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Aux Cayes, la crise de leadership se transforme en crise humanitaire

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Pour comprendre la crise qui sévit aux Cayes, il faut remonter à juin 2018, époque de la démission du maire principal de la ville, Gabriel Fortuné

Le 27 septembre dernier, une onde de violence dirigée par des individus non identifiés et armés a secoué la ville des Cayes. Plusieurs personnes agressées et d’autres rançonnées, des magasins et résidences privées pillés, sont entre autres les dommages causés par ce mouvement.

Les bandits ont investi et mis à sac le sous commissariat des 4 Chemins de la troisième ville du pays. Propriétaire d’un magasin électronique et de fournitures de bureau, Ansel Viau a dû faire appel à d’autres renforts pour éviter la casse.

Le cas des bandits de La Savane

Cette situation à l’issue incertaine dure au moins déjà deux mois, selon les explications de l’entrepreneur. « Depuis la fin du mois d’août, des individus sortent quotidiennement pour terroriser la ville et retenir les habitants en otage. Les écoles n’ont pas eu la possibilité d’ouvrir leurs portes même pendant une journée contrairement à d’autres villes du pays », martèle-t-il.

Ansel Viau pointe un groupe en particulier qui serait à l’origine de ces mouvements de violence. « Comme dans toutes les autres villes, certains membres de l’opposition sortent régulièrement pour manifester selon un planning déterminé. Parallèlement, il existe un groupe d’individus issus de la localité de La Savane qui troublent quotidiennement la population », poursuit-il.

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La Savane, explique M. Viau, se situe à la périphérie de la ville des Cayes. Dès 10 heures du matin, des individus de cette localité, encagoulés et lourdement armés, viennent troubler les activités commerciales, forçant même les banques à verrouiller leurs portes de très tôt.

« Il y a quelques jours, ils sont passés dans toutes les banques de la ville et les administrations publiques pour exiger leur fermeture. Rien ne fonctionne depuis ce jour », affirme-t-il. Questionné sur les origines de cet état de violence, M. Viau évoque l’absence d’autorité à la tête de la mairie des Cayes depuis plus d’un an.

La ville se dirige vers une crise humanitaire selon l’entrepreneur. Les stations à essence sont fermées depuis plusieurs semaines et seuls quelques commerçants du marché informel approvisionnent la ville.

« La route nationale numéro 2 est bloquée à plusieurs niveaux. Ce qui empêche aux camions à essence de venir nous approvisionner », ajoute-t-il rappelant que la ville des Cayes vient de passer deux mois entiers sans électricité.

Un maire démissionnaire

Début juin 2018, le maire élu de la ville, Gabriel Fortuné, annonce sa démission sur les ondes d’une station de radio. L’ancien sénateur, allié du PHTK, affirme avoir pris cette décision à la suite des menaces qu’aurait subies sa fille de la part de manifestants contestant son mode de gestion.

Sa lettre de démission sera acheminée au ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales (MICT) le 6 juin 2018. Cette démission coïncide avec la contestation de Jack Guy Lafontant en tant que chef du gouvernement qui sera éjecté un mois plus tard à la suite des émeutes contre la hausse des prix du carburant.

Quelques semaines plus tard, le nom de l’ancien maire circulait dans les médias comme un potentiel remplaçant de Jack G. Lafontant. Ce qui serait à l’origine de sa démission de la mairie des Cayes.

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« Tout le monde savait que les raisons évoquées par Gabriel Fortuné pour quitter la mairie des Cayes étaient un prétexte », lâche le sociologue Wenchel Jean-Baptiste. Selon lui, deux choses sont à l’origine de la crise singulière que fait face la ville : la démission de Fortuné et la paupérisation d’une très large portion de la population cayenne.

Ayibopost a tenté en vain de rentrer en contact par téléphone avec Gabriel Fortuné. Sa démission n’ayant pas été acceptée par le Ministère de l’Intérieur, il n’est pas clair s’il continue à assumer ses responsabilités en tant que maire principal de la ville des Cayes.

Un hôpital saccagé

Des bandits armés ont pénétré les locaux de l’hôpital Immaculée Conception dans la nuit du 1er au 2 octobre pillant plusieurs services du centre et dépouillant les malades de leurs biens.

Une septuagénaire aurait été violée par ces individus au cours de cet attentat selon plusieurs médias qui rapportent les propos de Frantz Caïmite, administrateur de l’hôpital.

Questionné à ce sujet, le directeur de l’hôpital, Yves Dommerçant n’a pas voulu rentrer dans les détails. « Les membres du personnel ont pris la fuite et tous n’ont pas été en mesure de confirmer avoir assisté à ce viol. Cependant, j’ai vu une interview de la prétendue victime racontant son agression sur Internet », a déclaré le médecin.

Cependant, le directeur a confirmé que des individus en colère ont saccagé le plus grand hôpital du département quelques jours plus tard après qu’un de leur proche qui était venu se faire soigner ait succombé à ses blessures. Cette situation a forcé la fermeture du centre hospitalier.

« J’ai réalisé une réunion avec le personnel ce matin (14 octobre). L’état mental des [employés] est fragile. Mais nous prenons actuellement toutes les dispositions pour reprendre nos activités dans 72 heures », affirme-t-il. Selon Yves Dommerçant, la Direction départementale du Sud s’est engagée à assurer la sécurité au niveau du centre hospitalier.

Par ailleurs, le 8 octobre dernier, des militants ont investi les locaux du tribunal de Première instance de la ville en vue d’interrompre la cérémonie d’installation du délégué départemental, Serge Chéry, nommé par arrêté présidentiel.

Le délégué a dû se lever tôt ce 14 octobre pour venir prêter serment au tribunal afin de ne pas réveiller les protestataires.

L’article a été édité pour préciser qu’il s’agit du sous Commissariat des 4 Chemins qui a été attaqué. La Route Nationale bloquée est la #2, pas la #1 comme le suggérait une première version de cet article.  15-10-2019 | 22:37

Journaliste et communicateur

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