Le soleil brûlant s’acharnait sur ma nuque sans pitié. Les gouttes de sueur me tombaient dans les yeux, rendant le trajet encore plus insupportable. Le mulet avançait lentement, comme si nous avions toute la vie devant nous. Autour de nous, les collines formaient une chaine impressionnante. Les feuilles de cocotiers, d’un vert clair se balancaient au rythme de la légère brise, comme pour nous souhaiter la bienvenue. Cela faisait maintenant neuf ans depuis que j’avais quitté le village Lèzanj. Neuf ans depuis que, sur un mulet, mon père et moi étions partis pour trouver une vie meilleure. Neuf ans depuis que j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps en m’éloignant de Luckner, mon premier amour.
J’avais à l’époque quinze ans. J’étais frêle et laide mais Luckner avait la capacité de me faire me sentir comme une déesse lorsqu’il posait les yeux sur moi. Il n’avait que vingt ans mais l’innocence de mes quinze ans le considérait comme l’homme le plus sage et le plus fort du village. Il était beau, grand et intelligent. Les activités des champs avaient contribué à lui donner ce physique de nègre invincible qui me faisait fantasmer la nuit. Je voulais qu’il me prenne, qu’il me touche, qu’il m’apprenne ce que c’était que d’être une femme. Souvent, il venait s’appuyer à la fenêtre de ma chambre minuscule pour m’apporter des vivres du jardin. Il avait un sourire si ravissant que toutes les filles du quartier parlaient de lui. Elles étaient toutes plus femmes et plus séduisantes que moi mais Luckner semblait ne s’intéresser qu’à moi. Pourtant, je pesais seulement cent livres et les petits citrons que j’avais à la place des seins feraient rire n’importe quelle jeune demoiselle du voisinage. Toutefois c’est à moi qu’il choisissait de faire part de ses contes près du feu; c’est à moi qu’il envoyait des lettres avant que mon père retourne des champs.; c’est mon visage qu’il caressait en me disant à quel point j’étais belle…
Luckner était un jeune homme débrouillard. Orphelin de père, il s’assurait toujours qu’il y ait un plat chaud pour sa mère et ses quatre sœurs. Il avait bon cœur et ne ratait jamais l’occasion de distribuer quelques fruits à nos vieilles voisines, trop faibles pour aller au marché. J’étais folle de lui !
Le jour où la vie nous a séparés, j’avais cru que j’en mourrais. Mais, neuf ans plus tard, j’étais en route pour ce village qui avait vu naître notre amour. Je me demandais à quoi il ressemblait maintenant que les années avaient passé. Est-ce qu’il se rappellerait de moi? De nous? Rien que penser à lui, réveillait dans mon entre-jambe, le désir qui n’avait fait que grandir pendant ces neuf années et, les secousses du trajet ne me rendaient pas la vie plus facile. Plus on s’approchait, plus j’avais envie de lui.
Lorsque je vis enfin l’enseigne « Byenvini nan vilaj Lèzanj », mon cœur se mit à battre si vite que je voulus faire demi-tour mais j’avais attendu beaucoup trop longtemps pour reculer. Comme s’il avait entendu dire par les gens du village que je venais rendre visite après la mort subite de mon père, il était là, devant la fenêtre de la chambre où nous nous étions tout raconté. Son visage n’avait pas changé mais les années lui avaient donné un air plus mûr. Il était beau comme tout avec son chapeau de paille et sa chemise qui portait les traces d’un dur labeur sous le soleil de midi. Il était encore plus fort que quand nous nous étions quittés et son sourire, qui ferait fondre n’importe quelle femme faillit me faire tomber de mon mulet. Il avait les larmes aux yeux mais il resta immobile. Lorsque je pus enfin lui toucher le visage, il m’embrassa la paume des mains et dans la chaleur de ce baiser, je sentis à quel point je lui avais manqué au cours de ces neufs années.
« Mwen kontan wèw »
Et sans que je puisse répondre, il m’entraina dans le jardin de cette maison abandonnée. Il posa ses mains sur mes seins qui n’étaient plus les petits citrons qu’il avait connus et m’embrassa avec tant de fougue que je n’arrivais plus à me tenir sur mes jambes. Il glissa sa main forte sous ma jupe et enfin je pus vivre ce moment sur lequel j’avais fantasmé pendant neuf ans. Ce fut comme une douce chaleur qui faisait monter en moi un plaisir que je n’avais jamais connu auparavant. Il était habile, doux et sensuel. J’enfonçai mes ongles dans sa peau noire mais il ne réagissait pas à la douleur. Il me mordit le cou, les épaules, l’oreille pendant que sa main continuait le travail qu’elle exécutait si bien. Chaque tour de hanches faisait augmenter mon désir. Je voulais être un seul corps avec lui. Je voulais qu’il me fasse enfin me sentir femme. Je voulais qu’il prenne tout, mon corps, mon âme et mes vingt-quatre ans. J’étais comme une bête affamée que rien ne pouvait calmer, sauf le frottement de sa chair contre le contour des parties les plus intimes de mon corps. J’avais attendu ses caresses, ses baisers et maintenant, sous ce manguier, aucun mot ne pouvait décrire ce feu qu’il avait allumé en moi. Je le laissai fondre en moi… Ses gémissements m’excitaient encore plus. Nus, à l’ombre de l’arbre, Luckner m’apprit ce que c’était que de goûter au fruit de cette passion qui avait grandi en moi dès l’âge de quinze ans. Il me pressa les cuisses alors qu’il allait et venait, faisant couler encore plus mon liquide tiède. Mon corps ne se rassasiait pas de lui. Comme pour me torturer, il continuait de glisser ses doigts dans mon entre-jambe. Ses bras forts me tenaient les hanches pendant que je gémissais, me faisant atteindre petit à petit un niveau de plaisir si intense que tout mon corps fut secoué par un tremblement violent.
Ce soir là, près du feu, nous nous racontâmes tout ce qui c’était passé pendant ces neufs années. Il me prenait les mains en laissant de doux baisers sur mes paumes. C’était sa manière de me témoigner son amour et son affection. Nous fîmes encore l’amour dans le poulailler, puis, à même le sol de la terrasse de mon ancienne demeure. Il savait où toucher, il savait comment caresser. Il exécutait avec adresse ces gestes qui me faisaient frémir de la tête au pied. Je l’aimais… à la folie.
Le lendemain, après les visites et les pleurs, dus à la mort de mon père, qui avait été pour plusieurs un confident, je me mis en route pour rendre visite à Luckner. Je connaissais le chemin par cœur. Les neuf années n’avaient pas réussi à me faire oublier. Mais, lorsque je fus à dix mètres de la petite maison bleue, deux petits garçons coururent vers lui en s’écriant:
« Papi! Papi! Manmi ap tann ou pou nou manje »
Luckner me regarda de loin dans les yeux sans rien dire. J’avais compris. Il n’avait pas arrêté sa vie après mon départ. Ce que nous avions partagé était vrai mais il était trop tard pour vivre notre histoire. Luckner était marié et avait deux enfants…. ou plus. Il m’avait fait l’amour comme pour me laisser une partie de lui afin que je retourne à ma nouvelle vie, loin de lui. Je souffrais horriblement certes, mais personne n’arriverait à me faire oublier, cet après-midi, sous le manguier.
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