Il s’agit pourtant d’une source de richesse potentielle énorme
Le manque de recherche scientifique sur les espèces endémiques d’Haïti met ces dernières en danger. C’est ce qu’affirment l’agronome Earl Jean Pierre et William Cinéa directeur et fondateur du Jardin botanique des Cayes.
Si de manière générale la biodiversité est menacée en Haïti, le danger est encore plus grand pour les animaux et la végétation endémiques. Une espèce animale ou végétale endémique est présente naturellement et exclusivement sur un territoire donné : on ne la trouve nulle part ailleurs.
D’après le dernier rapport du ministère de l’Environnement sur l’état de la biodiversité en Haïti, datant de 2019, le pays comporte plus de 5 000 espèces végétales dont 2 000 sont endémiques. Ces chiffres cependant, viennent de rares études réalisées par des organismes internationaux.
Il faut aller à l’étranger pour trouver une base de données sur les espèces endémiques du pays, car il n’y en a pas en Haïti. En plus, il n’y a pas de publications sur ces espèces, on n’en parle pas et de ce fait, personne ne les connaît réellement, confie Cinéa.
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D’après l’agronome, le problème de la recherche sur les espèces endémiques du pays, va jusqu’à un manque cruel de documentation comme des photos, qui permettraient de les différencier des espèces cosmopolites.
Le seul livre à faire mention des espèces endémiques d’Haïti date de 1930. Un siècle après, il est possible que certaines aient évoluées pour changer de noms, de famille, etc.
L’absence de travail et de documentation crée une méconnaissance des espèces encore présentes sur le territoire et celles qui ont déjà pratiquement disparu, s’alarme l’agronome Jean Pierre.
Les quartiers de Pacot, Bayèjo, Carrefour-Feuilles abritaient une espèce végétale traditionnellement connue sous le nom de « jaune d’œuf ». On ne la retrouve pratiquement plus aujourd’hui. Vu qu’il n’y a jamais eu de travail de documentation sur la plante, beaucoup ne savent pas à quoi elle ressemble, en dehors des experts.
D’après l’agronome Jean Pierre, il en va de même de la plante appelée « cayemite », de grands arbres comme le campêche, la trompette ou l’espèce haïtienne de sapotille.
Le manque d’information sur les espèces endémiques du pays est à la base d’un ensemble de comportements dangereux pour ces dernières. N’étant pas assez informé de la nécessité de les protéger, nous les catégorisons comme raje, donc de mauvaises herbes. De ce fait, nous y mettons souvent le feu ou les coupons, regrette l’agronome Cinea.
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Si la menace de disparition qui pèse sur ces espèces alarme tant le directeur du Jardin botanique des Cayes, c’est parce qu’elles donnent au pays une unicité et forment une partie de son patrimoine.
À titre d’exemple, la forêt des pins qui est un espace naturel pour diverses espèces a vu le Genévrier d’Ekman réduit à une population de dix individus du côté haïtien en 2014. Cette espèce endémique à l’île comporte quelques individus centenaires faisant ainsi d’eux des arbres patrimoniaux.
L’absence d’information sur les espèces haïtiennes nous laisse dans un flou total sur les propriétés médicinales, aromatiques ou autres que ces espèces pourraient avoir.
Plusieurs raisons expliquent le manque de travail sur les espèces endémiques en Haïti. D’après Rivière Dimitri, un agronome en devenir, la plupart des étudiants souhaitent s’orienter vers des filières qui ont à voir avec l’agriculture.
Cependant, pour effectuer un travail sur les espèces en question, il faut consulter les bases de données. Puisque ces bases de données sont pratiquement inexistantes, il faudrait les créer et c’est un travail couteux, long et pénible.
Couverture : Tacco d’Hispaniola – Gran tako. Carnivore, il se nourrit de petits lezards, d’amphibiens et parfois de gros insectes. Photo: René Durocher
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