Dans cette librairie sociale, les livres, de toutes sortes, sont proposés à des prix abordables, variant de 75 à 150 gourdes
Au 92, Rue Grégoire à Pétion-Ville, une barrière métallique, dans un mur en renfoncement, s’ouvre sur le local de Livres Solidaires Haïti.
Dans cette librairie sociale, les livres, de toutes sortes, sont proposés à des prix abordables, variant de 75 à 150 gourdes. C’est une opportunité pour les personnes à revenus modestes, dans une ville où l’acquisition d’un bon livre nécessite souvent des milliers de gourdes.
Wendo Durette, un étudiant en médecine à l’Université de la Fondation du Dr Aristide, s’exclame : « C’est vraiment une aubaine ! » Il vient de se rendre à la librairie sociale pour se procurer des documents dans son domaine d’études.
À quelques coudées de la Place Saint-Pierre à Pétion-Ville, la librairie sociale « Livres Solidaires Haïti » traîne ses lignes architecturales au milieu des fûts d’arbres clairsemés çà et là dans un jeu de brise d’une bouleversante sérénité.
À peine franchie l’embrasure de la porte d’entrée, les rayons dévoilent une multitude de livres variés, en anglais et en français : romans, documentaires, ouvrages scientifiques, bandes dessinées, et bien d’autres encore. Leur prix — raisonnable dans le contexte de chômage en Haïti — suscite l’intérêt des passionnés de lecture et d’évasion.
Dans une ambiance feutrée, Georgeline Joseph, étudiante en Sciences de l’Éducation à l’Université Saint François d’Assise d’Haïti, cherche avec curiosité un ouvrage de philosophie parmi les rayonnages.
Depuis le début de l’année 2023, Joseph fréquente assidûment la librairie, après qu’un ami lui ait vanté, au cours d’une conversation, l’accessibilité des livres à moindre coût. Depuis lors, une relation profonde s’est tissée entre l’étudiante et cet espace.
Tout en souriant, elle confie : «J’ai été fascinée par l’espace et la quantité de livres qu’il renferme. Je me sens incroyablement bien ici. »
Dans la salle de vente, un réfrigérateur d’un blanc nacré est mis à disposition des clients pour se désaltérer, en plus du café au parfum envoûtant offert.
À quelques pas de l’entrée, dans la cour, environ trois tables sont entourées de chaises où les clients peuvent se détendre, baignés dans les jeux d’ombres esquissés par les rayons du soleil filtrant à travers les branches qui ombragent l’endroit.
Installé dans ce cadre paisible, Dorisca Wesly, étudiant à la Faculté d’Ethnologie de l’Université d’État d’Haïti (UEH), se remémore l’épisode où, pour la première fois, il a passé « ici » une commande de 600 livres pour une institution scolaire. Une commande qui leur a coûté moins de 75 000 gourdes.
Le jeune homme mobilise les aléas actuels du pays pour camper l’importance de la librairie.
« Par les livres, cet espace me permet de m’éloigner des problèmes du pays, en plus de m’avoir permis de mettre sur pied ma propre bibliothèque personnelle », ajoute-t-il.
Mirlande Lafortune, une responsable de la librairie, révèle que Livres Solidaires Haïti reçoit à peu près deux à trois containers d’environ 35 000 livres par année et, en moyenne, 60 000 livres annuellement.
Fondée en 2013, Livres Solidaires Haïti est une librairie à vocation sociale qui offre des livres d’occasion à des prix abordables aux Haïtiens. Ces livres, collectés à l’étranger grâce à des partenariats.
Lafortune, elle-même passionnée de livres, souligne : « Nos livres ne sont pas vendus. Le montant demandé est simplement une contribution que nous sollicitons des gens, et qui nous aide à assurer la gestion quotidienne de la librairie, afin de maintenir notre autonomie. »
«Depuis nos débuts, nous avons déjà distribué plus de 600 000 livres en Haïti », précise-t-elle.
Fondée en 2013, Livres Solidaires Haïti est une librairie à vocation sociale qui offre des livres d’occasion à des prix abordables aux Haïtiens. Ces livres, collectés à l’étranger grâce à des partenariats.
