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Haïti doit se guérir de sa dépendance à l’Aide Internationale !

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Dès l’aube de la présidence de M. Jovenel Moïse le 7 février 2017, la Communauté Internationale a recommencé à délier les cordons de sa bourse pour venir en aide au nouveau pouvoir. L’Union Européenne a annoncé une augmentation de 35 millions d’euros d’aide supplémentaire au pays. La Banque de Développement des Caraïbes  suit, prodiguant le 17 février 2017 une enveloppe de 45 millions de dollars pour Haïti en forme de prêts et de dons pour les secteurs de l’éducation, de l’agriculture et aussi pour le renforcement des capacités en matière de gouvernance. Ce support économique qui semble recommencer avec vigueur est une bouffée d’oxygène pour une économie anémiée. Cependant, l’indépendance économique de la nation continuera d’être asphyxiée si un changement de mentalité envers l’aide externe ne s’établit au plus vite en Haïti.

Finir avec l’assistanat international !

La véritable souveraineté nationale ne peut s’acquérir que par l’indépendance économique et pour ce faire en finir avec l’assistanat international est primordial. « L’aide fatale » de l’économiste africaine Dambisa Moyo expose des arguments  tout à fait logiques et prouvables sur la nécessité de la suspension de l’aide internationale pour l’émancipation de  l’Afrique ; une superbe proposition qui peut s’appliquer intégralement à Haïti.  Mme Moyo s’oppose à l’idée que les milliards de dollars en don des pays riches occidentaux aux nations africaines auraient favorisé la réduction de la pauvreté et aidé à la croissance économique. En réalité, d’après elle, le niveau de la pauvreté a continué progressivement sa montée et le taux de croissance a connu un déclin remarquable dans les pays récipiendaires – condamnant des millions d’êtres humains à souffrir. Elle conçoit que les pays africains sont pauvres justement à cause de cette aide qui, en fait, est une maladie introduite dans ses économies sous forme d’une cure.

L’aide d’après Mme Moyo encourage la corruption et les conflits tout en décourageant la libre entreprise. En guise d’exemple, elle rappelle que la fortune personnelle du défunt président Mobutu Sese Seko au Zaïre (de nos jours la République Démocratique du Congo) fut évaluée à 5 milliards de dollars américains. Suite à la demande d’une réduction des intérêts des paiements de la dette externe du pays qui lui fut accordée, le président s’empressa aussitôt d’affréter un avion Concorde pour faciliter le transport de sa fille à son mariage en Côte d’Ivoire. Satisfaire les désirs d’un président mégalomane et de sa clique corrompue était la principale utilisation de l’aide externe. En Haïti, la dette des prêts de PetroCaribe de l’ordre de deux milliards de dollars américains , somme qui aurait pu favoriser un véritable renouveau économique du pays similaire à un plan Marshall a servi en grande partie à l’émergence rapide de fortunes illicites, de blanchiment de sommes faramineuses et de constructions de cossues villas balnéaires. Le pouvoir rapporte gros grâce à la corruption et quand le Sénat se soucie d’entreprendre une enquête, elle finit prévisiblement en queue de poisson ou comme on dit chez nous en « bouyon mimi ».

La toxicomanie de l’aide internationale

Haïti comme l’Afrique est dépendante de l’aide internationale comme un toxicomane à sa drogue de prédilection. Semblable au drogué, il est difficile pour ces nations liées à l’accoutumance de l’aide d’imaginer la machine étatique s’en passer, et même de pouvoir contempler une existence sans elle. Et pourtant, c’est exactement de là que viendra la guérison ! Il faut d’abord simplement pouvoir oser penser que l’on pourra s’en défaire dans les décennies à venir. C’est dans cette même veine que le président Privert avait décidé qu’Haïti pouvait organiser elle-même ses élections sans aide étrangère mais qu’elle serait toutefois bienvenue. Et les élections se sont réalisées avec en majorité des fonds haïtiens au grand dam de la Communauté Internationale. Il faut toutefois pousser ces exemples d’actions souveraines encore plus loin pour arriver à une révolution économique.

