SOCIÉTÉ

Des pédophiles infectent des enfants au VIH dans les camps à P-au-P

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Les cas de violences sexuelles se multiplient dans les camps de la région métropolitaine de Port-au-Prince. Les enfants sont de plus en plus visés

La marchande était au marché quand sa fillette, âgée d’à peine 11 ans, a été violée au camp de fortune « Kid » à Bourdon au mois d’aout dernier.

L’enfant l’informe des faits trois jours plus tard : elle saignait, brûlait de fièvre et souffrait de maux de tête ainsi que de douleurs au bas-ventre.

« J’ai été vraiment bouleversée », poursuit la quadragénaire, réfugiée dans le camp depuis février 2025, à la suite de l’offensive des gangs au Fort National.

Son choc ne fait que commencer, car les suivis médicaux révèlent que l’enfant a aussi été infectée par le VIH, des suites de son agression sexuelle.

Selon une dizaine de témoignages de parents, de victimes et d’organisations recueillis par AyiboPost, le cas précédent n’est pas isolé.

Les enfants représentent les cibles privilégiées des agresseurs dans plus d’une cinquantaine de camps de déplacés que compte Port-au-Prince, où les habitants vivent dans des conditions précaires et dans la promiscuité.

L’organisme humanitaire local, Comité central couloir humanitaire de Solino, travaillant de concert avec les comités des camps, a commencé à recevoir des signalements de cas de viols sur mineurs à partir du mois de mai 2025, selon son coordinateur, Genson Jean-Baptiste.

Lire plus : Les cas de viols se multiplient à un rythme inquiétant à Port-au-Prince

« Nous avons reçu une dizaine de dénonciations de viols dans quatre camps distincts : l’ancien local du ministère de la Communication à Bois-Verna, à l’Office de protection du citoyen (OPC), au Kid, et dans les locaux de Fusion à Bourdon », précise Jean-Baptiste, évoquant la présence possible d’un réseau de pédophiles dans ces sites.

Pour le premier semestre de cette année, l’organisation Solidarité Fanm Ayisyèn (SOFA) dresse un tableau inquiétant des violences faites aux femmes à travers le pays, avec Port-au-Prince en tête, où se concentre principalement le phénomène des déplacées.

De janvier à juin 2025, la structure a déjà enregistré 503 cas de violences, dont 287 à Port-au-Prince, 40 à Jérémie, 39 aux Abricots et 31 à Beaumont.

Une hausse de plus de 83 % par rapport à la même période de l’an dernier témoignant de « l’aggravation rapide de la situation », précise le rapport.

Le document souligne également les difficultés d’accès à la justice pour les survivantes des violences sexuelles, ainsi que les lenteurs procédurales.

L’organisation féministe Marijàn, qui sensibilise et assiste dans 75 % des camps de déplacés du département de l’Ouest, fait état d’une situation catastrophique pour les femmes et les filles.

« Nous avons reçu plusieurs plaintes de harcèlement sexuel de la part de jeunes filles, ainsi que des cas de violences conjugales. Les femmes n’ont pas accès à l’eau ni aux produits d’hygiène », informe Nathalie Vilgrain, coordinatrice de Marijàn, à AyiboPost.

« Nous avons reçu une dizaine de dénonciations de viols dans quatre camps distincts : l’ancien local du ministère de la Communication à Bois-Verna, à l’Office de protection du citoyen (OPC), au Kid, et dans les locaux de Fusion à Bourdon », précise Jean-Baptiste, évoquant la présence possible d’un réseau de pédophiles dans ces sites.

La responsable explique que l’organisation fait de son mieux pour faciliter l’accès aux ressources nécessaires, notamment pour le suivi des plaintes, le référencement des cas de viols et la sensibilisation des responsables de camps.

L’agresseur de l’enfant citée plus haut est en prison. Mais un constat demeure récurrent : « la majorité des femmes qui viennent chercher des services, en dépit du fait qu’elles connaissent leurs agresseurs, refusent de porter plainte, par crainte de représailles », précise Nathalie Vilgrain.

La plupart des victimes sont infectées par le VIH/sida des suites des viols.

En 2024, une enquête d’AyiboPost avait déjà alerté sur la recrudescence des cas de VIH/SIDA, liée à la multiplication des cas de viols, selon plusieurs organisations venant en aide aux personnes séropositives en Haïti.

