprise, c’en était une. La Réserve a refait son décor pour l’activité. Des lounges et des tables à cocktail sont installés dans le jardin. Des tentes pour accueillir les différentes préparations du porc sont aménagées. L’éclairage disséminé çà et là forme tantôt un jet lumineux, tantôt un halo doux caressant les plats chauffants qui n’allaient pas tarder à se vider. Pascale Châtelain-Monplaisir et Jean-Paul Guillobel, avec maestria, coordonnent la fin des préparatifs. Entretemps, l’espace se remplit tranquillement. Les premiers arrivés font le tour, se pourlèchent déjà les babines, avec dans les yeux cette petite flamme qui dit que cela va être la fête. On devine que les estomacs et les panses se réjouissent à l’avance.
Le menu installé à l’entrée laisse peu de doutes quant à la tournure que prendra l’affaire. D’abord les cuissons plus internationales : le barbecue spare ribs au rhum et à la mandarine ; le barbecue spare ribs au tamarin ; la porchetta rôtie et farcie de sa chair ; la saucisse de porc en croute ; le filet servi avec purée de pomme, de cranberry et un chutney de fruits. Suivent de près : notre griot national à la sauce Ti Malice, le ragoût à l’haïtienne. Trônant au milieu du décor, dans toute sa superbe, un porc entier rôti à la manière des flibustiers qui pullulaient à Saint Domingue, l’ancienne colonie. Et pour clore ce festin de porc, des douceurs typiques du terroir, tels le pain patate, le bonbon sirop, les beignets et les tablettes locales préparées par Chef Tanya Lemaire.
8 h p.m. Lumière, musique, narines envahies de délicieux fumets … Il ne manque rien à l’ambiance créée par le groupe Akoustik. Sur les notes suaves de leur groove, le buffet s’ouvre officiellement, l’heure des choses sérieuses sonne. Fait rare, le public est ponctuel. Les gens arrivent en groupe et en couple, question de ne manquer aucune préparation. « Plusieurs bouches valent toujours mieux qu’une, s’écrie en s’esclaffant un gourmet. L’essentiel est de ne manquer aucun plat ». Les seuls solitaires s’aventurant entre les tables se comptent sur les doigts de la main.
Moelleux, onctueux, savoureux reviennent sans cesse sur les lèvres. La saucisse de porc en croûte se laisse moudre sous les dents et pénètre les papilles de ses saveurs salées et sucrées. Le ragout mariné dans sa sauce collante fond littéralement dans la bouche. Et que dire de cette côtelette de porc au fromage bleu, rôti pendant six heures ? Un vrai régal. Quant au porc entier rôti jusqu’à l’os, plus le temps passe, plus il se fait dépecer. Beaucoup de couples se sont dirigés vers la porcetta rôtie et farcie dans sa chair. Est-ce à cause de la consonance italienne ? Quoiqu’il en soit, des tourtereaux ont été resservis à maintes reprises. « Je ne consomme pas de porc généralement, lâche une jeune dame. Mais j’étais trop curieuse de voir ce qu’on pouvait tirer d’un porc outre le ragoût et du griot. Ce, même si je dois faire une cure intestinale après.» Sa phrase s’achève dans un franc rire. La joyeuse bande qui l’accompagne, probablement de jeunes cadres, à voir leurs têtes, est tout aussi en quête d’exotisme.
« Les chefs se sont surpassés. Tony Desmornes, Stephan Durand, Paul Yellin, Alain Lemaire, Lucmann Pierre, Patrick Thézan, Jouvens Jean, David Destinoble, Dimitri Lilavois, tous autant qu’ils sont, signale un jeune homme. J’ai bien préféré certains plats à d’autres – que je ne vais pas citer pour ne pas faire de jaloux -, mais je trouve leur travail dans l’ensemble extraordinaire. » La plupart des chefs avaient déjà donné le samedi 27 septembre un avant-goût de ce qu’ils réservaient à leurs dégustateurs ce soir-là. La table du chef, en dépit du ravissement provoqué chez les becs fins, n’était rien à côté du Porkfest.
Selon un vieux dicton populaire, le porc, chez nous, ne va pas sans l’alcool. Brana, Barbancourt, Sodipal, les Clairins Sajous et Saint-Michel n’ont donc pas fait faux bond. Cocktails, spiritueux, bières sont servis à profusion, et le public ne se fait pas prier pour en redemander. Même Rebo s’est prêté au jeu en servant son café alcoolisé. Le va-et-vient entre le buffet et les bars improvisés continue longtemps. 11 h du soir. Ce n’est pas tout à fait le calme, mais il ne reste plus grand monde. Les chefs, quant à eux, posent, rient, bavardent, resservent les derniers gourmands. Surtout, ils se reposent enfin, l’air satisfaits. Certaines personnes, le palais flatté, restent pour savourer le silence qui revient. D’autres ont déjà mis les voiles vers de nouveaux horizons. Pour elles, la nuit est encore jeune…
Péguy F. C. Pierre
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