Face à la bidonvilisation effrénée et à l’insalubrité qui s’en suit à Port-au-Prince et dans plusieurs villes de province, des étudiants finissants à l’Université Quisqueya proposent un modèle de quartier écologique qui pourrait donner le ton en matière d’aménagement du territoire et de comportement à adopter face à l’environnement. Concept qui se propose d’être un plaidoyer pour un environnement plus vivable.
L’environnement en Haïti est un sujet qui inquiète et qui fait débat. Le constat est indéniable, le pays est fragile. Exposons un peu les faits. Logé dans l’espace caraïbe, Haïti est exposé à une saison cyclonique annuelle. La cartographie de nouvelles failles et les activités sismiques montrent l’imminence d’un séisme majeur à n’importe quel moment. À chaque goutte de pluie, Port-au-Prince et ses environs sont inondés et le nombre de victimes ne cessent d’augmenter à chaque fois.
La bidonvilisation gagne du terrain, les quartiers tels que Jalouzi et Carrefour-Feuille qui s’étale sur le Morne Hôpital sont des exemples concrets de l’exode rural. « Les constructions se font de manière spontanée, il n’y a pas d’interdictions, pas de permis de construire, pas de zonage. L’aménagement du territoire est inexistant et c’est un problème sérieux », précise l’architecte Daniel Élie. Port-au-Prince subit cet excès d’urbanisation sans pouvoir le contrôler. Le besoin de logement décent construit dans les normes s’est fait sentir vivement au lendemain du 12 janvier. L’absence de projet d’aménagement du territoire pendant les décennies qui ont précédé le séisme avait clairement aggravé la situation.
Le séisme du 12 janvier 2010 a mis à nu notre vulnérabilité et notre incapacité à faire face aux catastrophes. Aux environs de 300 000 victimes, mais de cet évènement malheureux nous n’avons tiré aucune leçon, car jusqu’à présent, les comportements de la population en matière de construction n’ont pas changé. Les décideurs de l’État, quant aux décisions à prendre, n’ont pas fait grand-chose non plus. Aujourd’hui, Port-au-Prince est une décharge publique avec 5 millions de tonnes métriques d’ordures produites annuellement, selon les chiffres avancés par le Service Métropolitain de Collecte de Résidus Solide (SMCRS). L’assainissement ne semble pas être une préoccupation non plus.
L’écoquartier, repenser le vivre ensemble dans l’intérêt de l’environnement
Un écoquartier se définit comme un quartier écologique. C’est l’aménagement d’un espace habitable qui prend en compte tous les besoins du citoyen sans affecter l’environnement. Dans un écoquartier sont pris en compte trois aspects importants : L’aspect économique, le respect de l’environnement et la mixité sociale. L’écoquartier, ou quartier écologique, est un système qui met l’accent sur les énergies renouvelables. Un zonage rigoureux est exécuté pour éviter le gaspillage de l’espace, une gestion effective de l’eau encouragée, l’eau de pluie est recueillie pour être utilisée. L’écoquartier favorise une façon de vivre axée sur le bien-être et le respect de l’environnement. Il favorise aussi l’ « éco comportement », l’habitant de l’écoquartier participe grandement dans la vie du quartier.
Dans le but de combattre la pollution des villes, plusieurs pays se sont tournés vers ce type de quartier ou même des espaces plus grands comme les villes. C’est le cas du projet Masdar City lancé par Abou Dhabi en 2006. Masdar est une ville écologique plantée au beau milieu du désert, conçue en réponse à la dépendance aux importations de gaz et la croissance rapide de demande énergétique des Emirats, lit-on dans le Monde. Une ville sans émission de carbone et avec 100% de recyclage des déchets. Ce projet aussi ambitieux qu’avant-gardiste prendra fin en 2030.
Actuellement, des écoquartiers voient le jour dans des pays comme la France, la Suède, l’Allemagne, la Colombie-Britannique, le Canada, etc.
Dans le contexte haitien
L’écoquartier peut être perçu comme une réponse à de nombreux problèmes environnementaux auxquels le pays est confronté présentement. Ce projet se veut être un plaidoyer, son objectif est de lancer le débat sur l’absence d’une politique d’aménagement du territoire, les défis que représentent la décentralisation et la protection de l’environnement. Intégrer des écoquartiers en Haïti serait le début de la transition vers un style de vie qui se voudrait respectueux de l’environnement. Ce concept permettrait à la population de prendre conscience des comportements à adopter face au milieu ambiant.
Gagnant de la première édition du concours FinTech, organisé cette année par le Groupe Croissance en collaboration avec le PNUD. Jean Sébastien Jasmin, Taicha Widchy Seide Davius, May Isabel Jeannot et Marckenson Jean Louis, étudiants finissants en architecture et en Génie Civil à l’université Quisqueya ont remporté haut les mains cette première édition. Le modèle d’écoquartier présenté a été conçu sur l’exemple d’une localité dénommée Ça-Ira dans la ville de Léogane. L’objectif environnemental du projet serait de ne pas produire de déchets, de promouvoir et d’utiliser les énergies renouvelables, d’utiliser des moyens de transport qui auraient pour but de réduire les émissions de gaz à effet de serre à zéro, donc zéro impact sur l’environnement.
Aujourd’hui, vu la précarité de notre milieu en Haïti et tous les dangers auxquels nous sommes exposés, tout ce qui représente une issue devrait être au cœur des débats. L’écoquartier représente une réponse, c’est un concept à promouvoir et à envisager en Haïti.
Soucaneau Gabriel
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