ART & LITERATURECULTURE

Cinq titres en folie, ce que nos livres disent de nous

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Avec 1828 livres disponibles, Livres en Folie est sans doute le meilleur poste d’observation sur l’édition en Haïti. Ouvrages techniques, mystiques ou érotiques, souvent publiés à compte d’auteur, ils sont le signe le plus flagrant d’une soif d’écrire. Rencontre avec cinq livres et leur auteurs qui étaient en signature dans les Jardins du Mupanah.

 

« Le guide parasismique de la maison individuelle en Haiti »

Pierre Simon Michel-Ange Germain est l’un des directeurs centraux de l’administration des douanes. Cette année, il signe deux ouvrages à Livres en Folie, dont le titre seul est un roman : Le guide parasismique de la maison individuelle en Haïti, publié a compte d’éditeur chez l’Université d’Etat d’Haïti. Et Ma maison parasismique en Haïti, publié en partie à compte d’auteur et éditeur. Ce dernier porte, comme son nom l’indique en partie, sur la conception, la construction et la mise en œuvre de maisons qui puissent résister à un séisme. Germain estime que Livres en folie est une vitrine ideale pour son œuvre. L’auteur a déjà vendu une vingtaine d’ouvrages lors de la première journée de Livres en folie. Au dernier jour de la foire, assis entre deux autres auteurs, il attend patiemment ses lecteurs qui tardent à venir acheter.  « Malheureusement, en dépit de la volonté des gens aux choses de l’esprit, ils n’ont pas le pouvoir d’achat. Cette année, apparemment leurs situations économiques se sont empirées », estime l’auteur. L’écrivain haïtien que Germain préfère est le docteur Rony Gilot qui est également en signature à côté de lui.

« Je suis black mais je baise tes blanches. »

Edgard Gousse est enseignant, romancier et critique littéraire. Tous ses titres paraissaient bizarres. Quand on lui en fait la remarque, il répond avec emportement : « On est des mortels on doit sortir du commun des mortels. » L’un de ses derniers livres portait cette recommandation en guise de titre: « Ne dites pas à ma mère que je suis une salope. »

Dans son roman « Je suis black mais je baise tes blanches », Il s’agit d’un jeune Noir qui vit au Québec. Il est issu d’une famille aisée, fréquente de grandes écoles. Cependant, il n’arrive pas à intégrer la société québécoise à cause de sa couleur de peau. Il finit par trouver une recette à son intégration. Au moment où le professeur s’apprête à nous l’expliquer, dans l’étuve de cet après-midi sans fin, il est interrompu par une jeune fille qui semble se languir, au début de la vingtaine. Elle veut acheter tous les livres de Monsieur et souhaite des autographes griffonés sur chacun d’eux. Après le cérémonial, Gousse lui renvoie à une dame qui facture les ouvrages. Sitôt Gousse revenu à notre question, à peine essaie-t-il d’ouvrir la bouche, qu’un monsieur de haute taille dans un pantalon noir et une chemise bleu lui demande son adresse mail. L’auteur s’exécute avec la truculence généreuse qui le caractérise. Finalement, parmi la file de ses admirateurs, il faudra imaginer soi-même la stratégie entriste du migrant héroïque bien que méprisé. Quoique le titre, dans son clin d’œil à Dany Laferrière, en dise déjà pratiquement tout. Il est black, ils baise des blanches, c’est sa vengeance.

« Mes secrets pour une vie riche et épanouie »

Pour devenir de vrais acteurs et mettre en exergue ses talents, il faudrait sûrement consulter le dernier ouvrage de Sony Lamarre Joseph. Sony est communicologue, séminariste, maître de cérémonie, professeur d’université, journaliste, motivateur personnel, etc. Donc, assez de métier pour écrire de bons ouvrages. Mais avant tout il est écrivain. Cette année, il s’agit de sa huitième participation à Livres en folie. Il signe « Mes secrets pour une vie riche et épanouie ». Il s’agit d’un ouvrage où la motivation personnelle se joint à l’autobiographie et à l’expérience de l’auteur. Le « connais-toi toi-même » de Socrate est l’un des secrets de Sony, pour avoir une vie riche et épanouie. Pour l’auteur, Livres en folie est un prétexte. Un prétexte pour rencontrer les gens, « surtout ceux que j’ai l’habitude d’influencer à la radio », explique-t-il. De sucroit, Livres en folie est un stimulus pour Sony, dans la mesure où la foire l’incite à écrire. Pour ne pas faire de jaloux, l’auteur affirme qu’il a plusieurs auteurs haïtiens préférés. Il ne souhaite pas se compromettre avec des noms, mais il avoue son admiration pour Gary Victor, Emelie Prophète et Rony Gilot. Ne pas trop s’engager, peut-être est-ce là le secret d’une vie épanouie.

« Mieux comprendre et vaincre les esprits impurs »

« Frankétienne est mon auteur préféré, bien que je sois chrétien », explique Luxonne Fils-Aimé qui estime que Livres en folie est un espace pour rencontrer les lecteurs. Imprimé à compte d’auteur, son ouvrage lui a couté entre 250 et 260 mille gourdes et trois mois de rédaction. Cependant, il n’a vendu qu’une vingtaine d’exemplaires. L’auteur y regrette que les chrétiens rejettent systématiquement toutes les fautes sur les mauvais esprits : « Vous ne réussissez pas aux examens d’Etat et vous dites que c’est les diables, vous n’arrivez pas à trouver du travail, encore le diable, tout ce qui vous arrive de mal de la vie vous en jetez la responsabilité sur les esprits impurs. » L’auteur soupire douloureusement. Toutefois, il estime que les esprits maléfiques existent réellement, mais qu’on en a général une mauvaise compréhension. « Il existe en Haïti tout un réseau composé de prêtres, de pasteurs, de hougans qui prescrivent des remèdes à tous les problèmes, et pour cela il faut payer. » C’est contre cette armée des ombres, ces âmes qui vivent du malheur, que l’auteur (un fervent chrétien lui-même) veut combattre avec sa plume.

« Traffic de drogue et son impact sur les institutions en Haïti »

Saviez-vous que la drogue est essentielle à la vie de l’individu ? Eh bien oui. C’est ce que nous apprend Jean Bruce Myrtil. Il n’est pas seulement commissaire de police à Delmas. Il est aussi écrivain. D’ailleurs il signe cette année « Traffic de drogue et son impact sur les institutions en Haïti. Il affirme avoir suivi des cours en Jamaïque, à la Barbade et aux États-Unis. La faiblesse de la production agricole en Haiti a favorisé l’émergence de la culture de la marijuana en certains endroits de la République », expique Myrtil. C’est de là que lui est venue l’idée de rédiger un ouvrage sur la drogue.. « La drogue est un très bon produit », affirme le Commissaire. Toutefois, il souligne que sa consommation non-contrôlée peut « déranger ». Jean Bruce Myrtil distingue dans son ouvrage, la drogue licite de la drogue illicite.

Il présente également une cartographie de la production de la drogue en Haïti. Il démontre aussi que la plupart des conflits en Haïti ont la drogue pour cause. Enfin, il parle des effets néfastes de la consommation débridée de la drogue. « Voilà de bonnes raisons pour acheter mon livre », précise l’auteur. Son ouvrage est publié à compte d’auteur, « vu que la plupart des maisons d’édition avaient peur du thème de la corruption ». Ayant déjà vendu plus de 700 livres, l’auteur pense que Livres en folie est un podium facilitant l’accès à des ouvrages très instructifs.

Reportage par Laura Louis et Patrick Michel

La rédaction de Ayibopost

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