POLITIQUE

INTERVIEW: Les duvaliéristes se mobilisent pour le pouvoir

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Trente-deux ans après la dictature, il y a ceux qui s’affirment toujours duvaliéristes en espérant reconquérir le pouvoir bientôt. L’ancien délégué départemental de l’Ouest sous la présidence de Michel Joseph Martelly, Gonzague Day, en fait partie. Avec Nicolas Duvalier, il commence à  rassembler les duvaliéristes en vue des prochaines élections. 

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Vous êtes reconnu en Haïti comme duvaliériste affirmé. Pourquoi êtes-vous duvaliériste ?

Je suis né dans une famille duvaliériste, je suis le fils de Edner Day. Mon père fait partie des duvaliéristes des premières heures. J’ai publié une photo sur les réseaux sociaux où l’on voit mon père debout derrière François Duvalier le jour du vote en 1957. Mon père a accompagné François Duvalier aux urnes en 1957. Lorsque Jean Claude Duvalier est parti en 1986, mon père était député. Il a été préfet, conseiller de Duvalier. Sa carrière a débuté sous Dumarsais Estimé. Son premier emploi a été la direction de l’irrigation de la plaine du Cul-de-sac. Il a intégré le MOP, ensuite il embrassa Duvalier et à 29 ans il est devenu un duvaliériste convaincu.

Que veut dire être duvaliériste ?

Il y a eu beaucoup de mensonges à propos du régime politique de Duvalier. Les gens n’ont pas compris que l’avènement de Duvalier au pouvoir est issu du groupe « La jeunesse révolutionnaire de 1946 » créé au sein de l’université. Il y a de ceux qui prétendent qu’il y a eu une politique de couleur en prétextant qu’il s’agissait d’un régime noiriste. A travers la doctrine et l’éducation reçue de mon père, on m’a appris qu’il s’agissait d’une posture nationaliste de préférence. C’était des gens qui, pour la plupart, avaient vécu l’occupation américaine de 1915. Ils avaient compris qu’un tel affront ne devrait jamais se reproduire. Ils ont ainsi créé « un nationalisme intégral » qui va accoucher la révolution de 1947. Noiriste, parce que la majorité des postes dans l’administration publique étaient occupée par des hommes de couleur qui s’opposaient à l’émergence de la majorité noire. La révolution duvaliériste a permis l’émergence d’une classe moyenne constituée de grands économistes et écrivains entre autres, qui ont occupé la scène.

Seriez-vous en train de dissocier Duvalier du noirisme ?

Non. Je veux plutôt expliquer que le noirisme a servi de propagande pour casser l’élan de la révolution. Aujourd’hui, on accuse les macoutes et les duvaliéristes de tous les maux du pays. Mais, on n’a pas essayé d’évaluer la période pour tirer un bilan des bonnes et des mauvaises choses. Durant les 29 ans, il y a eu de bonnes choses dont on ne parle pas. Je ne vous dirai pas que Duvalier a été un saint ou un criminel ou un assassin. Je vous dirai qu’il s’est produit des choses qui ont été nécessaires et qu’on ne peut nier même aujourd’hui. On sait qu’il y a eu un régime qu’on a associé à la dictature, par conséquent, il y a eu certains interdits durant son règne.

Trente-deux ans plus tard, comment évaluez-vous les 29 ans de la dictature ?

En comparant les 29 ans de la dictature par rapport aux trente dernières années, l’opinion publique témoigne que sous Duvalier les choses allaient mieux. Les gens ne parlent pas du régime dur, mais ils apprécient l’environnement du pays. Il y avait la sécurité, l’ordre et la paix sociale. Je ne dis pas que la dictature a été meilleure pour le pays, mais ceux qui s’appellent démocrates ont une mauvaise approche de la dictature. Ceux qui se disent démocrates aujourd’hui embrassent la corruption, l’abus des droits humains, l’impunité qu’ils reprochaient aux duvaliéristes. Ils utilisent les mauvaises choses de la dictature pour instrumentaliser le modèle de démocratie qu’ils proposent aujourd’hui.

