Le journaliste, Anthony Pascal, figure importante de la presse haïtienne, est mort ce 31 juillet 2020
Konpè Filo (Anthony Pascal) est mort ce vendredi. Le vétéran de la presse haïtienne avait 67 ans. Animateur de Kalfou sur Télé Ginen, il s’est fait connaitre à Radio Haïti Inter, aux côtés de Jean Dominique, assassiné le 3 avril 2000.
La réalisatrice Gessica Généus réagit à son décès quelques heures après l’annonce de la nouvelle. Elle a sorti un documentaire sur sa vie en 2014.
Konpè Filo n’est plus. Il s’agit d’une perte immense. Comment réagit-on à pareille nouvelle ?
En ce moment, je pense surtout à ma mère. C’est à travers elle que j’ai compris la valeur de cet homme. Quand j’ai commencé la série de portrait Vizaj Nou, c’est ma mère qui m’a demandé d’inclure Konpè Filo dans la série. Je savais qu’il était animateur de radio, je savais qu’il faisait l’émission Kalfou mais l’ampleur de sa personnalité va au-delà de ce qu’il a accompli au cours de ces dernières années.
Ceux qui le connaissent et ceux qui se sont attachés à lui l’ont fait principalement durant sa lutte contre la dictature.
Donc, je pense à ma mère. Je pense à tous ceux qui, j’ai l’impression, vont peut-être nous laisser physiquement sans voir ce rêve pour lequel ils se sont battus.
Que perd Haïti avec la mort de Konpè Filo ?
Si Haïti arrive à s’en rendre compte, Haïti perd un homme intègre, d’une humilité sans borne. Ce film est peut-être le seul portrait de Konpè Filo qui existe.
Il y a énormément de gens intègres dans ce pays. Le problème, c’est qu’on n’a pas accès à ces gens-là. Ne pas interagir avec ces personnalités nous donne parfois la sensation que le pays est peuplé de « malandren », ça peut nous donner l’envie d’abandonner. J’espère qu’Haïti apprendra à observer et comprendra qu’on n’est simplement pas exposés aux gens qu’il faut pour nous donner la force qu’il faut dans ce pays. Ce sont ces voix qui vont nous permettre de tenir.
« Certaines réflexions les plus logiques viennent de celui de qui on les attends le moins », a dit Konpè Filo. Comment doit-on interpréter ces mots aujourd’hui ?
Si je peux me permettre d’interpréter une phrase de Konpe Filo… il est toujours dans cette idée d’être ouvert et à l’écoute. C’est quelqu’un qui aimait énormément écouter. Il a fait Kalfou parce qu’il voulait donner place aux autres, une place à ceux qui devaient être entendus et vus par la population haïtienne. Il a toujours été dans la démarche de donner la voix, de permettre à ce que le plus de monde soit exposé à plus d’informations que possible au sujet d’Haïti, à propos de l’histoire de ce pays, de l’histoire contemporaine…
Sa k te pi difisil pou mwen an se reyalize menm li menm li pa t estime li te merite pou yo te fè pòtrè li. Li te santi li pa fè ase, li pa di ase. Li te santi gen lòt moun ki te plis merite sa ke li. Plis l ap di sa, se plis mwen te an admirasyon fas a moun li ye a. Soti nan yon fanmi onz timoun nan yon peyi yo apovri tankou Ayiti, rive fè chemenw pandan w ap kenbe entegrite w, pou w pati an egzil epi w tounen paske w kwè peyi sa a merite enèjiw jan l di l nan fim lan, se yon gwo bagay.
Konpè Filo, c’est aussi un combat pour les droits humains, contre les injustices et l’impunité. Il est mort à une époque où des gangs et le pouvoir établi partagent les mêmes objectifs selon des organisations de la société civile. L’on ne connait toujours pas la vérité sur la mort de Jean Dominique…
En faisant le portrait, j’ai cru à plusieurs moments qu’il allait me dire qu’il perd tout espoir parce que le pays est aussi chaotique qu’avant. Il n’a jamais été dans cet état. Pour lui, la lutte devait tout simplement continuer. Il fallait constamment être vigilant.
Si l’on veut honorer sa mémoire, l’on doit être dans la vigilance constante, ne jamais lâcher prise parce que rien n’est acquis en démocratie ou dans quel que soit la lutte qu’on mène.
Pour honorer sa mémoire, l’on doit continuer la lutte comme tous ceux qui ont mis la main à la patte et qui se sont battus pour ce pays. Il faut continuer avec la même intégrité qu’ils ont affiché. Il faut rester droit dans nos choix et nos valeurs, et ne pas fléchir.
Widlore Mérancourt
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