SOCIÉTÉ

Le business de boisson glacé. Une génératrice. Et deux personnes mortes à Bourdon.

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L’intoxication au monoxyde de carbone fait régulièrement des victimes en Haïti

Le 18 décembre 2020, au motel « Ti Niche », trois personnes ont été retrouvées mortes, et sept autres furent transportées d’urgence à l’hôpital.

Les premiers éléments recueillis sur les lieux par la police scientifique, pour trouver la cause de ces décès, ne sont pas encore divulgués.

Mais depuis le jour de l’incident, le médecin James Almazor qui travaille dans un hôpital non loin du lieu du sinistre, avait déclaré dans la presse que quatre des victimes, « présentaient des signes d’intoxication au gaz. »

Le porte-parole adjoint de la police, l’inspecteur Gary Desrosiers dit attendre les résultats de l’autopsie des corps, pour se prononcer sur la possible intoxication.

Plusieurs jours après les faits, le docteur Jean Armel Demorcy qui dirige l’Institut Médico-Légal dit quant à lui attendre encore la décision du parquet pour réaliser l’autopsie des corps.

Selon des employés de l’hôtel s’exprimant à la radio, il est probable que le sinistre soit provoqué par l’un des clients du motel qui avait pour habitude de laisser tourner le moteur de son véhicule pendant qu’il se trouve au sein de l’établissement.

Le parking du motel est un espace fermé et c’est là que se trouvent les chambres. Ce client est lui aussi décédé dans l’incident, à l’intérieur de son véhicule.

Si l’autopsie confirme cette version, ce serait un énième cas d’intoxication au monoxyde de carbone.

Des cas répétés

Deux personnes ont été retrouvées mortes en août 2020, à Bourdon, à la suite d’une intoxication au monoxyde de carbone. Il s’agit d’un policier et sa fille. La femme de l’agent, policière également, ainsi que sa nièce, sont sorties vivantes du drame.

La famille vivait dans un deux-pièces. La policière y tenait aussi une épicerie, et pour garder les boissons au frais, une génératrice était constamment en marche dans la maison. Dans un premier temps, les membres de la famille avaient de fréquents malaises. L’homme qui croyait que la servante de la maison les empoisonnait l’a renvoyée. Les malaises ont persisté.

Selon Rachelle, une proche voisine, c’est le bruit de la génératrice qui a fait comprendre au quartier que quelque chose de mauvais était arrivé. Le moteur a fonctionné toute la matinée, et personne n’est venu ouvrir la boutique.

Le monoxyde de carbone se fixe sur l’hémoglobine de la victime à la place de l’oxygène et occasionne des difficultés respiratoires

Les voisins se sont démenés pour ouvrir les portes, et ils ont découvert la scène effrayante. La famille entière git, chacun dans son vomi. Le mari meurt dans la soirée, et sa fille rend l’âme le lendemain. Mises sous oxygène, la femme et la nièce ont eu la vie sauve.

Le propriétaire de la maison, rapporte Rachelle, avait à plusieurs reprises déconseillé au policier de garder la génératrice allumée à l’intérieur de la maison, pendant que la famille dormait. Le moteur en combustion dégageait du monoxyde de carbone, un gaz dangereux et mortel, selon les circonstances.

Un tueur silencieux

Philippe Desmangles est médecin. Il explique que respirer ce gaz peut provoquer l’asphyxie. « Le monoxyde de carbone se fixe sur l’hémoglobine de la victime à la place de l’oxygène et occasionne des difficultés respiratoires », explique-t-il.

Le monoxyde de carbone est un gaz inodore, incolore, non irritant, mais toxique et indétectable par l’homme, et les mammifères en général. C’est le résultat d’une combustion incomplète, quel que soit le combustible utilisé, comme l’essence, le propane ou le diesel.

La combustion incomplète du bois ou du mazout peut produire aussi du monoxyde de carbone. Ce gaz se dégage lorsque le niveau d’oxygène est faible, dans un espace où a lieu une combustion.

Ainsi, tous les appareils et les machines utilisant un moteur à combustion au propane, à l’essence ou au diesel produisent du monoxyde de carbone et doivent être utilisés dans des espaces bien aérés.

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Philippe Desmangles se souvient aussi de ce qui s’était produit lors de l’éclipse solaire de février 1998. Une famille entière avait péri à Delmas. Beaucoup de personnes ont cru à un acte maléfique, selon le médecin qui était responsable de la gestion des catastrophes au Ministère de la Santé publique et de la Population.

Il explique qu’il a dû lui-même expliquer, et cela même à de hauts responsables, que cette famille a été victime d’une intoxication au monoxyde de carbone, puisqu’elle s’était enfermée et cuisinait dans une pièce non aérée, par crainte de l’éclipse.

Samuel Celiné

Photo couverture: Reuters/Akintunde Akinleye

Poète dans l'âme, journaliste par amour et travailleur social par besoin, Samuel Celiné s'intéresse aux enquêtes journalistiques.

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