Admettez-vous que sous la dictature il y a eu corruption, impunité et violations de droits ?

Je ne suis pas en train de l’admettre. Il y a eu des faits relatés par des gens qui se disaient victimes. On a ouïe dire que des gens sont morts, on parle de Fort-Dimanche. Je ne peux pas ignorer qu’il a eu des victimes. Il s’est produit des choses dans ce pays, qu’il s’agisse de Duvalier ou d’un autre, on ne peut plus accepter que ces choses se reproduisent. Aristide a fait l’apologie du supplice du collier, aujourd’hui personne ne pourra accepter qu’on passe des pneus enflammés au cou des gens tout comme on ne peut pas accepter un nouveau Fort Dimanche. De même que la dictature de Duvalier a laissé des cicatrices ouvertes, Lavalas en également beaucoup laissées. Aujourd’hui, il est impératif de mettre de côté nos comportements claniques pour faire primer les intérêts de la nation aux fins de sauver le pays.

Si on fait table rase du passé, qu’adviendra-t-il des victimes de la dictature ?

Personne ne fuit la justice. Que la justice sévisse contre les coupables. Personne ne se tient en face de la justice qui doit s’appliquer à des éventuels criminels du régime Duvalier.

Pour faire le bilan de la dictature vous faites référence au pouvoir Lavalas. Pensez-vous que la déchéance des trente dernières années justifie la dictature ?

On a occulté l’histoire. Il y a beaucoup de choses positives des 29 ans de Duvalier qui ne sont pas évoquées. Si on avait un quart de ces choses aujourd’hui, Haïti aurait été plus loin. Mon père qui a servi le régime est décédé en 1988 laissant seulement 2500 dollars en banque. Aujourd’hui, un ministre possède des maisons à Miami, à New York et en République Dominicaine.

Sous la dictature il y a eu aussi des officiels qui dilapidaient les fonds publics…

On a dit qu’il y a eu dilapidation des fonds publics, mais aujourd’hui on peut évaluer la possession de ceux qui ont passé 29 ans au pouvoir par rapport à ceux qui en ont passé un an ces jours-ci. Sous Duvalier, ce n’était pas aussi facile que l’on croit. Duvalier contrôlait tout. Je ne nie pas qu’il y ait eu des détournements et des cas d’enrichissements illicites. Mais aujourd’hui, c’est différent. Ceux qui pillent on les connaît, il deviennent plus influents. On a l’impression que si on n’est pas corrompu, on ne peut rien réaliser parce que la corruption s’implique dans tout.

Ne considérez-vous pas que l’état actuel du pays découle en partie de la gestion des Duvalier ?

Les gens sont peu informés. On accuse Duvalier de l’échec de l’éducation. Au contraire, allez consulter la réforme de Joseph C. Bernard qui est le dernier ministre de l’éducation de Duvalier, c’est lui qui a réorienté l’éducation. Sous Duvalier un lycéen payait uniquement quinze gourdes par an ayant des instructeurs de judo, de karaté, de football etc. Il y a ceux qui disent qu’il n’y a eu aucun service sous Duvalier. Ma grand-mère vient de « Trou Chouchou » à Petit-Goâve, on s’y rendait pendant les vacances en été. De Petit-Goâve on marchait près de deux heures pour arriver au village. Il y avait des médecins résidents et des infirmières dans le dispensaire du village. La route du sud n’était pas encore construite. Je m’y suis rendu en mars cette année, le dispensaire est fermé. On occulte l’histoire en accusant Duvalier de chasser des intellectuels. Il y a eu des hommes qui s’impliquaient dans des activités qui s’avéraient peut-être dangereuses pour le régime de Duvalier, le président a pris des dispositions.

Ces gens exerçaient leurs droits politiques…

Oui, mais c’était une période dictatoriale. On savait très bien que les gens ne pouvaient pas exercer leurs droits politiques en période dictatoriale. Ils l’ont fait, donc, ce qui s’est passé, s’est passé. Aujourd’hui, je ne vais pas me perdre dans des comparaisons entre ce qui était bon ou pas. La rue témoigne que sous Duvalier c’était mieux.

