SOCIÉTÉ

Haïti : très peu d’écoles pour les enfants à besoins spéciaux

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Aucune université n’offre une formation spécifique aux enseignants les habilitant à accompagner les enfants à besoins spéciaux en Haïti

Ces enfants, probablement des milliers dans le pays, affichent par exemple des troubles de l’autisme, de la trisomie de la schizophrénie ou même la boulimie.

Une petite vingtaine d’établissements concentrée à Port-au-Prince accueille les élèves aux besoins spéciaux pour l’ensemble du territoire et chacun d’eux doit s’engager dans la formation de leurs professeurs. C’est ce que révèle à AyiboPost Pascal Nery Jean-Charles, président de l’association haïtienne de psychologie (AHPSY) et co-directeur d’un de ces centres spécialisés.

L’École Spéciale les Apprentis sages (ESAS) fait partie de la petite liste d’institutions spécialisées. Depuis son lancement en 2017, elle élabore son propre programme de formation pour accompagner les enseignants.

Un enseignant prend en charge des élèves à l’École Spéciale les Apprentis Sages de Delmas 33.  | © Wilson Saintelus/AyiboPost

Cette école offre une formation en psychothérapie d’une durée de six mois à ses enseignants. Nathalie Anne Gilberte Saint-Fort en a bénéficié en 2019. À l’époque, elle n’avait que neuf ans d’expérience dans le domaine de l’enseignement.

«C’était mon rêve de toujours de pouvoir travailler un jour avec les enfants aux besoins éducatifs particuliers dans une école spécialisée », déclare Saint-Fort, aujourd’hui conseillère pédagogique à l’ESAS.

L’enseignante n’aurait pas pu réaliser son rêve sans l’éducation additionnelle offerte aux professeurs par l’institution.

Une élève s’amuse dans la cour de l’établissement scolaire ESAS. | © Wilson Saintelus/AyiboPost

«En plus de leur formation à l’école normale ou en sciences de l’éducation, les enseignants des écoles spécialisées doivent nécessairement recevoir des formations additionnelles pouvant leur permettre d’enseigner aux enfants aux besoins spéciaux », renforce Pascal Nery Jean-Charles, co-directeur de La Petite Chenille. Cette école dédiée aux «enfants, adolescents et adultes ayant une condition neuro-développementale» assure également un cycle de formation continue pour ses différents enseignants.

Une enseignante s’occupe d’élèves à © La Petite Chenille.

Le secteur manque de ressources humaines. Une enquête menée en 1998 par la Commission d’Adaptation scolaire et d’Appui social (CASAS) avait démontré que le nombre d’enseignants ayant reçu une formation en éducation spéciale est de 298 sur les 46 919 qui évoluaient à l’époque dans les deux premiers cycles du fondamental.

Cette même enquête révélait qu’il n’existe en Haïti que 23 écoles accueillant des enfants handicapés, dont trois publiques (toutes fonctionnant principalement à Port-au-Prince).

« C’est rare de trouver des personnes [déjà] formées pour travailler avec les personnes aux besoins spéciaux en Haïti », fait savoir Dr Maurice Jacques, coordonnateur de l’ESAS et psychothérapeute.

Lire aussi: Autisme: les enfants haïtiens en souffrent aussi

La scolarisation des enfants aux besoins éducatifs particuliers est extrêmement chère, remarque Jean-Charles.

Dans ces écoles, les enseignants travaillent au rythme des élèves. Les écoles régulières sont basées sur des résultats de groupe alors que les écoles spécialisées se concentrent sur les résultats de chaque élève.

Dans les écoles spécialisées, il y a des classes multigrades. Une classe peut regrouper en même temps par exemple des élèves de la 7e année fondamentale, de la 9e année fondamentale et de la Philo.

Pour travailler dans une classe multigrade, chaque professeur a sa méthode, fait savoir Max Gregory Etienne, psychologue et détenteur d’une maîtrise en psychopathologie clinique.

Le psychologue Max Gregory Etienne, intervenant à l’ESAS | © Wilson Saintelus/AyiboPost

«Pour moi par exemple, dit-il, quand je dispense un cours dans une classe multigrade, je découpe mes heures afin de travailler avec tous les élèves. Certains pourraient être en train de rédiger un devoir et d’autres s’occuper à autre chose et comme ça je pourrais me focaliser sur un grade bien déterminé.»

Les épreuves aux examens officiels pour ces écoles sont les mêmes.

Les élèves issus des écoles spécialisées suivent le même programme que les enfants des écoles régulières. Les épreuves aux examens officiels pour ces écoles sont les mêmes. Sauf que, lors du déroulement de ces examens, le ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle met à la disposition des élèves les matériels nécessaires pouvant les aider à subir les épreuves, fait savoir le président de l’AHPSY, Pascal Nery Jean-Charles.

«Toutes les écoles régulières devraient avoir une unité spécialisée capable d’accueillir les enfants aux besoins spéciaux en vue d’une éducation inclusive», exige le spécialiste.

Photo de couverture : Une élève de l’ESAS réalise un dessin. | © Wilson Saintelus/AyiboPost

Fenel Pélissier est avocat au Barreau de Petit-Goâve, professeur de langues vivantes et passionné de littérature.

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