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Droit et la sécurité alimentaire en Haïti

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Récemment, les juristes ont commencé à prononcer le mot du droit sur les questions agroalimentaires. De façon modeste, des professionnels du droit et chercheurs ont contribué au développement d’opinions nouvelles sur la sécurité alimentaire.

Les juristes se sont évertués  à mettre le droit au service de la sécurité alimentaire. Et le droit comme grammaire des liens sociaux ayant une large légitimité est devenu un outil de diagnostic pour l’alimentation, la nutrition et l’agriculture.

Toute une littérature juridique a été développée sur la sécurité alimentaire par des chercheurs comme Geneviève Parent, François Collart Dutilleul, Olivier de Schutter, Christophe Golay pour ne citer que ceux-là.

Ce nouveau paradigme axé sur le droit pour analyser la question agroalimentaire trouve tout son sens dans une approche humaniste fondée sur les droits fondamentaux.

Les différents aspects de la sécurité alimentaire

Pour les techniciens et professionnels agronomiques, la sécurité alimentaire a comme piliers : la disponibilité, l’accessibilité, la stabilité de l’accès à la nourriture, la qualité et la quantité de la nourriture. Cependant, les juristes vont à la base de la question. Pour eux, la production agroalimentaire provient de deux grandes origines : animale et végétale. Cette dernière est importante. Car, pour produire des denrées agricoles, il est nécessaire d’avoir des éléments de base : la terre, l’eau et les ressources naturelles.

Pour les juristes, la sécurité alimentaire est caractérisée par :

  • L’accès à la terre pour les paysans

Les paysans et cultivateurs, dont la fonction première est de cultiver la terre, doivent obligatoirement avoir des terres agricoles à cet effet. Ainsi, la terre devient un élément de base pour assurer la sécurité alimentaire, développer l’agriculture et améliorer les conditions d’existence des personnes.

  • L’accès à l’eau

Les paysans doivent trouver de l’eau pour satisfaire un double besoin : des besoins nutritionnels (pour boire) et des besoins agricoles (pour irriguer les sols cultivables).

  • L’accès aux ressources naturelles (intrants)

Sans intrants (engrais), les cultivateurs seront impuissants et inefficaces dans la production des denrées agricoles. Après la terre et l’eau, les intrants sont indispensables pour la culture agricole. Toutefois, il est à noter que l’utilisation des OGM est très répandue dans le monde.

  • L’accès au marché

Une fois produit, l’aliment doit accéder au marché (local, national, régional ou international). Ce dernier devient un lieu de vente des denrées alimentaires. Toutefois, il faut signaler que les paysans ont souvent de grandes difficultés pour accéder au marché à cause de leur faible revenu et/ou du manque d’infrastructures ou de moyens de déplacement.

  • La disponibilité alimentaire

La disponibilité alimentaire renvoie à l’idée que la nourriture existe matériellement. Elle a trois sources fondamentales : la production nationale, l’importation et l’aide alimentaire.

  • L’accessibilité alimentaire

Elle fait référence au pouvoir d’achat des ménages. Pour assurer la sécurité alimentaire, les ménages ont besoin d’argent pour acheter de la nourriture sauf dans un système d’échanges ou de don alimentaire.

  • La stabilité de l’accès à la nourriture

C’est le fait que la population a un accès durable à la nourriture. En ce sens, il est intolérable que la population soit dépourvue de la nourriture à cause d’un choc économique ou naturel.

  • La qualité et la quantité de la nourriture

La qualité de la nourriture est un élément clé de la sécurité alimentaire. Manger en quantité ne suffit pas. Mais, il faut que la nourriture soit saine et nutritive en vue d’apporter les éléments nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme.

En brèves hachures d’idées, les caractéristiques de la sécurité alimentaire vont plus loin que celles proposées par l’agronomie. Car, les juristes prennent en compte les éléments de base de la sécurité alimentaire, à savoir la terre, l’eau et les intrants. En ce sens, le droit est présent de la fourche à la fourchette, donc dans tout le processus agroalimentaire.

Rapports entre le droit et les caractéristiques de la sécurité alimentaire

Toutes les caractéristiques de la sécurité alimentaire puisent leur existence dans le droit. Certaines prennent naissance dans la branche du droit privé et d’autres dans le droit public.

  • Le droit et la terre

 En droit, quand on parle de la terre, les juristes font référence à plusieurs sous-ensembles juridiques. Dans la majorité des cas, les terres agricoles se trouvent dans le monde rural. Et ce dernier est organisé par le code rural. Le code rural a des liens avec le droit des biens, le droit foncier. Tous deux relèvent du droit civil. Et le droit civil est le socle du droit privé.

  • Le droit et l’eau

 En langage juridique, l’accès à l’eau se traduit par le droit fondamental à l’eau qui est un droit de l’Homme. Ce droit doit être garanti dans le sens que les États sont invités à tout mettre en œuvre pour faciliter les individus à avoir accès à l’eau potable en vue de satisfaire leurs besoins nutritionnels et aussi de l’eau pour irriguer leur terre.

  • Le droit et le marché

 Dans la plupart des cas, le paysan est obligé de faire un contrat avec un grand négociant pour lui permettre d’accéder au marché et vendre ses produits agricoles. Cette caractéristique englobe le droit des affaires, le droit international du commerce, le droit international public, le droit des contrats, le droit des transports, le droit administratif, etc.

  • Le droit et la disponibilité des aliments 

La disponibilité alimentaire se réfère au droit de l’alimentation, droit de la consommation. Ces sous-ensembles juridiques tirent leur validité dans l’existence matérielle ou physique de la nourriture.

  • Le droit et l’accessibilité alimentaire

L’accessibilité s’explique par le pouvoir d’achat des individus. Cette caractéristique est liée au droit économique, droit bancaire, etc.

  • La qualité et la quantité de la nourriture

La qualité des aliments est liée au droit sanitaire et la quantité au droit à l’alimentation. Il est donc recommandé à tous les citoyens de manger sainement et en toute salubrité. Ensuite, toute personne doit satisfaire de façon quantitative ses besoins nutritionnels. Pour ce faire, les citoyens doivent inciter l’État à répondre à toutes ses exigences.

En conclusion, du droit public au droit privé, du droit international au droit national, de la fourche à la fourchette, le droit saisit la sécurité alimentaire. Il est un outil de diagnostic pour comprendre et analyser les difficultés alimentaires et proposer des pistes de solutions juridiques.

Le droit le plus important pour assurer la sécurité alimentaire est le droit foncier découlant du droit rural qui est une composante du droit civil, ce dernier est le socle du droit privé.

Me Uel Davidson OLIVIER,

Coordonnateur général de la SOHASAN

Image: Sallyrango

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