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Après 35 ans aux USA, Mario est revenu créer une usine de sac-à-dos en Haïti

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Avec un rythme de production de 12 000 sacs à dos par mois pour un prix maximal de 750 gourdes l’unité, EcoPeeps est la seule entreprise haïtienne de ce type qui offre une alternative de qualité et à bon marché aux parents pour la nouvelle rentrée des classes. Non moins fier de ce qu’il a accompli jusqu’ici, l’entrepreneur Mario André qui dirige cette compagnie, n’y voit qu’un héritage pour la jeunesse haïtienne qu’il constate être livrée à elle-même.

Investir en Haïti n’est pas chose aisée. Il faut avoir du cœur, du courage et surtout beaucoup de sagesse pour nourrir une telle prétention. Mario André le sait. Et cela a même été un stimulus pour lui de revenir au pays, trente-cinq ans après l’avoir quitté, pour créer EcoPeeps : cette entreprise de confection de sacs dos. Car sa compassion, sa générosité envers ses frères en situation difficile est plus forte que les risques qu’il encourt en venant s’installer en Haïti.

Cette opportunité, il l’a saisie trois ans après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010 en acceptant un poste de direction dans une ONG de la place. Mais il n’a jamais perdu de vue son objectif qui est de réaliser quelque chose de concret et d’utile pour les jeunes de son pays. Et cela doit passer par l’entrepreneuriat afin de combattre le taux élevé du chômage en Haïti. « Le problème majeur de notre pays, c’est le chômage. Si nous arrivons à garantir un emploi stable à 75% de gens de notre population active, notre économie prendra pour de bon le chemin de la croissance », affirme-t-il. Et comme pour donner l’exemple, trois ans après son retour en Haïti, soit  en décembre 2016, EcoPeeps est lancée avec 30 000 dollars américains. Moins d’un an plus tard, 15 000 sacs à dos ont été vendus. Aujourd’hui l’entreprise compte environ 80 employés, dont 6 qui travaillent de façon permanente durant toute l’année.

Pourquoi EcoPeeps ?

Le rêve de Mario André est de créer un produit qui serait accessible à tout le monde. Tout comme le projet qui a vu naître Volkswagen – ”la voiture du peuple” allemand –, M. André a voulu créer le sac à dos du peuple haïtien tout en préservant l’environnement. EcoPeeps est le produit qui en ressort. ”Eco” pour écologie et ”Peeps” pour people (peuple). « Ce qui en fait : un peuple qui pense à l’environnement », précise-t-il. À partir de 250 gourdes, n’importe qui peut se procurer d’une valise flanquée de la marque ”EcoPeeps”.

L’entreprise a donc débuté avec le recyclage des sachets d’eau en plastique comme matière première. N’ayant pas obtenu les résultats escomptés, le tissu est ajouté comme complément au plastique. Depuis juin 2017, plus de 30 000 sacs à dos sont fabriqués dans les ateliers d’EcoPeeps. Un exploit fort remarquable pour la jeune entreprise qui pense déjà à doubler sa production cette année, alors qu’elle n’a même pas encore fêté ses deux ans d’existence.

Les jeunes au centre de ses préoccupations

Avec cet investissement, Mario André croit avoir aidé des dizaines de familles dans le pays. Lui qui se définit comme un entrepreneur humaniste, se fait déjà le défenseur de la cause des jeunes en Haïti. Ancien professeur d’une école professionnelle à Croix-des-Bouquets, il recrute surtout des anciens élèves dans son staff. « Je veux donner aux jeunes une chance de s’intégrer dans ce pays en leur procurant du travail. Eux qui sont souvent livrés à eux-mêmes dans cette société », explique-t-il. C’est sa façon à lui de contribuer au développement du pays.

Tout comme l’économiste Etzer Émile, il croit qu’Haïti a choisi de devenir pauvre, pointant du doigt notre improductivité. « Comment un pays peut-il vouloir prétendre au développement sans produire quoique ce soit ? », s’interroge-t-il. Il s’étonne même du fait qu’il soit le seul sur le marché à pouvoir fabriquer des sacs à dos à grande échelle. Un minimum qu’un pays devrait pouvoir s’offrir, croit-il.

Émigré aux États-Unis d’Amérique dès l’âge de 4 ans avec son frère aîné, Mario André s’est très vite senti mal à l’aise dans sa terre d’accueil à cause du racisme qu’il subissait.  « Les États-Unis sont un pays où un noir ne devrait pas vivre, déclare-t-il. C’est une société basée sur l’hypocrisie ». Et pourtant, cela ne l’a pas empêché d’y ouvrir une entreprise d’impression de carte de vœux pour les noirs. Cette dernière a très vite été un succès au sein de la communauté afro-américaine. Leur chiffre de production s’élevait jusqu’à 1,5 million de carte de vœux l’an. Malgré son succès, il a tout laissé pour venir s’installer en Haïti, son pays natal.

Détenteur d’un Master of Business Administration (MBA), divorcé et père de 2 enfants, Mario André croit que sa réussite dépend de sa discipline et de sa persévérance. Avec son expérience américaine, il veut faire prospérer son entreprise et ainsi servir de modèle pour les jeunes du pays, dont le sort le préoccupe tant. Dans les années à venir, il espère diversifier ses produits en fabricant des sacs à main, des boîtes à lunch et même des casquettes.

Romaric Fils-Aimé

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