EN UNEPOLITIQUESOCIÉTÉ

Jésus aurait fait quoi s’il était à la tête d’Haïti ?

0

La figure religieuse la plus connue au monde, Jésus Christ, a vécu il y a plus de 2000 ans. La religion qui a découlé de sa personne et ses enseignements, le christianisme, a un impact planétaire et influence nos sociétés depuis plus d’un millénaire et quelques siècles. Dieu, fils de Dieu, prophète pour certains, nul ne peut réfuter la réussite de Jésus Christ comme figure religieuse. Ici en Haïti, le christianisme semble se renforcer. Les églises chrétiennes à tendance nord-américaine font un travail de prosélytisme remarquable sur le territoire haïtien. Les trois grandes forces religieuses haïtiennes, le vaudou, le protestantisme et le catholicisme, reconnaissent la figure christique comme essentielle dans le cheminement spirituel des adeptes.

La réussite de Jésus Christ comme figure religieuse est donc indiscutable. Cependant Jésus de Nazareth a aussi eu une dimension de philosophe avec une pensée politique et sociale. Le philosophe qu’a été Jésus de Nazareth  s’est fait éclipsé par le Christ-Dieu.

La bible, notamment le nouveau testament, tourne autour du parcours de Jésus qui se veut aussi être la preuve de sa déité; cependant elle laisse aussi entrevoir la philosophie de l’homme. Comment Jésus, le philosophe qui, par moment, se révèle figure politique aborderait le problème « Haïti » ?

Je propose 5 grandes décisions politiques qu’aurait prises Jésus, le révolutionnaire de Nazareth, pour tenter de sortir Haïti des miasmes qui le paralysent actuellement.

1 L’Education

La vie de Jésus a tourné autour de l’éducation. Très tôt il a lui-même eu le goût du questionnement. A 12 ans, il a discuté avec les savants. Plus tard dans sa vie, sa relation avec ses apôtres était basée sur le transfert du savoir et de la connaissance. Tout nous porte donc à croire que Jésus serait d’abord intéressé à une révolution du système éducatif haïtien. Les deux premiers soucis de Jésus seraient d’abord la qualité de l’éducation et l’accessibilité. Avec ses apôtres, Jésus savait et comprenait qu’il formait de futurs formateurs. Cela nous laisse présager qu’il aurait eu un intérêt particulier pour la préparation des enseignants. En plus du support matériel, un programme de formation continue obligatoire pour les professeurs verrait le jour. La politique de l’éducation de Jésus se baserait sur l’accessibilité pour assurer une égalité des chances des enfants d’Haïti.

2 La justice sociale

L’épisode de la multiplication des pains prouve l’intérêt de Jésus pour une société juste. Rien ne prouve que sa philosophie politique serait socialiste ou communiste, cependant vu son rapport avec les pauvres et les marginalisés, nous pouvons envisager avec une relative certitude que Jésus transformerait la dynamique sociale de la société haïtienne. Des programmes sociaux solides et soutenables seraient mis en place. Dans cette quête de justice sociale, le travail aurait une place privilégiée : « Aide-toi et le ciel t’aidera.» L’État jouerait surtout un rôle de support social dans une société qui compterait sur l’effort et la contribution de chacun de ses enfants pour une amélioration de l’ensemble. Des mécanismes rigoureux  forceraient les élites à s’impliquer dans le bien-être d’Haïti.

3 Jésus serait contre la présence de la Minustah sur le territoire haïtien

Le jeune Galiléen juif qui a grandi dans une Palestine occupée par Rome, a sûrement compris les méfaits de l’occupation sur un peuple et sa culture. Bien que peu apparent dans les récits du Nouveau Testament, la situation en Judée était similaire à la tutelle onusienne que connait actuellement Haïti. Par rapport à la situation d’Haïti et de la Minustah, une approche diplomatique pour une éventuelle désoccupation serait surement la voie que prendrait un gouvernement dirigé par Jésus. Le fond de sa philosophie dévoilait des couleurs révolutionnaires, cependant la mise en action a été largement pacifique. Une incitation au peuple haïtien à prendre les armes pour chasser la Minustah est donc inenvisageable. Les armes diplomatiques et politiques disponibles seraient déployées pour pousser la force occupante hors du pays. Au-delà du départ des forces onusiennes, un bras de fer serait engagé pour réduire la mainmise de la communauté internationale sur Haïti.

