SOCIÉTÉ

La problématique des zones côtières en Haïti : entre développement urbain anarchique, pollution et dégradation des écosystèmes

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Espaces d’échange entre continents et océans, les zones côtières[1] et insulaires sont des écosystèmes productifs, riches et très complexes

Territoires aux enjeux multiples, elles ont une importance physique et humaine considérable en raison de la diversité des habitats et des ressources qu’elles hébergent (des récifs, des plages de sable, des herbiers de phanérogames marins, des zones marécageuses, des estuaires et des mangroves), des multitudes acteurs de différentes catégories qui interagissent ainsi que des usages multiples (pêche, agriculture transport, plaisance, industrie, port, tourisme, ensemble résidentiel) dont elles font l’objet.

C’est aussi un milieu convoité et fragilisé par la pression démographique et urbaine. En effet, plus de deux tiers de l’humanité vit à proximité des zones côtières (Gradel et al., 2017). Cette pression anthropique pèse lourdement sur l’environnement côtier et ses ressources, notamment les ressources halieutiques, l’espace maritime, les bassins versants, mais aussi la zone intertidale et le paysage (Plante, 2011).

Parmi les pays des Caraïbes, Haïti possède le deuxième plus long littoral avec 1 500 km de côtes et neuf départements sur dix sont côtiers. Selon les données publiées par l’IHSI, près de 27% de la population vit à proximité des zones côtières qui, en plus de fournir des services écosystémiques essentiels pour les populations et un habitat pour de nombreuses espèces, assurent un rôle tampon en maintenant un équilibre et en stabilisant la disponibilité des ressources naturelles (Blanc Civil, 2021).

Cependant, en dépit de son importance avérée sur les plans économique, social, écologique et culturel, les zones côtières sont délaissées et ne font l’objet d’aucune politique publique de la part des institutions (ministère de l’Agriculture des ressources naturelles et du Développement durable, ministère de l’Environnement, ministère du Tourisme, ministère des Travaux publics, Transports et Communications) responsables de la gestion et du développement des activités.

Dans ce texte, nous adressons la problématique des zones côtières et proposons la gestion intégrée comme outil de gouvernance environnementale afin de répondre aux nombreux défis qui s’y rattachent et de s’aligner sur les objectifs du développement durable dont elles sont le corollaire.

Un potentiel économique mal exploité et en péril

Les zones côtières abritent des activités nombreuses et variées (pêche, agriculture, cabotage, tourisme, production de sel, extraction de matériaux de construction, commerce, industrie) qui s’effectuent pour la plupart sans contrôle et régulation et avec peu de considération pour le long terme, étant donné les besoins immédiats de la population (Weissenberger, 2018). Ces activités représentent une source de revenus substantiels pour les populations côtières et pourraient représenter un important levier de croissance économique si elles n’étaient pas négligées dans les politiques publiques. Parmi elles, la pêche, le tourisme, l’agriculture, le cabotage et l’extraction de matériaux pour la construction sont les plus importantes sur les plans économique et social.

La pêche constitue pour la plupart des villes côtières, une activité économique rentable et une source de revenus importante. En Haïti, elle est surtout une pêche artisanale néritique pratiquée particulièrement au-dessus des récifs coralliens à moins d’un mille marin de la côte à partir de petites embarcations non motorisées accueillant typiquement deux pêcheurs. Le secteur de la pêche emploie directement, avec l’aquaculture, près de soixante mille personnes par an réparties sur 420 localités, dont 20 000 personnes dans la commercialisation (MARNDR, 2010). La production annuelle de la pêche continentale est de 600 tonnes et celle des pêches marines est d’environ 15 000 tonnes avec l’augmentation des captures de pélagique océanique suite à la mise en place des dispositifs de concentration de poissons (DCP) à partir de 2009 (MARNDR, 2010 ; FAO, 2017). La production nationale représente environ un tiers de la consommation, le reste étant importé. En 2015, la valeur des importations de produits de la pêche était estimée à 45 millions USD et celle des exportations à environ 9 millions USD (FAO, 2017).

