Les conséquences potentielles de ces fermetures peuvent être dévastatrices. La majeure partie des maternités de Port-au-Prince ne fonctionne pas, révèle un responsable d’hôpital
La plupart des hôpitaux du pays réduisent leurs activités alors que d’autres ferment leurs portes au grand public. Ces annonces tombent en marge d’un bras de fer médiatisé entre le chef de gang Jimmy Chérizier et le gouvernement d’Ariel Henry.
Le puissant leader de la coalition criminelle G9 réclame la démission du gouvernement. Pour imposer sa volonté, Chérizier bloque manu militari la distribution de carburant dans le pays, une décision qui touche presque toutes les sphères d’activités.
À l’hôpital de l’Université d’État d’Haïti, plus grand centre de santé du pays, l’heure est grave.
« L’HUEH fonctionne actuellement avec un noyau d’urgence, déclare à AyiboPost Jessy Colimon Adrien, directrice de l’hôpital. C’est grâce à ce noyau que l’institution tient encore puisque la majorité du personnel sanitaire ne peut pas se rendre à l’hôpital à cause des barricades et du blocage de la plupart des tronçons de route qui entravent le fonctionnement du transport en commun ».
L’HUEH peine à réaliser certaines interventions médicales. N’était-ce pas l’apport en carburant de certaines organisations humanitaires, l’hôpital aurait déjà sombré dans le noir. « Nous avons eu une panne d’électricité au milieu de la semaine à cause d’une rupture de stock de nos réserves », révèle Jessy Colimon.
D’autres centres hospitaliers de la région métropolitaine tentent de tenir le coup, mais pour combien de temps encore ?
L’hôpital St-Luc et le centre hospitalier Nos Petits Frères et sœurs fonctionnent dans le même espace. Ces structures arrivent à tenir les ampoules allumées grâce aux dons en carburant reçus. Ils sont alimentés par un système hybride d’énergie solaire et de génératrice.
Le solaire n’arrive pas à combler la lourde demande en énergie de l’hôpital. Selon le directeur médical de St-Luc, Edson Augustin, les deux centres consomment 250 gallons de diesel par jour.
« Nous avons signalé au grand public nos difficultés pour trouver le carburant durant le début de la semaine », continue Augustin. Digicel a répondu avec un don de 500 gallons de diesel. Les compagnies Tropic S.A et la Bandari ont offert chacun 250 gallons.
« C’est ce qui nous a permis de continuer à fournir des soins à la population durant cette semaine », explique le docteur Augustin. Le pire reste à craindre pour les semaines à venir.
L’hôpital St-Luc utilise une partie de ses maigres ressources en carburant pour assurer le transport de son personnel médical à travers des ambulances. Ceci permet notamment d’éviter certaines barricades.
Si la situation ne s’améliore pas, l’hôpital St-Luc risque de fermer ses portes au grand public, prévient Edson Augustin.
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Les pharmacies et les dépôts pharmaceutiques sont aussi victimes de la situation actuelle, rapporte Augustin. Le professionnel parle d’un manque d’énergie pour assurer la conservation de certains médicaments.
D’autres structures hospitalières se trouvent dans la tourmente.
Dans un avis rendu public le 27 septembre 2022, l’hôpital Bernard Mevs a informé que la crise du carburant a contraint les responsables à mettre en place un plan d’urgence avec une réduction de staff et des services disponibles.
Pour ne pas arriver à la fermeture complète des activités, les responsables de cet hôpital sollicitent le public pour faciliter l’accès à l’approvisionnement en Diesel.
La maternité Isaïe Jeanty communément appelée Chancerelles et l’hôpital universitaire La Paix à Delmas 33 font aussi face à la tempête.
« La majorité des maternités de la région métropolitaine ne fonctionnent presque pas. Celles qui sont dans la plaine du Cul-de-sac ferment leurs portes. Du coup, on observe un débordement de patients qu’on ne peut pas gérer », témoigne le docteur Roolando Caleb Josué Dauphin de l’hôpital public Chancerelles, un centre placé au cœur d’une zone contrôlée par des gangs.
Le dysfonctionnement partiel de certains hôpitaux arrive dans un contexte de répression brutale des manifestants par les forces de l’ordre.
À cause des implications politiques du sujet, les responsables d’hôpitaux interviewés par AyiboPost refusent d’illustrer les conséquences de cette situation sur leurs patients.
« Il y a des conséquences, mais je ne peux pas vous le dire », signale Jessy Colimon Adrien.
Au pire des cas, le déni de soin conduit à la mort. Dans d’autres contextes, il engendre des inquiétudes. C’est ce qu’a expérimenté Madan Blanco de Carrefour Feuilles. La dame, jeune maman, n’a pas pu honorer un rendez-vous chez le médecin avec son enfant, le 27 septembre. Les hôpitaux les plus proches visités étaient fermés.
Le dernier arrivage de carburant dans le pays remonte au 18 septembre, selon des informations communiquées sur Twitter par le terminal Varreux. Plus de cinq millions de gazoline et presque la même quantité de diesel attendent à être déchargés depuis la décision du chef de gang, Jimmy Chérizier de bloquer les centres d’approvisionnement.
Photo de couverture : Bernard Mevs après le « Peyi lock » en 2020. Georges Harry Rouzier / Ayibopost
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