Dans la sphère politique haïtienne, les personnalités naissent, croissent et disparaissent. Entre ces deux extrémités, les stratégies, les combats assumés et les alliances effectuées sont déterminants quant à la longévité ou le degré de succès d’une telle orientation.
Dans un pays exsangue, où la misère fait cracher la poussière à la population, se tenir au côté de cette dernière peut s’avérer être un choix gagnant. C’est le choix qu’ont effectué des animateurs de radio à Port-au-Prince aussi bien qu’en milieu rural.
Cependant, quand l’indigence intellectuelle et l’amateurisme se mêlent à un populisme opportuniste, le cocktail loin d’éclairer les ayants cause sur les tenants et aboutissants de l’actualité, favorise les passions, la superficialité et le réductionnisme qui simplifie à l’extrême la complexité d’un réel échappant aussi bien à l’animateur qu’à l’auditeur.
Quelques exemples de ces dérives :
Plus gourou qu’intellectuel ou journaliste
Ces animateurs, maîtres et seigneurs derrière leur micro, fonctionnent sur le même modèle que les pasteurs, les sorciers ou les prêtres: ils sont convaincus d’être porteurs de la bonne nouvelle et détenteurs de LA vérité. Ainsi, distribuent-ils triomphalement et sans interruptions les points, décident ce qui est bien ou mal, indiquent comment il faut penser, quelle personnalité vaut la peine d’être écoutée ou pas, quel responsable public a eu le meilleur et le pire bilan… Le tout dans une subjectivité subtile non saisie par la majorité.
Ce serait d’ailleurs acceptable si le temple de ces seigneurs ne reposait pas sur le principe du copinage, des pots-de-vin ou des petites querelles personnelles. Ainsi, entendras-tu tel animateur consacrer son émission à détruire systématiquement une personnalité pour expliquer en coulisse que cette derniere aurait refusé de lui répondre au téléphone.
La maniere de faire de ces émissions est aussi anarchique qu’anti-démocratique. Dans la forme, l’horaire est rarement déterminé; les studios étant les laboratoires miniatures de cette jungle qu’est notre société. On commence quand on veut, on termine quand on veut. Les sujets ne sont pas non plus définis. Étant souvent sans expertise, incapable ou sans envie de fouiller les rapports ou de trouver des experts pouvant le faire, l’animateur se complait à bêtement répéter les accusations des opposants ou les fiches de communications du gouvernement.
Souvent, ils avouent ne pas savoir de quels sujets aborder au moment de débuter l’émission. Aussi, commencent-ils à débiter des boniments qui peuvent commencer sur l’économie pour s’engouffrer dans une critique des religions. Éclectisme te diront-ils. Mais c’est proprement démagogique et obscurantiste de parler d’une chose quand on n’est pas spécialiste ou avant d’avoir correctement effectué des recherches dans le domaine.
Les invités quant à eux, ne sont ni réguliers ni inscrits sur un calendrier transparent, ni choisis en fonction de critères objectifs, à part celui de faire partie des connaissances de l’animateur VEDETTE.
Aucune éthique de responsabilité
J’ai récemment entendu l’un d’entre eux soutenir qu’il peut tout dire de n’importe qui, du moment que ce dernier soit à même de faire valoir son droit de réponse. C’est d’ailleurs une façon classique de procéder dans ce petit monde: ils se font les caisses de résonances des rumeurs les plus abjectes, sans vérifications, (parfois en prenant une fausse distance) ils les relaient sur les ondes en espérant provoquer une réaction de la part du concerné. Et ce, sans tenir compte de l’irréversibilité de la parole proférée et de l’association, même démentie après, qu’elle créera dansl’esprit de l’auditeur quant à l’image qu’ils se feront du personnage.
Ces animateurs ont généralement deux objectifs, utiliser la sympathie populaire pour se porter candidat (providentiel) ou, utiliser l’espace médiatique comme rente personnelle. Dans les deux cas, rarement le souci du travail bien fait, du professionnalisme, de l’intérêt public ou de l’éthique ne rentrent en ligne de compte.
La chasse à audimat, empêche ceux qui ont un minimum d’approfondir. La culture du « zin », du qui est marié avec qui, qui couche avec qui, qui a acheté quoi, donne l’image d’une presse caniveau où seuls les va-nu-pieds ont droit de cité.
Le pire, c’est que ces saltimbanques ont une grande écoute. La masse analphabète et avide de comprendre sans être gavée de mots ronflants est leur clientèle favorie. Selon moi, le plus grand défi de la presse haïtienne actuelle est de parler simplement sans tomber dans le simplisme.
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