Sous Duvalier Haïti était pauvre avec un taux d’analphabétisme élevé, l’accès aux soins de santé était compliqué, la paysannerie végétait dans la crasse … considérez-vous que les haïtiens avaient vraiment accès aux services ?

Duvalier a fait campagne contre une maladie qui rongeait la paysannerie. Duvalier n’est pas à la base du problème de la santé pour tous. La seule chose que je puisse dire, je veux que les gens comprennent que quoi qu’on dise de Duvalier, il y a une génération actuellement en Haïti qui dit que sous le régime de Duvalier la vie était meilleure. Il faut faire attention à ces gens-là lors des prochaines élections.

Vous insinuez quoi ?

Si des gens disent que sous Duvalier la vie était meilleure, dans les prochaines élections, ils peuvent bien voter quelqu’un. Je ne fais allusion à personne. Je veux dire que demain si un duvaliériste se présente aux élections, les gens peuvent bien voter le duvaliériste.

Nicolas Duvalier est en Haïti et s’adresse au gens. Vous êtes proche de lui. Va-t-il se présenter aux présidentielles ?

Il est trop tôt pour répondre à cette question. Nous ne sommes pas au temps des élections, je ne vois donc aucune nécessité de projeter un candidat. Nicolas est un jeune haïtien qui a vécu à l’étranger. Il est en Haïti depuis 2011, fils de président [qui est fils de président]. Comme il l’a dit lors d’une interview, tout citoyen concerné ne peut rester les bras croisés face à la situation du pays. Il avait dit qu’il voulait aider son pays, alors on attend.

Quels sont vos rapports avec lui ?

En tant que Duvaliériste qui fait de la politique sur le terrain, je pense que j’ai une dette envers Nicolas parce que la famille Duvalier a été beaucoup utile à ma famille. Mon père était très proche de Duvalier et aujourd’hui, je ne saurais laisser Nicolas Duvalier s’il a besoin d’un coup de main car il représente ma conviction. S’il est là et veut faire quelque chose, je ne saurais être ailleurs.

Les duvaliéristes ont toujours clamé qu’ils sont mieux outillés que les dirigeants post-1986. Pourquoi en 32 ans ils ne parviennent pas à élaborer un discours politique et à construire de véritables structures politiques en Haïti ?

 En 1987, les constitutionnalistes ont introduit un article (art 291) pour exclure les duvaliéristes. Il y a eu un manque d’organisation et aujourd’hui on essaie de nous organiser. Je suis l’instigateur de tout ça à travers notre plateforme politique pro Duvalier PATRAYIL. La Devise de Duvalier c’est : Le plus grand bien au plus grand nombre. Nous sommes pour la réconciliation, un débat national et la restructuration du secteur politique.

Lorsque Jean Claude Duvalier est rentré en Haïti en 2012 les duvaliéristes étaient soudainement remobilisés. Avec Nicolas Duvalier, on a l’impression que c’est la même chose. Ne pouvez-vous réaliser quelque chose sans quelqu’un de la lignée biologique de Duvalier ?

Jean Claude Duvalier a été un symbole parce que, en tant que président à vie, c’est lui que les gens connaissaient. Nous ne considérons point Nicolas comme un héritier de Duvalier, mais plutôt comme un vecteur de rassemblement des duvaliéristes. En tant que Duvalier, il peut rassembler les duvaliéristes autour de lui. C’est ce qu’il fait aujourd’hui et il est conscient de ses responsabilités. C’est un européen en ce sens qu’il est méthodique, il a le sens de la mesure et il est toujours à l’écoute. D’aucuns craignent qu’il prenne le pouvoir pour instaurer la terreur de la dictature en Haïti. Nicolas a grandi en France dans une démocratie fonctionnelle où il y a eu alternance dans la direction du pouvoir. Quelqu’un qui a grandi dans un système aussi stable ne saurait s’associer à un régime en dehors de la tendance mondiale.

