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États Généraux Sectoriels de la Nation : où sont passés les travaux du comité ?

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 Depuis bientôt cinq mois, le président de la République devait recevoir les réflexions issues des États généraux sectoriels. Pourtant, au moment de la rédaction de cet article, nous sommes loin de la publication du « Pacte pour la stabilité et le progrès économique et social », principale tâche des mandataires. Le secrétaire exécutif, Dr Louis Naud Pierre, dit ne plus croire en de meilleurs résultats.

Le 28 mars 2018, le président de la République, Jovenel Moïse a installé les membres du comité de pilotage et d’organisation des États généraux sectoriels assistés d’un secrétariat technique. Ils étaient chargés de rédiger – dans un délai de six mois – un « Pacte pour la stabilité et le progrès économique et social ». Au 28 janvier 2018, quatre mois après l’échéance – le document n’était ni rédigé ni soumis à Jovenel Moïse. Si quelques membres étaient vers cette date à Paris dans le cadre d’un forum de la diaspora haïtienne d’Europe et d’Afrique, au siège du comité, à Juvénat, les activités sont au point mort.

Plusieurs raisons liées à la structure du comité expliquent l’échec du travail que devraient accomplir les différents membres. Même si le bilan de mi-parcours a été établi, au regard de l’état actuel des choses, il ne faudrait pas s’attendre à davantage de résultats. À moins que le président ne décide de renouveler officiellement le mandat du comité de pilotage et du secrétariat technique.

Quel bilan?

 Au siège du comité à Juvénat,le secrétaire exécutif, docteur Louis Naud Pierre dispose d’un document relevant les réalisations des membres et le travail manquant. Le Secrétariat technique a œuvré conjointement avec le Comité de Pilotage pour finaliser les orientations méthodologiques et le Plan d’opération. Ce cadre de travail a permis de réaliser :

  • plus d’une trentaine de rencontres avec les secteurs et groupes organisés à Port-au-Prince,
  • un forum national préparatoire à l’Arcahaie,
  • cinq forums départementaux (Nord-Ouest, Nord-Est, Nord, Sud-Est, Nippes)
  • et un forum de la diaspora haïtienne d’Europe et d’Afrique tenu à Paris le 8 décembre 2018.

Dans le cadre de ces travaux, mentionne le document, « plus de 600 organisations et une quarantaine de partis et regroupements politiques ont été consultés. Aussi, on note la participation de plus de deux mille personnes issues des secteurs représentatifs de la société». L’objectif était de déterminer les raisons du malaise ressenti à tous les niveaux de la société.

 

Résultats

Deux éléments caractéristiques de ce malaise ont été identifiés. D’un côté, il y a le mépris des acteurs politiques d’utiliser les moyens institutionnels pour accéder et se maintenir au pouvoir. Et de l’autre, il y a la politisation du processus de recrutement à tous les niveaux pour l’obtention d’un poste au sein de l’administration publique.

Aujourd’hui, explique le secrétaire exécutif, la situation est la suivante : « nous avons en place un système dominé par des monopoles avec des passe-droits, des privilèges au profit d’un petit groupe, mais garanti par l’État. Il en résulte qu’au sommet de notre système économique ce sont les plus habiles et opportunistes qui parviennent à leurs fins au détriment des efforts des plus talentueux qui n’ont d’autres choix que de rester dans l’anonymat ou la marginalité et, au mieux, de s’expatrier ». C’est la base de l’instabilité qui sévit dans le pays. « Ce petit groupe qui occupe la sphère importante de l’économie se voue à différents stratagèmes. Cela va de la capture des secteurs publics, en passant par le trafic illicite, la contrebande, l’évasion fiscale afin de se maintenir en vie» affirme Louis Naud Pierre.

Cependant, les membres ont mis de côté les secteurs de croissance clé. « Ce travail a déjà été fait, on n’a pas voulu intervenir sur des points pour lesquels des travaux ont déjà été réalisés et des solutions proposées » justifie Louis Naud Pierre.

Les contraintes

Si les problèmes ont été identifiés par le comité, les solutions qui devraient accoucher le pacte ne sont pas prêtes à faire surface. Les travaux exécutés à moitié ne le permettent pas. Le Secrétariat technique a dû revoir son plan opérationnel à cause de certaines contraintes.  Le secrétaire exécutif évoque « l’instabilité politique du pays (notamment les événements des 6, 7 et 8 juillet),  la structure interne du comité, l’absence évidente de motivation et d’engagement des membres ».

Pour mieux expliquer l’échec du comité, Dr Louis Naud Pierre pense qu’un blocage a été œuvré par une contrainte externe imposée par une tierce. « Cela prend des formes invisibles. Quand les membres viennent, ils réfléchissent sur leurs propres situations et font état de leurs propres problèmes. Certains multiplient les incidents pour nous empêcher d’aller de l’avant. » Cela explique que le principal blocage de l’aboutissement vient des acteurs représentatifs du système, membres du comité, qui n’y sont en réalité que pour défendre leurs propres intérêts.

Côté budget, les membres se sont mis d’accord pour ne pas inclure la gestion des fonds dans leurs tâches. La première conséquence a été des retards récurrents dans les décaissements pour l’exécution de certains projets. Cela a également engendré d’autres problèmes majeurs. Par exemple, à ce jour, certains employés de commissions spécifiques n’ont pas reçu leurs chèques pour le travail accompli.

Que peut-on espérer?

Si c’est dans le pacte que les solutions devraient être véritablement consignées, docteur Louis Naud Pierre pense « qu’il faudrait moins d’obstacles ». En outre, « il y a un ensemble d’engagements que les partis politiques, les groupes d’intérêts, les entrepreneurs, les travailleurs, les organisations syndicales et les citoyens devraient prendre », croit-il.

Si la vision et l’initiative restent nobles, les intérêts des groupes dominants et les blocages qu’ils entretiennent mettent le pays dans une impasse où la solution au malaise observé dépasse les États généraux. Le secrétaire exécutif estime : « que le pacte soit écrit ou non, il en faudra toujours plus. Personnellement, je crois qu’il faut tout un mouvement social qui soit capable d’inverser le système où la loi du plus fort est établie et que les gens de bonne foi deviennent majoritaires. Car, dans la société nous ne sommes pas tous des animaux ».

Filisner Dieujuste

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