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Adieu Michel !

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Et voilà, tout était fini… Ces derniers jours avaient été pénibles. La perte nous a terrassé ma mère et moi. J’avais encore du mal à croire que mon cher père était bel et bien parti vers d’autres cieux. J’oscillais entre des périodes d’hystérie totale et des épisodes de déni absolu. Curieusement, les visites interminables des parents et proches ne m’apportaient aucun réconfort. J’avais surtout besoin d’être avec moi-même, de ressasser mes meilleurs souvenirs de ce père et époux exemplaire, de pleurer et vivre seule mon chagrin.

Alors cet après-midi, j’ai refusé de rejoindre ma mère au salon pour recevoir je ne sais plus qui. J’ai préféré me réfugier dans la petite pièce qui servait de salle d’études quand j’étais encore une gamine. Jadis, mon père et moi y passions de longues heures. Il m’assistait patiemment avec mes devoirs. Et quand je fus en âge de me débrouiller seule, il me tenait compagnie, son journal ou son livre en main. J’étais sa petite Stéphanie, sa seule fille, son unique enfant.

Depuis mon départ pour mes études à l’étranger, plus personne n’utilisait cette pièce où mon père gardait toutes ses affaires. Alors, rien n’avait changé : des journaux étaient encore empilés sur son secrétaire, ses livres rangés dans le même meuble et le petit pupitre sur lequel je faisais mes devoirs collé contre le même mur. Je me suis dirigée vers la bibliothèque, et j’ai commencé à  passer en revue des bouquins, de vieux journaux et papiers divers. J’avais déjà déplacé des tas d’affaires quand je suis tombée sur une feuille de papier jauni pliée en quatre. C’était une lettre adressée à mon père. Curieuse, je l’ai lue :

« Michel,

Je n’ai pas pu venir à notre dernière rencontre mais j’espère qu’un jour tu comprendras qu’il fallait que l’un d’entre nous trouve le courage de mettre un terme à cette histoire.

Nous nous sommes laissés aller ce soir-là et avons franchi un point de non-retour… Nos corps alanguis de désirs se sont emboités dans une valse lubrique et ludique dont ma chair gardera encore longtemps des souvenirs.

Tout au début, souviens-toi, nous nous étions promis que ça n’arriverait qu’une fois, car nous étions tous deux mariés et nous avions à cœur de protéger nos foyers. Hélas, la confusion et la culpabilité qui nous ont envahis après cet écart qu’il nous était impossible de regretter n’ont pas servi de balises à notre folie. L’espace d’un soir, nous n’étions plus capables de faire semblant d’ignorer cette torture physique à laquelle nous nous astreignons. Nous avons tant de fois tenté de nous éloigner l’un de l’autre mais vainement. Ce fut malgré nous, le début d’une idylle qui à tout jamais a changé la femme que je suis.

Nos baisers volés, nos torrides corps à corps ont rehaussé la monotonie de nos vies de couples rangés. Dans tes yeux, je lisais combien j’étais merveilleuse. Dieu seul sait combien en ce temps-là j’avais besoin de me sentir belle et désirée. Tu as été pour moi plus qu’un amant ; tu as été un confident, un conseiller qui a toujours eu à cœur mon intérêt et mon bonheur.

Certes nous avons pu préserver la discrétion de notre aventure, mais nous n’avons pas pu éliminer la culpabilité et les mensonges sousjacents à cette double vie que nous menons depuis déjà un an. Au fil des mois, à mon grand dam, ma conscience s’est accommodée à cette situation et me suis persuadée que la discrétion et le secret de cette affaire étaient un gage d’amour envers mon époux et non de la lâcheté. J’ai toujours cru en la fidélité comme vertu première du mariage, et jamais je n’aurais pu imaginer ce scénario dans lequel je suis moi-même l’auteur de cet acte ignoble de trahison.

Tout ce temps, j’ai réussi à n’éveiller aucun soupçon et je me suis habituée à partager mes faveurs entre vous deux sans feinte aucune. Le plus surprenant, c’est que j’y ai trouvé un certain équilibre. Mais, il y a quelques semaines, mon monde a chamboulé. J’ai eu honte de cette femme que j’étais devenue. Je n’étais pas digne de confiance et me faisais passer auprès de mon mari pour une personne que je n’étais pas. J’ai réalisé au fond de moi combien j’aurais été blessée, déçue et anéantie si les rôles étaient inversés… Et, je me suis dit qu’il était temps pour moi d’arrêter.

Tu te diras certainement que j’ai déjà eu ces crises de paranoïa, que j’ai déjà voulu tout arrêter… Tu croiras surement que dans quelques jours tout reprendra de plus belle, mais non Michel. Non mon amour, pas cette fois. Quand tu recevras cette lettre, j’aurai déjà quitté le pays avec cet enfant que je porte, cet enfant qui est vraisemblablement le tien, mais que pour notre bien-être commun tu ne connaitras surement jamais. Je suis sure que tu aurais été un père exceptionnel, autant que tu l’es pour ta fille Stéphanie mais souffre qu’un autre joue ce rôle à ta place.

Je garderai en mémoire nos plus précieux moments,

Adieu Michel »

Je contemplais incrédule cette missive déconcertante, lorsque j’entendis les pas de ma mère se rapprocher en ma direction. Sans hésiter, je déchirai la lettre avant de me précipiter à sa rencontre en repensant à cette citation :

 «  On ne connait jamais vraiment les gens. On peut les aimer pendant toute une vie et être encore surpris »

Très attachée à mon cher pays, je demeure une personnalité ouverte, qui à travers sa profession de juriste et son implication au sein de diverses organisations soutient le projet du renouveau d’Haïti.

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