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[J]e me rappelle qu’en grandissant, on me relatait souvent que certains de nos aïeux avaient dû laisser le pays sous les divers régimes politiques que nous avons connus, les plus célèbres vagues d’émigration ayant été observées respectivement sous ceux des Duvalier et ceux « des » Aristide.
Ces voyages salvateurs pour certains, et controversés pour d’autres, ont influencé de manière significative la société haïtienne, et la réalité des gens vivant au pays… la mienne, du moins. En effet, une grande majorité de ma famille, tantes, frères, sœurs, cousins, vit aujourd’hui en terre cubaine, américaine ou européenne.
De nos jours, les familles se donnent rendez-vous autour des fêtes de fin d’année, de Pâques et des périodes carnavalesques. Les vacances d’été en terre étrangère sont devenues un passage obligé, par souci des qu’en dira-t-on à la rentrée scolaire mais surtout par égard pour cette famille proche mais éloignée, qui veut vous connaitre et vous voir grandir.
Aujourd’hui, avec les facilités de communication offertes par le biais des nouveaux modules informatiques et les réseaux sociaux, cette distance nous donne l’impression d’être réduite… En effet, on assiste à la fête d’anniversaire par le biais de Facetime, on reçoit une photo des diplômes et certificats obtenus par courrier électronique, on partage la photo du nouveau-né par Whatsapp, sans oublier Facebook qui, comme un journal que l’on lit religieusement avec son café, nous raconte le quotidien de ces proches qui nous tiennent à cœur.
Vous serez tentés de croire à ce discours que les liens s’affaiblissent et que nous adoptons en fait la politique de l’autruche… que nous nous voilons la face quant à la réalité de la séparation… que nous nous efforçons de continuer la route faisant abstraction du fait qu’à un carrefour les autres ont bifurqué….? Vous avez peut être raison… De toutes façons, vous conviendrez avec moi qu’il est impossible de remonter le chemin menant à ce carrefour. Donc, ne nous faut-il pas des ponts aujourd’hui? Je vous laisse réfléchir à la question un instant.
Entre temps… Si avant on se rendait en terre étrangère pour connaitre, revoir, raffermir les liens avec cette famille disparue du terroir, aujourd’hui, il est obligatoire d’ajouter à cette liste le nouveau dada des jeunes couples haïtiens: « Je vais accoucher là bas! »
Eh oui! Au lieu de partir s’établir ailleurs comme l’ont fait nos aïeux, les prochaines générations de “l’élite haïtienne” ont trouvé mieux, elles sont “faites sur place”! Je me demande d’ailleurs si ce n’est pas le début de la construction du pont dont nous parlions tantôt…
Le temps évolue et nous aussi! Fòk ou bay timoun nan tout chans li! Naître en Haïti n’étant pas une bénédiction depuis bientôt 30 ans! (Vous m’excuserez de ne pouvoir remonter plus loin). Il est important, voir impératif de continuer cette émigration qui a débuté pour d’autres raisons. Car si nos aïeux partaient en terre étrangère par crainte pour leur vie (entre autres, diront certains…) aujourd’hui, ce n’est pas le même souci qui anime mes pairs dans leur décision car ils reviennent au pays avec leur progéniture une fois que le « birth certificate » leur a été délivré.
Nos enfants qui auront accès à une éducation et à une formation de choix dans le pays, et qui auront aussi reçu tout l’encadrement décrié dans les autres couches de la population sont bel et bien des étrangers! Pas à notre culture, pas à notre réalité ni à notre cuisine… Non… Juste “étrangers de naissance.” Canadiens! Américains! Européens! Dominicains!! Au final, tout, sauf Haïtiens!
Est-ce un problème? Je serais hypocrite de répondre à cette question, et vous aussi d’ailleurs… car, dotés des mêmes armes, nous ne chanterons pas tous en cœur le ”mourir est beau”.
Toutefois, si vous voulez discuter des voies de récupération de ces brebis exilées en notre sein, malgré elles, vous êtes les bienvenus, surtout qu’il nous reste du cremas fait maison! En attendant, Noël me ramène certains des miens. J’espère que c’est aussi le cas pour vous!
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Sebastien Volmar
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