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L’histoire d’un grand chirurgien haïtien emporté par le Coronavirus aux USA

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Dr Ronald Verrier travaillait dans le Bronx, aux États-Unis

En août 2014, un avion en partance des Bahamas rentrait en urgence aux États-Unis. L’aéronef transportait un homme dans la cinquantaine, victime d’un terrible accident de jet ski alors qu’il était en vacances avec sa famille. Après avoir perdu conscience et fait une crise cardiaque, le traumatisé subit une lourde opération chirurgicale. Son état était si grave qu’il nécessitait une trachéotomie pour pouvoir respirer.

Ce jour-là, Dr Ronald Verrier est passé à côté de la mort. Il se remet sur pied rapidement, mais subira deux ans de rééducation afin de reprendre pleine possession de toutes ses facultés. Le médecin formé en Haïti travaillait comme directeur de la section chirurgie et du programme de résidence à l’hôpital Saint Barnabas de New York. L’émouvante histoire de sa guérison fut utilisée dans une exposition organisée par le centre hospitalier qui l’a accueilli à l’époque de l’accident.

Le 8 avril dernier, Ronald Verrier trouve la mort, six ans après l’incident. Il contracta le Coronavirus alors qu’il prenait soin de ses patients, ce qu’il n’a cessé de faire depuis plus de 30 ans. Son nom vient grossir la liste des personnels soignants foudroyés par le Covid-19 aux États-Unis. Le Centre de contrôle des maladies relève plus de 9000 infections dans le secteur, pour une trentaine de morts. Ces professionnels, dont la plupart sont haïtiens, rapportent un manque de matériels dans un système de santé débordé.

Un enterrement sur internet

Dimanche Paques, quatre jours après le décès, toute la famille se réunit pour rendre hommage au défunt. « À cause du Covid-19, on a dû organiser un mémorial par internet », explique Pascale Verrier, une sœur de Ronald Verrier qui vit avec lui aux États-Unis. Plus de 270 personnes du Canada, des États-Unis, d’Haïti et de certains pays d’Afrique ont pris part à l’exercice. « On pense pouvoir réaliser de vraies funérailles après la pandémie », continue l’infirmière.

Ronald Verrier avec sa femme et ses trois enfants

Pour l’instant, les restes du médecin se trouvent à l’hôpital, faute de place dans les maisons funéraires. Dans deux semaines, la famille espère pouvoir récupérer le cadavre pour entamer le processus de sa crémation. À partir de là, les cendres seront conservées, dans l’attente d’une période propice pour l’organisation de l’enterrement avec la réunion de la grande famille éparpillée à travers le monde. « C’est très difficile de faire le deuil dans ces circonstances », déclare Pascale Verrier.

Les Verrier se sont déjà retrouvés dans une situation similaire. « Mon père est mort en marge du tremblement de terre, révèle Pascale Verrier. Il n’a pas non plus eu un enterrement formel. » Willy Verrier a été directeur d’hôpital aux Cayes et ministre de la Santé publique en Haïti sous Duvalier. « Je pense qu’il est mort de chagrin », disait Ronald Verrier lors d’une visite au pays après le séisme. Il en a profité pour offrir un support technique et chirurgical à l’Hôpital général.

Un produit de l’université d’Haïti

C’est d’ailleurs à l’Université d’État d’Haïti que Ronald Verrier a fait ses études en médecine puis une spécialité en chirurgie en 1986. « Il est sorti lauréat de la promotion », se rappelle Fritz Michel un de ses camarades de l’époque. Le chirurgien a lié amitié avec Verrier depuis qu’il a quitté la ville des Cayes pour entrer Port-au-Prince afin de boucler ses études secondaires à l’Institution Saint Louis de Gonzague.

« Il était toujours le premier de sa promotion », rajoute Elsie Pothel, une autre ancienne camarade d’université dévastée par la nouvelle. « [Verrier] est quelqu’un de très aimable, très serviable et qui se perfectionnait constamment », précise le médecin, membre de la Société haïtienne de pédiatrie. « On fait partie de la même promotion que les jumeaux Bitard de l’hôpital Bernard Mevs. C’est comme un mapou qui est tombé. C’est un géant. »

Père de trois enfants, Ronald Verrier quittera Haïti en 1991. Il termine sa résidence au Lincoln Medical Center dans le Bronx, à New York. « On va monter une fondation en son nom pour aider les étudiants noirs non privilégiés à entrer à l’université de médecine », révèle sa sœur Pascale Verrier. « On est encore à la phase de lancement, mais ses nièces et neveux, déjà dans le domaine médical, feront partie du conseil d’administration. »

Un homme au grand cœur

Le décès du chirurgien a choqué la communauté haïtienne à New York et au-delà. Nombreux articles sont venus célébrer sa carrière, et au moins deux chaines de télévision nationales ont rapporté son histoire. Un reportage lui a été consacré au « The Rachel Maddow Show », une des émissions de nouvelles les plus regardées aux États-Unis.

« On a tous connu Dr Verrier, non seulement pour ses compétences extraordinaires en tant que chirurgien, mais aussi comme un être humain exemplaire avec un cœur chaleureux unique, rempli de compassion et d’empathie », déclare dans un communiqué le président du département de la chirurgie à l’hôpital St Barnabas, Dr Ridwan Shabsigh.

« Il n’y aura personne d’autre comme lui », renchérit aux journalistes de CBS This Morning Jose Dias, un de ses collègues. « Il était une figure paternelle pour moi, raconte Dr Gerard Baltazar, un ancien résident de Saint Barnabas. C’était mon premier travail. Il m’a pris sous ses ailes et me donnait des conseils. Il m’a montré comment devenir une meilleure personne et comment soigner des gens même quand ils sont difficiles. »

Sa nièce, Christina Pardo a suivi ses traces. « Il était mon conseiller à chaque pas jusqu’à ce que je devienne médecin », dit-elle. « Je me souviendrai de lui comme mon parrain, mon oncle, un homme de famille, raconte avec émotion son filleul, Robert Lassègue. C’était un professionnel rempli, quelqu’un qui prenait soin de ses patients, de ses étudiants, des êtres humains comme lui. »

Une famille de médecins

Dr Ronald Verrier accompagne une collègue

Quand il a su qu’il avait attrapé le Coronavirus le 28 mars dernier, Ronald Verrier n’a pas cessé de travailler, depuis chez lui, rapporte Pascale Verrier. « Je lui ai demandé de se rendre à l’hôpital, il disait qu’il y a des gens qui ont plus besoin des lits de l’hôpital que lui. » Le chirurgien sera transporté aux urgences le jour de sa mort à 1 h du matin. Il décédera dans l’après-midi.

Aujourd’hui, la famille, bondée de personnels médicaux, renforce les mesures de précautions. « On prie beaucoup parce que plusieurs d’entre eux travaillent encore dans les hôpitaux », explique Marie Laurence Jocelyn Lassègue, cousine germaine du Dr Ronald Verrier.

À cause de son interaction constante avec les malades, ce corps de métier compte le plus haut pourcentage de gens testés positifs au Covid-19 aux États-Unis. « On ne peut pas cesser de travailler, dit l’infirmière Pascale Verrier qui officie à New York. L’on doit être là pour les patients, c’est une responsabilité professionnelle. L’intégrité veut qu’on soit présent et qu’on prenne les précautions nécessaires. »

Widlore Mérancourt

Widlore Mérancourt est éditeur en chef d’AyiboPost et contributeur régulier au Washington Post. Il détient une maîtrise en Management des médias de l’Université de Lille et une licence en sciences juridiques. Il a été Content Manager de LoopHaïti.

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