Sous la chaleur écrasante de 4h30, coincé dans un embouteillage sur la route de l’aéroport, Louis ramène son fils Jean de l’école. Tandis que son père écoute le journal de 4h de Liliane, Jean voit passer un Boeing de la compagnie American Airlines. Rempli d’excitations et ébahi par la chorégraphie parfaite du Boeing dans le ciel de
Quelques jours plus tard, Louis m’invita à déguster un cabri chez lui en compagnie de sa famille. Louis représente à mes yeux une personne exemplaire ; il projette l’image d’un père de famille modèle, un homme travailleur, altruiste, compatissant et très protecteur. Son comportement et ses réflexions m’inspirent, et je cherche toujours à l’imiter quand l’occasion se présente. Alors que l’on dégustait ce cabri boucané et que l’on racontait nos petites anecdotes et histoires de la semaine, Louis me dévoila d’un air moqueur, le rêve ambitieux de Jean de devenir pilote. Fièrement il me souffla qu’il l’avait rappelé à l’ordre immédiatement.
Je restai muet et contemplai Jean qui finissait son morceau de viande. Je saisis sa soif de voler. Je l’imaginais déjà à l’école bricoler des avions de papier tout en murmurant des bruits de moteurs d’avions ; adolescent il installerait sans doute sur l’ordinateur de la maison Flight Simulator et deviendrait très vite un pilote virtuel maitrisant les concepts préliminaires physiques, et connaissant plusieurs modèles d’avions tout en ayant ses préférences. Plus tard, il appliquerait pour des bourses universitaires afin de poursuivre ce fantasme de voler tous les jours, ce rêve de percer les nuages derrière son volant, de rassurer les passagers avec son micro en traversant les turbulences. J’imaginai Jean à la porte de l’avion en train de saluer les passagers à leur sortie après des heures de vol. Et, je vis son rêve se dissiper…
Je me retournai donc vers Louis et j’aperçus dans ses yeux cette peur de dépenser son argent dans une carrière sans lendemain en Haïti ; cette peur de voir son fils qu’il aime tant au chômage, accablé par les regrets de n’avoir pas choisi une autre carrière, malgré les avertissements de ses amis et proches quant à l’absence de débouchés rentables en Haïti. Je supposai que ce sont peut-être les raisons qui ont justifié cette réaction par rapport au fantasme innocent de Jean de découvrir le ciel du monde entier. Sans commenter, je souris donc à Louis, je continuai de manger mon succulent morceau. Je changeai de sujet adroitement et je compris que Jean ne serais jamais pilote!
Thierry Robert Paultre
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