Après avoir été la destination touristique des Caraïbes dans les années 50, l’industrie touristique haïtien a connu au cours de la décennie suivante un déclin inexorable qui s’est aggravé depuis le séisme du 12 janvier et qui perdure encore aujourd’hui (Sarrasin et Renaud, 2014). En dépit de sa grande richesse en patrimoine naturel (les plages, les sauts d’eau, les grottes et les montagnes) et culturel (les monuments historiques, l’art haïtien, la cuisine, la religion en particulier le vaudou), l’instabilité politique chronique conjuguée à l’insécurité, une succession de crises économiques et la pandémie de Covid-19 entravent la reprise de l’industrie touristique en Haïti, qui contribuait à 3,5 % du PIB national en 2015 selon les données de l’OMT. Dans les zones côtières, les plages et les montagnes constituent les principales attractions. Avec leur sable fin et blanc et une variété d’infrastructures, entre autres, les voies de communication, les hôtels-plages, les campings, les boutiques de souvenirs, les plages aménagées et les ports de plaisance, nos plages jouissent d’une valeur écologique exceptionnelle. Des plages situées sur la côte des Arcadins, Labadie, Ti Mouyaj, Port Salut, Ile à Vache et des îles Cayemites possèdent un grand potentiel naturel (GEO HAITI, 2010). Cependant, la pollution de la plupart des régions côtières rend nos plages impraticables et hypothèque sérieusement cet important potentiel. Entreprendre des activités comme la plongée sous-marine et d’autres sports nautiques (ski, surf), voire une simple baignade, reviendrait à s’exposer à de sérieux risques sanitaires (ibid.).

Mérat (2018), dans sa thèse intitulée : « Le littoral, le cœur de la pauvreté en Haïti. Quand les politiques publiques appauvrissent les territoires » décrit l’importance des activités agricoles, de cabotage et d’extractions de matériaux dans les zones côtières. Pour l’auteur, les activités agricoles littorales sont symptomatiques de celles pratiquées dans le reste du pays. C’est surtout une agriculture littorale de subsistance, pratiquée en marge de la pêche et destinée à la consommation des ménages. Avec un contenu foncièrement céréalier, vivrier et fruiter, elle permet d’assurer les périodes de soudures en toute quiétude selon un cycle annuel. On observe également l’élevage d’animaux domestiques (porcs, poules, caprins, ovins) nourris le plus souvent gratuitement par le recyclage des déchets de toutes sortes qui arrivent sur le littoral. Toutefois, cette agriculture littorale et l’élevage participent à la destruction des mangroves.

L’activité de cabotage pour le transport des marchandises et des Hommes se réalise avec des équipements traditionnels et de fortune. En dépit de son utilité dans la liaison avec les villes désertes que constituent les îles, elle s’effectue en l’absence de toutes normes minimales de sécurité et dans l’indifférence des autorités étatiques. Dans de telles conditions, les risques d’accident maritimes sont élevés en témoignent les naufrages de Neptune (1993) et de la Fierté Gonavienne (1997) qui ont respectivement causé la mort de 800 et de 1 234 personnes.

L’extraction de matériaux de construction à même des embouchures des rivières, des plages et surtout des flancs des coteaux, constitue aussi un secteur important des économies littorales dont dépendent directement près de 16 000 personnes rien que dans le département de l’Ouest. Malgré les interdictions répétées du Bureau des mines et de l’énergie (BME), l’exploitation artisanale et industrielle des carrières se fait de manière informelle et anarchique de part et d’autre des voies de communication, barrages, conduites d’eau, lignes de transport de force, ponts, berges de rivières, de tous travaux d’utilité publique et de tous ouvrages d’art. L’impact sur l’environnement est particulièrement néfaste : défiguration des paysages de mornes entourant le littoral, accélération de l’érosion en zone côtière vulnérable. À cela il faut ajouter la grande difficulté future de remise en état des carrières après une exploitation anarchique, ce qui constitue une catastrophe écologique pour les zones côtières.

Catastrophes écologiques et sociales en cours…

Du fait de sa situation géographique et son contexte géodynamique, Haïti est régulièrement sous la menace de risques géophysiques (séismes, tsunamis et éruptions volcaniques) et hydrométéorologiques (tempêtes, cyclones). Ces menaces, amplifiées par les effets du changement climatique, ont des conséquences très importantes sur les zones côtières et augmentent leur vulnérabilité. Parmi elles, l’élévation du niveau de la mer — conséquence de l’augmentation de la température des océans et le phénomène d’El Niño —, est avec l’érosion littorale et la submersion marine, la plus menaçante pour les zones côtières.