Se grès kochon ki pou kwit konchon an !

L’aide financière internationale, composante importante du budget national est une honte pour tout pays qui se veut souverain, et elle constitue aussi une source permanente de corruption nationale avec la complicité de l’international. Elle tue l’éclosion d’alternatives économiques qui mènent à l’autosuffisance financière. Certains économistes haïtiens croient que « Kochon a pa gen ase grès ». Cela est vrai et c’est pourquoi on ne peut suspendre l’aide d’un coup mais on peut planifier graduellement sa réduction jusqu’à son élimination complète sur un nombre précis d’années. A l’intar des altermondialistes et selon la philosophie du Konbitisime politique rejoignant Mme Moyo, la diminution progressive de l’aide internationale jusqu’à l’élimination est une des solutions les plus viables que j’entrevois pour notre pays.

Mme Moyo préconise une réduction graduelle et systématique jusqu’à la disparition complète de l’aide sur une période allant de cinq à dix ans, donc une durée d’un à deux mandats présidentiels dans notre pays. Cette réduction ne se ferait pas sans peine, sans sueurs et sans sacrifices. Et pour arriver à cette réduction continue de l’aide qui se chiffre de nos jours à 345 millions de dollars américains (6) par année, il nous faudra maintenir une stabilité socio-politique. Ceci encouragera les investissements nationaux, de la diaspora et des étrangers. Il nous faudra comme le souligne le gouverneur Jean Baden Dubois de la Banque de la République d’Haïti (BRH), produire. La production est notre seule option. Produire exponentiellement pour l’exportation et réduire drastiquement nos importations est la seule voie à suivre. Il est par exemple une autre honte que notre pays à vocation agricole soit dans l’obligation d’importer du riz très souvent subventionné par les gouvernements des pays exportateurs faisant une concurrence déloyale à nos producteurs locaux. Il faudra aussi penser à changer nos habitudes alimentaires pour nous nourrir de ce que produit le pays en grande quantité. Donc, la primauté donnée à l’agriculture par le président Moise est à féliciter et à encourager en souhaitant que cette politique agricole atterrisse.

L’indépendance économique engendrera l’indépendance politique 

Haïti ne pourra obtenir son indépendance économique que par une vision claire d’une idéologie progressiste basée sur nos paramètres culturels, sociologiques, psychologiques et politiques entre autres. Cette indépendance ne peut s’acquérir que par l’élimination de l’aide externe pour se soustraire aux dictats de la Banque Mondiale, du Fonds Monétaire International, du néo-libéralisme, de l’ingérence des gouvernements étrangers dans les dossiers internes du pays et surtout du carcan mental auto-imposé par notre mentalité se voulant dépendante et tributaire de l’aide étrangère.  Il nous faut des alternatives économiques et politiques viables pour arriver à une autosuffisance économique projetée dans un temps bien déterminées dans un projet national, d’une revalorisation de notre identité de peuple, d’une définition de nos ambitions, d’un changement de mentalité, en deux mots : d’une révolution culturelle.

Patrick André

Image: Georges Harry Rouzier

Je suis Patrick André, l’exemple vivant d’un paradoxe en pleine mutation. Je vis en dehors d’Haïti mais chaque nuit Haïti vit passionnément dans mes rêves. Je concilie souvent science et spiritualité, allie traditions et avant-gardisme, fusionne le terroir à sa diaspora, visionne un avenir prometteur sur les chiffons de notre histoire. Des études accomplies en biologie, psychologie et sciences de l’infirmerie, je flirte intellectuellement avec la politique, la sociologie et la philosophie mais réprouve les préjugés de l’élitisme intellectuel. Comme la chenille qui devient papillon, je m’applique à me métamorphoser en bloggeur, journaliste freelance et écrivain à temps partiel pour voleter sur tous les sujets qui me chatouillent.

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