La production de la mangue en Haïti est l’une des plus importantes dans le monde. Le pays a été, jusqu’en 1997, le second fournisseur des États-Unis. Comment fonctionne cette filière qui se bat contre les incessantes difficultés socioéconomiques, politiques et climatiques d’Haïti ?
Selon les chiffres présentés en 2015 par Haïti Hope Project, la filière de la mangue en Haïti produit en moyenne 2,5 millions de caisses par année. La commune de Gros-Morne, située dans l’Artibonite représente 30% de la totalité de cette production. Pourtant, les paysans producteurs sont négligés par l’État. Sauf quelques organisations non-gouvernementales contribuent à leur encadrement et formation. Jusqu’en 2008, les producteurs de Gros-Morne ignoraient les techniques d’entretien requises sur le marché international relatives à l’exportation.
« L’Institut de Technologie et d’Animation (ITECA) nous a fourni un appui aux niveau des formations et des ressources humaines », soutient Daniel Dorélus, Directeur de la Coopérative de Production et de Commercialisation de Mangue Francisque de Gros Morne (KOPKOMFG). Cette coopérative et la Coopérative de Production Agricole et de Commercialisation de Gros Morne (KOPAKGM) sont les deux seules à accompagner les producteurs de mangues de Gros-Morne. « À la seule différence, nous accompagnons actuellement 526 producteurs à travers toutes les communes de Gros-Morne contrairement à KOPAKGM », précise Daniel depuis son bureau situé à Makabon, 8e section de Gros-Morne.
La technique KBST
Les deux coopératives s’entendent bien pour accompagner les producteurs au niveau de la filière de la mangue depuis la production jusqu’à la commercialisation de leurs produits. Les membres inscrits dans les coopératives sont aidés premièrement au niveau des pépinières. « Ensuite, ils reçoivent continuellement des formations sur la technique KBST (Keyi, Bwote, Seleksyone, Trasabilite/Cueillir, Transporter, Sélectionner et Traçabilité) », explique Daniel.
La technique interdit l’élevage, les déchets plastiques, la production de charbon de bois, les latrines ou la semence d’engrais au niveau des périmètres où sont plantées les mangues. Toutes ces matières ou ces activités, raconte Daniel, peuvent contaminer la récolte. De ce fait, les inspecteurs des coopératives visitent régulièrement leurs membres, pour vérifier s’ils appliquent ces principes d’hygiène requis au niveau international. « Ces inspections se font à partir d’une technique de géo référence des plantations de mangues. C’est la démarche de la traçabilité », précise le directeur de la coopérative. Un producteur doit également émonder ses manguiers pour augmenter sa récolte.
À la saison des récoltes, les usines situées généralement à Port-au-Prince placent leur commande au niveau des coopératives. Selon la règle, prolonge Daniel, un producteur ne doit commercer avec une usine en dehors de sa coopérative et inversement. Après la réquisition de l’usine, la coopérative contacte le producteur qui entame la cueillette. « La mangue ne doit pas subir de choc pendant la cueillette », toujours selon Daniel qui ajoute que cela pourrait meurtrir le produit.
« Le local de KOPKOMGM dispose d’une salle de nettoyage. Le producteur s’y rend pour laver les mangues qu’il a cueillies. Ensuite, il procède à une sélection du fruit. L’enveloppe des mangues sélectionnées doit être saine et sans tâches ». Après le processus KBST, la coopérative procède à un second tri des fruits conjointement avec le producteur. La coopérative acquiert la livraison, puis l’embarque vers l’usine. Les rejets non sélectionnés tout au long du processus sont déversés sur le marché local qui ne dispose d’aucune norme.
Quand l’usine fixe ses règles
La mauvaise condition des routes qui relient Gros-Morne à Port-au-Prince est l’autre préoccupation majeure des coopératives. Les secousses subies durant tout le trajet entachent les mangues et réduisent généralement la quantité fixée au départ pour la livraison. À l’usine, on choisit deux caisses de mangues au hasard pour vérification. « Chaque caisse contient 72 mangues. On les découpe méticuleusement chacune. Si l’une d’entre elles est infectée, toute la commande sera éliminée », lance Daniel. Il n’y aura pas de dédommagement pour les 144 mangues découpées.
Avant d’exporter les produits, l’usine, de son côté, les lave et les sélectionne puis les fait bouillir avant de les mettre en caisse. « C’est l’usine qui fixe les prix des caisses de mangues. Elle les fixe en gourde alors qu’elle les revend en dollar à l’international », explique Daniel visiblement mécontent des conditions. D’autre part, certaines usines évitent les coopératives en contactant directement les producteurs.
Une situation que dénonce ouvertement Daniel Doréus. En effet, dans la commune de Gros-Morne, la présence des coopératives sont une veille à la production de la filière de la mangue. En plus d’accompagner les producteurs, elles contrôlent le baromètre des prix de l’offre et de la demande. Cette année, par exemple, les demandes ont baissé à cause des divers mouvements sociopolitiques qui ont bouleversé le pays. « Parallèlement, il y a eu une très bonne récolte au Mexique qui est un très grand concurrent d’Haïti », finit Daniel.
Hadson Albert
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