Selon Tubiana et al. (2010), « chaque centimètre d’élévation entraîne une érosion d’environ un mètre, et le niveau de la mer monte au rythme de trois millimètres par an ». Cette élévation projetée du niveau de la mer mettra en péril les infrastructures (routes, transport de l’énergie électrique, ports, digues et autres ouvrages de protection), les écosystèmes (falaises, récifs, plages de sable, herbiers de phanérogames marins, zones marécageuses, estuaires et mangroves) et l’activité humaine sur le littoral. Elle favorisera également l’accroissement de la fréquence des ouragans (cyclones et tempêtes tropicales), phénomènes auxquels la péninsule sud est particulièrement exposée et dont les effets premiers d’un tel passage sont les inondations, les glissements de terrain, les raz de marée, les problèmes d’érosion, la contamination de l’eau potable par l’intrusion d’eau salée dans les infrastructures (canalisations, puits), les épidémies, la destruction des habitations, des infrastructures, des cultures et du bétail, sans compter les nombreuses pertes de vies humaines (Plante et al., 2018 ; Mathieu et al., 2003).

En plus de l’élévation du niveau de la mer, les zones côtières sont fragilisées par le processus d’érosion, la déforestation, la coupe abusive d’espèces forestières endémiques, la détérioration des récifs coralliens, la destruction des mangroves ainsi que d’autres espèces végétales stabilisant les vases et les dunes pour la construction de bâtiments, la production de charbon, la récupération de matériaux, l’agriculture, l’élevage (Blanc Civil, 2021). La mangrove est au premier rang des écosystèmes potentiellement impactés. La diminution de sa superficie au cours des dernières décennies — liée au développement côtier et de l’abattage pour le bois de chauffe ou la construction, l’augmentation de la population, la situation économique difficile et la paupérisation accrue de la population (Weissenberger, 2018 ; GEO HAITI, 2010) — est un problème majeur observé dans les zones côtières. La destruction de ces écosystèmes constitue d’une part, un facteur additionnel potentiellement aggravant de l’érosion et renforce d’autre part, l’hypothèse de la menace d’inondation marine (submersion). La submersion réversible ou irréversible des côtes dues aux tsunamis et aux raz de marée peut également occasionner des modifications importantes de la morphologie côtière et amplifier ainsi l’érosion.

D’autre part, la pollution générée par les déchets organiques et inorganiques est l’une des manifestations de ce désastre écologique. La gestion des déchets domestiques, pour lesquels elle n’existe aucun système de collecte organisé efficace, est un problème majeur pour les zones côtières. En s’accumulant dans les ravines, ils empêchent l’écoulement des eaux de pluie et contribuent au risque d’inondation. De plus, les sédiments terrigènes et les macro-déchets qui s’entassent dans les bourgs et les centres urbains se retrouvent eux aussi sur la frange côtière ou sous l’eau (Saffache, 2006). Cette situation génère une pollution olfactive, visuelle et participe durablement à la destruction des habitats littoraux, marins et sous-marins. C’est aussi un important vecteur de maladies quand on sait qu’en raison de l’absence de fosses septiques, les populations se soulagent en bordure de mangrove, dans les lits des rivières ou en bordure côtière (Saffache et al., 2002). La représentation selon laquelle la mer peut tout absorber fait des zones côtières de véritables décharges à ciel ouvert et entrave son développement économique, social, écologique et culturel.

Par ailleurs, la crise permanente qui sévit dans le pays et une économie axée sur la violence, a conduit à une « capture de l’État » qui empêche le développement des forces productrices et appauvrit la population (Jean, 2019). Cette situation a transformé les zones côtières en des territoires de survie, en particulier pour les populations rurales confrontées au fil des ans à l’appauvrissement des sols et une baisse considérable des rendements. Ainsi, la diminution de la productivité agricole et l’absence de politiques agricoles durables (vu l’insécurité alimentaire chronique) dans les filières porteuses incitent de nombreux agriculteurs à venir s’installer en zone côtière à la recherche de meilleures conditions de vie. Cette situation a entrainé une urbanisation et une périurbanisation anarchique et constitue une source d’insécurité qui menace la pérennité des activités et amplifie la catastrophe sociale déjà en cours.