Implantée en Haïti trois ans après les secousses meurtrières du tremblement de terre du 12 janvier 2010, la librairie se présentait d’abord sous le label d’un projet d’appui à l’éducation, où les livres collectés étaient écoulés dans des séances de vente ponctuelles dans certaines écoles et universités un peu partout à travers le pays.
À partir de 2016, les responsables ont envisagé de faciliter aux clients l’accès à ses rayons pour y acheter directement les bouquins de leur choix.
Deux partenaires collectent des livres à l’étranger pour Livres Solidaires Haïti, selon Myrlande Lafortune. Il s’agit de l’Association Livres Solidaires de Belgique, avec qui ils ont un protocole d’accord et qui leur fournit exclusivement des livres, et celle des ex-parlementaires du Québec, une structure basée au Canada.
Face à ceux qui estiment que la culture de la lecture est en déclin en Haïti, Lafortune avance une vision différente.
«Dans la période de COVID-19, nous avons vendu plus de 23 000 livres en deux jours. Ce qui prouve que, étrangement, les gens lisent dans ce pays», argumente-t-elle, ajoutant que la librairie a dû faire face à un chômage technique, car elle n’avait plus suffisamment de livres à écouler. « L’allée menant à la librairie était bondée de monde », ajoute-t-elle.
Selon Béa Darline Legros, une responsable de Livres Solidaires Haïti depuis 2022, la librairie dessert plus de 1000 institutions à travers le pays, notamment des écoles, des églises, des clubs de lecture et des projets de compassion.
« Notre but est de rendre la lecture accessible à un large public, la diffusion de la connaissance à grande échelle tout en favorisant du même coup l’inclusion sociale », rapporte Legros.
Alors qu’il nourrissait le rêve de devenir poète et romancier, Marc Sony Ricot, journaliste culturel, a découvert un intérêt pour la librairie en 2016, alors qu’il résidait à Sarthe à l’époque.
Émerveillé par la profusion de livres et d’auteurs, ce jeune homme a rapidement considéré cet espace comme «un lieu d’ancrage, de rêve et de passion».
Dans la période de COVID-19, nous avons vendu plus de 23 000 livres en deux jours. Ce qui prouve que, étrangement, les gens lisent dans ce pays.
Pour Marc Sony Ricot, cette librairie sociale a joué «un rôle majeur dans sa carrière de journaliste culturel à Port-au-Prince».
L’insécurité qui gangrène le pays semble également avoir un impact sur les activités de la librairie, exacerbée par les difficultés d’acheminement des conteneurs depuis le port de débarquement jusqu’à leur local à Port-au-Prince. Ces difficultés sont notamment dues aux points de péage et aux frais douaniers, qui ont presque doublé au cours des dernières années.
Myrlande Lafortune confie : « À cause de l’insécurité, notre base de clients a considérablement diminué, ce qui nous oblige désormais à organiser d’autres activités pour attirer une nouvelle clientèle ».
Lire aussi : Les armes ferment les livres à Port-au-Prince
Le samedi 24 février 2024, la librairie a monté une braderie en folie, avec des offres spéciales sur l’ensemble de ses catégories, dont 10 livres pour 1000 gourdes pour la catégorie A, 8 romans de poche pour 500 gourdes, 15 magazines pour 500 gourdes, entre autres.
Depuis près de dix ans, la librairie « Livres solidaires Haïti » met en partage les livres.
Dans la voix de Marc Sony Ricot, qui prête à Victor Hugo l’intelligence de ces propos, «Qui que vous soyez qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser, mettez des livres partout ! ».
Et, livres Solidaires Haïti semble répondre admirablement bien à cet appel.
Par Junior Legrand
Image de couverture : Une cliente prend plaisir à lire l’un des livres découverts dans la librairie sociale Livres Solidaires Haïti. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost
Découvrez cette émission spéciale d’AyiboLab sur la librairie sociale « Livres Solidaires Haïti », la moins chère de Port-au-Prince :
Gardez contact avec AyiboPost via :
► Notre canal Telegram : cliquez ici
► Notre Channel WhatsApp : cliquez ici
► Notre Communauté WhatsApp : cliquez ici
Comments