Savez-vous que Kim Jung I a été aussi éduqué en Europe ?

 Oui mais Kim Jung I a été envoyé en Europe pour venir reprendre le pouvoir légué par son père. Aujourd’hui, nous sommes dans une dynamique de démocratie où le pouvoir se prend à travers les élections. Avec les valeurs que Nicolas Duvalier charrie, issues de l’Etat de droit où il a grandi, on ne peut pas véhiculer le discours qu’il est un dictateur en herbe. Personne sur la scène politique ne peut faire de leçon à Nicolas sur la démocratie, l’Etat de droit ou les droits humains. Soyons patients, car nous sommes en train de travailler sur un projet de société à présenter à la nation. Nous devons avancer vers la modernisation.

A 18 ans, on a imposé le pouvoir à Jean Claude Duvalier. N’est-ce pas la même chose qui arrive à son fils ?

Les contextes sont différents. Personne ne peut forcer Nicolas Duvalier à assumer des positions. S’il doit prendre certaines dispositions, cela viendra de son libre choix. Je ne vois pas pourquoi on parle de Nicolas en tant que candidat à la présidence alors qu’il n’a pas encore déclaré sa candidature.

Nous avons aujourd’hui une population jeune qui n’a pas connu Duvalier. Ceux qui disent que sous Duvalier la vie était meilleure, pensez-vous qu’ils peuvent porter les duvaliéristes au pouvoir ?

Le jour du départ de Jean Claude Duvalier le 7 février 1986, il y avait 300 000 macoutes enregistrés. On a un vote affectif et, il y a le vote émotionnel qui viendra de ceux qui disent que sous Duvalier la vie était meilleure. Avec les structures que nous mettons en place, nous pensons que nous pouvons atteindre nos objectifs. Le peuple a réalisé que ceux qui ont pris le pouvoir n’ont eu que des slogans. François Duvalier a légué une doctrine et des ouvrages. Haïti a déraillé parce que ceux qui dirigeaient n’avaient pas une véritable vision. Duvalier était en avance sur son temps.

Si le duvaliérisme était aussi efficace pourquoi l’a-t-on chassé du pouvoir en 1986 ?

On l’a chassé pour accomplir ce que à quoi nous assistons aujourd’hui. En mars 2011, Jean Claude a accordé une interview dans laquelle il affirme qu’il n’a pas été chassé. Lorsqu’il a annoncé aux ambassadeurs américain et français, le 7 février, qu’il allait quitter le pouvoir, ils avaient dit non parce que tout ce qu’ils lui demandaient c’était d’organiser des élections. Il a dit préférer remettre le pouvoir parce que l’interprétation qu’il fait de la démocratie diffère de celle de son entourage. Il ne voulait pas imposer la démocratie par la violence. Il estimait que le pays n’était pas prêt pour la démocratie.

Niez-vous donc les soulèvements populaires de 1986 ?

Jean-Claude ne voulait pas faire d’effusion de sang. Avec 300 000 macoutes, le corps des léopards et la caserne Dessalines, il avait les instruments d’oppression que d’autres dictateurs auraient utilisés.

Pourquoi vous montrez-vous incapable de dépasser le duvaliérisme pour proposer autre chose ?

Jusqu’ici personne ne prône le duvaliérisme. Je suis duvaliériste, mais nos engagements politiques n’ont rien à voir avec Duvalier. Nicolas Duvalier milite dans notre parti comme militant politique. Dans nos réunions, on fait des états de lieux pour trouver des pistes de solution et des propositions à faire. Je n’ai pas peur de dire que je suis duvaliériste tout comme le lavalassien ou le « tèt kale » est fier de revendiquer ses accroches politiques. Mais on ne peut pas dire que, étant pro-duvalier nous n’accomplissons pas un objectif duvaliériste. Nous travaillons pour Haïti.

 

Directeur de la Publication à AyiboPost, passionné de documentaire.

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