En effet, la bidonvilisation qui touche une frange des zones côtières représente un problème de planification urbaine qui entrave leur développement socio-économique. Des quartiers comme Cité-Soleil, La Saline, Cité l’Éternel et Village de Dieu à Port-au-Prince, Raboto aux Gonaïves ou La Fosèt et Baryè boutèy au Cap-Haitien sont aménagés au raz des marées, souvent sur l’emplacement de mangroves rasées, exposées à l’érosion, aux inondations et à la contamination par des versements de toute sorte (Weissenberger, 2018 ; Castro et Surena, 2012). Ces quartiers paupérisés, insalubres, ont vu leur densité de population multipliée et ne possèdent à peu près aucune structure de défense face aux inondations, ni de système de réponse aux urgences. Ainsi, ils charrient l’image extrême de la dérégulation d’une société qui, bien que pauvre, engendre néanmoins des pollutions importantes et visibles (turbidité, eaux grasses, déchets en plastique…) (Mérat, 2018). De plus, la misère abjecte qui sévit dans ces quartiers — où la population est privée des services sociaux de base (éducation, santé, électricité, eau courante, etc.), — conjugués à l’absence de l’État facilite la création de bandes armées qui transforment ces quartiers précaires en « zones de non-droit ».

Cette forme d’organisation de l’État (modes de gestion et de gouvernance environnementales), productrice d’inégalités et d’exclusions sociales, est à la base de la catastrophe sociale et écologique observée de nos jours dans les zones côtières.

La gestion intégrée des zones côtières comme outil de gouvernance environnementale

Née dans le contexte du développement durable, qui aujourd’hui, est un référentiel largement reconnu et qui tend à s’appliquer à l’ensemble des politiques publiques, la gestion intégrée est un outil incontournable qui a permis de sensibiliser différents pays aux problématiques liées à la zone côtière (Rey-Valette et al., 2006). Dans le cas des territoires littoraux très convoités, porteurs d’enjeux politiques, économiques et écologiques importants, particulièrement vulnérables et complexes à appréhender, elle se décline sous une formulation particulière : la Gestion intégrée des zones côtières (GIZC) (ibid.). Le terme est apparu lors du sommet de la Terre à Rio en 1992 (Agenda 21) en réponse aux nombreux stress posés sur les écosystèmes côtiers et marins par les activités humaines et aux nombreux conflits d’usage qui en résultent ainsi qu’en opposition à l’approche unisectorielle de la gestion traditionnelle des ressources, en particulier de la pêche et de la forêt (Chouinard et al., 2011).

La gestion intégrée des zones côtières est définie comme un processus dynamique qui réunit gouvernements et sociétés, sciences et décideurs, intérêts publics et privés en vue de l’aménagement et l’utilisation durables des zones côtières. Ce processus prend en considération le développement économique et social lié à la présence de la mer tout en sauvegardant, pour les générations présentes et futures, les équilibres biologiques et écologiques fragiles de la zone côtière et les paysages (Henocque et Denis, 2001 ; Lozachmeur, 2009). La GIZC a pour but de faciliter, par une planification rationnelle des activités, le développement durable des zones côtières afin de réduire sa vulnérabilité et de maintenir en place sa biodiversité et les processus écologiques nécessaires (Vanderliden et Friolet, 2011). Définie ainsi, la gestion intégrée englobe l’approche écosystémique de la gestion en réconciliant développement économique et bon état écologique des ressources.

Les expériences réalisées ailleurs ont prouvé combien il est difficile de mettre en place des mesures de gestion intégrée en raison de la complexité de cet éco-socio-système, du temps requis et du financement qui, idéalement, doit-être sur le long terme. En ce sens, la mise en place d’une politique de gestion intégrée en Haïti devrait, dans un premier temps, passer par la mise en place d’un plan de gestion globale, du bassin versant à la mer, mais aussi transsectoriel, prenant en compte à la fois l’agriculture, l’industrie dans sa globalité, la pêche et l’habitat et devrait s’appuyer sur une importante formation à l’environnement des administrations comme des populations (Desse, 2003). Pour ce faire, la caractérisation des problématiques de l’espace côtier constitue une étape charnière. Il s’agit — comme le souligne directives de la Direction de Gestion des Zones côtières et Marines (DGZCM) du ministère de l’Environnement — d’inventorier, de régulariser, de contrôler les interventions le long du littoral et sur les bandes côtières et marines, et travailler à la protection des écosystèmes côtiers et marins prioritaires, comme les mangroves, les récifs coralliens et les marais salants. Une telle démarche est essentielle si l’on veut mettre en place des mesures de gestion durables et répondre aux nombreux défis (urbanisation, pollution, érosion côtière, protection des écosystèmes et préservation des ressources, etc.) auxquels les zones côtières sont confrontées.

