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Lyonel Trouillot | New York New York

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Zohran Mamdani parviendra-t-il à appliquer son programme et tenir ses promesses ? Rien n’est moins sûr. Le gouvernement fédéral, les privilégiés, les structures mêmes du pouvoir dont il ne détient qu’une partie, tout cela sera contre lui

L’élection d’un musulman né hors des États-Unis à la mairie de New York fait enrager les droites et les extrême-droites.  Car le crime du nouveau maire est double. En plus de ce délit d’origine et de religion, il se dit ouvertement de gauche et propose des mesures radicales qui ne touchent dans le fond que la redistribution, mais se réclament du principe de la lutte contre les inégalités.

Mais ceux qui ont le plus peur, ce n’est pas la droite qui crie au communisme, qui voit Marx à Wall Street et une révolution où il n’y en a pas, car ne sont ici menacés ni le mode de production, ni la forme de l’État, ni l’organisation sociale.

Ceux qui ont le plus peur, ce sont – bien fait pour eux – les gauches molles, sur la pointe des pieds, qui ne sont plus considérées par les masses, les travailleurs, les exclus et les dominés comme leurs représentants, et qui, en réalité, ne les représentent plus.

Car elles préfèrent l’ordre, le système, appareils ayant rompu avec leurs bases. On voit bien d’ailleurs comment dans certains pays qui s’est voulu donneur de leçon en matière de démocratie, elles ont peur de retourner aux urnes. Les peuples ont commencé à comprendre que certaines formations dites de gauche ou progressistes ressemblent étrangement au catholique pratiquant du poème de Prévert : « -Aimez-vous les uns, les autres. – Couci couça, c’est la réponse. »

Zohran Mamdani parviendra-t-il à appliquer son programme et tenir ses promesses ? Rien n’est moins sûr. Le gouvernement fédéral, les privilégiés, les structures mêmes du pouvoir dont il ne détient qu’une partie, tout cela sera contre lui.

Mais son élection vient rappeler ce qu’ils sont nombreux à avoir oublié : la politique est un terrain d’expression des luttes sociales, alors qu’on veut la réduire à des pactes entre dirigeants qui se font des passes plus ou moins courtes au nom d’une sorte de pacte de gouvernabilité qui n’arrange que ses signataires.

Les gens votent, au nom de visions de leurs intérêts, déformées souvent par les idéologies, quelquefois réalistes et lucides. C’est cette notion d’intérêt, de divergence d’intérêts, et celle de représentation que l’élection du nouveau maire de New York est venue remettre sur la table.

Zohran Mamdani parviendra-t-il à appliquer son programme et tenir ses promesses ? Rien n’est moins sûr. Le gouvernement fédéral, les privilégiés, les structures mêmes du pouvoir dont il ne détient qu’une partie, tout cela sera contre lui.

Le choix du peuple de New York : « Di djab bonjou l ap manje w, pa di l bonjou l ap manje w.» Alors autant être clair dans sa ligne, son propos, son intention. La droite n’a jamais honte d’être à droite. C’est ouvertement qu’elle peut être libérale, ultralibérale, raciste, xénophobe, prête à brandir la liberté d’entreprendre (dans la réalité, entendez de s’enrichir au détriment des autres) chaque fois qu’on lui parle d’égalité.

Zohran Mamdani et ses votants n’ont pas eu honte de leur radicalité. Preuve qu’on peut être radical et gagner. Peut-être même, si l’on est vraiment progressiste, preuve que face à des droites de plus en plus impitoyables, la radicalité opposée soit la condition nécessaire pour gagner.

Couverture : Photo de Zohran Mamdani, un homme politique américain, membre de l’Assemblée de l’État de New York.

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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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