POLITIQUE

La guerre des diplomates en Haïti : Ricardo Seitenfus démasqué

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Haïti est devenu au fil des temps un bastion de l’aide humanitaire et c’est à juste titre que Ricardo Seitenfus, diplomate brésilien, a publié le livre  intitulé : « L’échec de l’aide internationale en Haïti ». Cet ouvrage qui a été bien reçu en Haïti, a fait l’objet d’une critique dressée par six jeunes étudiants haïtiens : Wisline Louissaint, Stéphanie Balmir, Jefferson Bélizaire, Méleck Jean-Baptiste, Myriamme J. Jean-Baptiste et Patrick Saint-Pré, sous la direction du professeur Hérold Toussaint. Dans une démarche scientifique, mais surtout patriotique, ils ont dissipé l’ombre sur le dessein que Ricardo Seitenfus dissimulait dans son livre. Un travail qu’ils ont titré : « La guerre des diplomates en Haïti. »

« La guerre des diplomates en Haïti » expose un vrai travail de réflexion. La méthodologie est pédagogique, j’allais dire scientifique. On sent le caractère universitaire de l’approche. Ce n’est pas une critique opiniâtre ni subjective de l’œuvre de Ricardo Seitenfus. Pour avoir débuté par le résumé de l’ouvrage, présenté l’historique des missions d’intervention et de l’aide internationale en Haïti avant de montrer clairement où M. Seitenfus a péché, l’argumentaire de ce livre n’est pas fragile. Le diplomate est lui-même présenté dans le livre. Si nos étudiants prennent le contrepied de bon nombre de ses insinuations, ils ne nient pas la véracité de certains de ses propos, mais reconnaissent surtout la finesse dont M. Seintenfus a fait montre pour mener son œuvre.

Que reprochent-ils à l’œuvre de M. Seitenfus ? Comme l’indique son titre « L’échec de l’aide internationale en Haïti », le diplomate brésilien a analysé les failles des interventions internationales en Haïti et accuse ceux qui les ont administrées. Ainsi, l’auteur indexe les membres de la communauté internationale, notamment la France, le Canada et les États-Unis, groupe qu’il nomme le « Trident Impérial », mais ne manque pas aussi d’innocenter subtilement son pays d’origine et sa personne, membres de cette communauté internationale. Dans l’enfer haïtien, M. Seitenfus semble voir le diable partout, sauf dans son miroir. Et nous parlons du Brésil, un pays qui produit assez d’insécurité et de corruption pour en exporter ! Le Brésil a certes, dans un temps record, propulsé son économie. Il a multiplié ses échanges avec les autres pays de la région qui sont passés de 20,5 milliards de dollars en 2003 à 76 milliards en 2009. C’est un pays qui se trouve parmi les puissants de ce monde parce qu’il a réussi à contrôler son inflation et à moderniser son économie. Les prédictions estiment qu’en 2030, ce pays sera la quatrième puissance économique du monde.

Dans l’arc-en-ciel de la communauté internationale, la couleur du Brésil n’est pas pâle. C’est l’un des principaux points de « La Guerre des diplomates en Haïti ». Alors que le diplomate-auteur présente le Brésil comme un pays qui est venu en Haïti malgré lui, la réalité reste cependant tout autre. D’ailleurs, Haïti était déjà l’hôte de la politique étrangère du Brésil à la période de croissance et de prospérité de cette dernière. À la veille de la création de la Minustah, la présence du Brésil dans les Missions onusiennes était faible ; l’effectif ne dépassait même pas la cinquantaine. Mais le Brésil sera du jour au lendemain l’un des plus grands contributeurs en personnel de la Minustah (Plus de 1400 en 2013) sans compter qu’elle prendra à plusieurs reprises les rênes de cette mission. Les auteurs ne permettent pas d’en douter par le nombre incalculable de références éparpillées dans le livre. En parlant de référence, ils ne se limitent pas aux médias. Leurs arguments sont aussi vérifiables chez d’autres auteurs qu’ils citent à travers l’essai. Ils évoquent l’auteur Bruno Muxagato qui a avancé que le principal objectif du Brésil était d’instaurer une confiance mutuelle en Amérique latine. Le Brésil convoitait aussi une position permanente au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Pour ce faire, Haïti était devenu le cobaye idéal pour prouver leur capacité à faire partie du conseil.

Si ce livre ne propose pas de recette à la guérison d’Haïti, elle aura le mérite d’en avoir fait un diagnostic bien détaillé en identifiant de manière claire et précise l’un de ses principaux problèmes en étant un tantinet plus objectif que Ricardo Seitenfus. De plus la méthodologie de production est exceptionnelle : 6 plumes, 6 esprits, donc 6 approches, avec une répartition équilibrée des sexes. Espérons seulement que ce travail collectif se retrouvera sur les tables de chevet des diplomates haïtiens et que bon nombre de politiciens le liront. En tout cas, cette œuvre nous aura appris que le seul vrai mérite de Seitenfus est sa compétence en tant que diplomate. Ce dernier a fait preuve de tant d’audace professionnelle qu’il a enrichi la littérature historique d’Haïti tout en encensant son pays.

L’œuvre de Seitenfus ne sera pas inutile parce qu’il aura averti les Haïtiens de la mauvaise foi de ceux qui se présentent comme partenaires et amis d’Haïti, sans oublier le pays d’où vient l’auteur. Les hommes et les femmes de ce pays devraient peut-être calquer la démarche et l’énergie de l’auteur pour défendre les intérêts d’Haïti. Toutefois, les auteurs nous exhortent à suivre une recommandation faite par Seitenfus lui-même : la nécessité pour les Haïtiens de prendre leur destin en main, mais surtout de ne pas miser sur les étrangers pour la reconstruction de cette nation.

Si Monsieur Seitenfus a été encensé par un Président haïtien, l’histoire se rappellera aussi qu’une demi-douzaine d’étudiants, avant tout citoyens haïtiens, ont pris le contrepied de l’auteur qui par cette publication ne faisait que son travail de diplomate. À la lumière de « La guerre des diplomates en Haïti », on peut comprendre que M. Seitenfus ne fait que redorer le blason de son pays par une démarche sournoise. Si l’œuvre de Ricardo Seitenfus a servi de bouclier lors de la chasse aux sorcières ayant envouté Haïti, « La Guerre des diplomates en Haïti » est le javelot qui l’aura percé. Par solidarité patriotique serrons les mains de ces 6 jeunes auteurs et de leur guide Hérold Toussaint pour cette restitution à notre patrie.

Je suis Steeve Bazile, entrepreneur, journaliste, mais avant tout amateur de littérature. J’ai trouvé en cette dernière, un trésor surpassant toute forme d’intelligence : le bon sens. Le mien étant régulièrement aiguisé, je m’arroge donc de dire, de débattre, d’opiner, de contester, de questionner tout ce que je crois comprendre. Un érudit, dites-vous! Mais non, je ne suis qu’un profane… Le profane avisé!

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