Dans un second temps, une approche de planification définissant les buts, les objectifs et les mesures liées à la durabilité sur le plan économique, social et écologique serait nécessaire. Soutenue par la science (université, centre de recherche) et une législation à jour (de la mer vers la terre plusieurs ministères sont impliqués dans la mise en œuvre de la gestion intégrée), cette approche permettrait d’intégrer les zones côtières dans les politiques publiques afin d’assurer une gouvernance environnementale intégrée, capable d’assurer la cohérence et l’efficacité des politiques. En dernier lieu, la mise en place d’une approche participative qui inclue les acteurs locaux dans le processus d’élaboration, de mise en œuvre de la gestion intégrée serait intéressante. La participation des acteurs permettrait de tirer avantage des connaissances traditionnelles des gens du milieu et favoriserait l’engagement des collectivités envers la gestion de leur zone côtière d’une part, et permettrait d’autre part, l’application pratique de ce mode de gestion à l’échelle locale (MPO, 2002).

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Somme toute, la problématique des zones côtières haïtiennes se révèle multiforme et complexe. Si dans beaucoup de pays les zones côtières représentent un lieu d’accès privilégiés qui attirent les plus riches, en Haïti, à quelques exceptions près — le cas de la Côte-des-Arcadins qui héberge les résidences secondaires de la bourgeoise de Port-au-Prince et l’ancien quartier du Bicentenaire dans les années 60 jusqu’aux années 90 qui logeaient de nombreuses ambassades étrangères (É.-U., Italie, Colombie, etc.) (Mérat, 2018) —, elles sont plutôt considérées comme des territoires de survie où se trouvent entassées les populations les plus pauvres, minées par la misère au grand mépris des autorités étatiques et des organismes internationaux. À cet effet, une politique de gestion intégrée pour la préservation de la biodiversité et des écosystèmes côtiers et marins est plus qu’urgente compte tenu de la forte migration qui se fait vers les zones côtières et les pressions qu’elles engendrent sur l’environnement côtier.

De plus, dans un contexte de changement climatique, ralentir la menace écologique (érosion côtière, inondation, destruction des écosystèmes côtiers et marins, pollution) et sociale (développement urbain anarchique, pauvreté, insécurité) à laquelle les zones côtières sont exposées, demande une approche de gestion intégrée qui, contrairement aux modes de gestion classiques — axés sur une vision par secteur d’activités ou par ressource — sont de moins en moins adaptés pour répondre aux enjeux de gestion de plus en plus complexes des zones côtières (MPO, 2002). Cette gestion doit être encadrée par une gouvernance éclairée (développe de nouvelles stratégies englobant des valeurs et des connaissances diverses incluant le savoir traditionnel), inclusive (garantit un partage équitable des avantages) et adaptative (apprend de l’expérience et sait se réadapter le tir au besoin) (Reeves, 2020) pour une compréhension contextualisée des questions écologiques, économiques et sociales liées aux zones côtières en vue d’aboutir à une vision globale et plurielle des enjeux et des moyens d’adaptation.

La gestion des zones côtières en Haïti démontre qu’en absence de vision, de planification, de politiques publiques, un territoire à fort potentiel économique peut se transformer en une véritable catastrophe sociale et écologique. Redresser la barre pour permettre aux zones côtières de jouer pleinement leur rôle dans le développement économique, social, culturel et écologique est d’une nécessité urgente. Il y va de la survie de nos côtes, des habitats, des espèces, des ressources et des activités subséquentes en particulier la pêche et le tourisme dont le pays parviendra difficilement à exploiter les potentialités réelles sans une approche intégrée.

[1] La zone côtière englobe l’arrière-pays côtier, les dunes, les falaises, les marais salés, les récifs, les flèches littorales, les barachois, les estuaires, la zone intertidale, les bassins versant côtiers et les espaces occupés par l’homme.

Jean Ronald Joseph est ingénieur-agronome et diplômé en maîtrise (profil recherche) en gestion des ressources maritimes de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Il travaille présentement comme professionnel de recherche au département de développement régional de l’UQAR. Ses intérêts de recherche portent sur les questions liées aux adaptations des milieux côtiers au changement climatique, la gestion et la gouvernance des ressources naturelles.

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