La fermeture de plusieurs centres de dépistage dans la région métropolitaine empêche de fournir des chiffres exhaustifs sur l’ampleur de l’infection des jeunes au VIH/SIDA.

Lors d’une séance d’accompagnement en groupe en août avec les femmes du camp de l’OPC, une autre fillette de onze ans a décidé de dénoncer son agresseur au camp de l’École nationale de la République de Colombie, à Bourdon.

Elle déclare avoir été violée vers 21 heures le 15 avril 2025, alors qu’elle était partie chercher de l’eau potable.

Des hommes du camp menaçaient constamment la fillette de viol, selon sa mère qui confie se sentir mal à l’aise, mais explique ne pas pouvoir quitter l’espace faute de moyens.

Hénose Thurin, président du comité de gestion du camp installé dans l’ancien local du ministère de la Communication à Bois-Verna, affirme avoir fait un constat effrayant en novembre 2024.

« Une personne utilisait sa chambre pour permettre à des enfants de dix à quatorze ans d’avoir des relations sexuelles entre eux », raconte-t-il.

Le responsable précise avoir dénoncé cette pratique, qui aurait cessé depuis.

Cependant, il fait état de violences conjugales perpétrées par des hommes, ainsi que de situations où certaines personnes liées à des organisations proposent leur assistance en échange de faveurs sexuelles.

Le nouveau Code pénal haïtien, dans son article 298, punit le viol sur une personne mineure de 15 à 20 ans d’emprisonnement.

Les auteurs d’agressions sexuelles encourent une peine de prison pouvant aller jusqu’à sept ans, suivie d’une amende pouvant atteindre 100 000 gourdes, selon l’article 306.

Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) a alerté en février 2025 sur une hausse de 1 000 % des cas de violences sexuelles contre des enfants en Haïti. Une augmentation survenue dans un contexte de violences extrêmes perpétrées par les gangs, précise l’agence onusienne.

Dans le camp du ministère de la Communication, une adolescente de 17 ans berçait déjà un bébé.

Elle et sa famille ont fui la rue Joseph Janvier lors de l’assaut de la coalition de gangs Viv Ansanm en 2023 pour se réfugier dans les locaux de l’établissement Fritz Pierre-Louis.

Alors qu’elle tentait de s’échapper pour rejoindre le camp, elle s’est retrouvée face à un groupe d’hommes encagoulés, armés de machettes et de fusils, qui l’ont blessée et battue à la tête. Trois d’entre eux l’ont ensuite violée, selon ses déclarations.

Faute de suivis médico-légaux adéquats, elle porte toujours les séquelles de ce viol collectif.

« Je ressens constamment de la douleur. Je ne me sens plus comme avant, je ne suis pas à l’aise », confie-t-elle, en sanglots.

Les survivantes hésitent à porter plainte.

Un deuxième responsable du Comité central couloir humanitaire de Solino suggère que le faible nombre de viols recensés est lié au fait que « les parents ont peur de parler et empêchent les enfants de dénoncer eux aussi. »

Au camp du ministère de la Communication, les responsables ont instauré une boîte à suggestions encourageant les survivantes de violences sexuelles à dénoncer ou à s’adresser à une personne ressource sur le site.

Les survivantes font aussi face au risque de violences lorsqu’elles pointent du doigt leurs agresseurs.

C’est pour cette raison que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déplacé la dame dont la fillette avait été infectée au VIH vers un lieu sûr pour quelques mois.

Toutefois, elle déclare craindre pour sa cousine restée dans le camp, qui « fait l’objet de menaces. »

* Les organisations suivantes fournissent des informations et un soutien aux personnes survivantes de viol ou d’abus sexuel :

À Port-au-Prince, l’organisation féministe Marijàn offre un accompagnement au numéro (+509) 4716-4984 ou à l’adresse : 32, Rue Rivière, Port-au-Prince, HT6110.

Courriel : contact@marijanayiti.org

L’organisation Solidarité Fanm Ayisyèn (SOFA) fournit aussi une assistance aux numéros (+509) 48 77 95 76 / 43 84 80 35 ou à l’adresse : 9, Rue Villemenay, Bois-Verna.

Courriel : secr2sofa@yahoo.fr

Par : Jérôme Wendy Norestyl

Couverture :  Une femme assise de dos. Photo: PAHO/WHO – David Lorens Mentor

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Éditeur à AyiboPost, Jérôme Wendy Norestyl fait des études en linguistique. Il est fasciné par l’univers multimédia, la photographie et le journalisme.

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