4 Une décentralisation de l’Etat

Jésus, lui, ne s’est jamais exprimé sur l’importance de la décentralisation telle que nous la concevons aujourd’hui. Cependant si nous nous permettons l’écart de transposer un peu les idées du pasteur à ceux de l’homme politique, on remarquera que l’enseignement de Jésus à  ses apôtres était fait dans le but d’une propagation de son message ou sa philosophie. Léguer à d’autres cadres (les apôtres), certainement bien formés, le soin de faire le travail de propagation de la bonne nouvelle est une idée centrale à la réussite du christianisme. Cette formule de déconcentration du message fait aussi ses preuves dans le fonctionnement de l’Etat. L’Etat central que dirigerait Jésus se serait vite défait de la phobie du contrôle du pouvoir à Port-au-Prince. Dans l’objectif d’apporter la «bonne gouvernance» aux coins les plus reculés, longtemps oubliés par le système politique en place depuis 30 ans, le gouvernement Jésus aurait renforcé les mairies et les sections communales. Les services de l’Etat auraient été disponibles dans tous les départements. La grande campagne de décentralisation de Jésus débuterait par une multiplication et mise à niveau des bureaux d’État civil existant pour enregistrer et normaliser les situations d’exclusion des fils et filles du pays.

5 Une réforme de notre constitution

Haïti a récemment fêté les 29 ans de sa constitution. Cette constitution exprimait à l’époque la peur de retomber dans les méandres d’un pouvoir exécutif aux saveurs dictatoriales. Cette prudence justifiée accoucha d’une constitution qui révéla des conséquences inattendues, notamment sur la stabilité politique du pays. Comme il l’avait fait avec les commandements de Moïse, Jésus aurait au moins entamé le processus pour changer la constitution de 1987 ou, au moins, la réformer.  La constitution doit être au service du peuple et assurer le cadre nécessaire à son épanouissement. En ce moment où le législatif a pris d’assaut l’exécutif, Jésus, pour préserver le principe essentiel de la séparation des pouvoirs, aurait tranché entre un régime parlementaire et présidentiel.

Il n’est pas trop osé de dire que Jésus est l’une des rares figures du monothéisme à avoir affiché une claire compréhension de l’importance de la séparation du pouvoir politique de la religion : « Rendez à César ce qui est à  César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Cependant il ne faut pas se leurrer: être homme de religion en Judée à l’époque de Jésus était aussi être politicien.  Rechercher la dimension politique de son discours n’est donc pas une faute, même en abordant la question à travers l’optique du christianisme. Un Jésus politique choquera certains adeptes qui font un effort constant pour le dissocier de la chose politique considérée sale et impure.

La dimension politique du discours de Jésus est souvent sous-estimée et intentionnellement oubliée. Les prédicateurs qui s’autoproclament porteurs de la parole du Christ négligent, et souvent n’ont aucune compréhension de sa parole philosophique et politique. Ainsi, une version plate de Jésus distant des problèmes sociaux et politiques est vendue à une population à la recherche d’un réconfort spirituel. Et, attachée à ce message de spiritualité, se trouve une forme cancéreuse de «décitoyennisation» de l’ Haïtien qui se veut chrétien. Il ne serait donc pas si mal que nos politiciens et citoyens se posent la question: «qu’aurait fait jésus?». Pour éviter de nous enfoncer dans le labyrinthe de la pensée magique et des réponses faciles, il faut assurer une compréhension du message philosophique de Jésus et créer ainsi une constante dissociation du philosophe de la personne-dieu. L’accepter à la fois homme et Dieu est un acte de foi, mais le reconnaître comme philosophe et figure religieuse est un travail d’abord intellectuel qui nécessite une suspension momentanée de sa foi sur les questions politiques et sociales. Il ne me reste donc qu’à garder foi en une Haïti chrétienne qui accepte d’écouter le vrai message philosophique de Jésus tout en suspendant sa foi aveugle au Christ-Dieu. Équation difficile!

Jétry Dumont

Directeur Général | Co-fondateur | J'aime me considérer rationnel et mesuré avec une vision semi-ouverte du monde. J'ai un baccalauréat en finance. Je m'intéresse au Barça, à la politique, à l'entrepreneuriat et à la philosophie.

Comments

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *