Les comptes bancaires du canal de Ouanaminthe confisqués

Les travaux peinent à reprendre au niveau du canal de Ouanaminthe. C’est ce que révèle à AyiboPost Mackendy Josaphat, le président du nouveau comité de l’initiative.

Monté en mars 2025 lors d’une assemblée générale extraordinaire, ce comité « remanié » entendait poursuivre la « relance agricole » dans la plaine de Maribahoux et réformer la solidarité autour du projet, déjà très éprouvé par des dissensions internes.

Mais plus de six mois après, les travaux à réaliser au niveau du canal de Ouanaminthe sont dans l’impasse en raison d’un manque de moyens, de matériels et de coordination effective entre l’ancien et le nouveau comité.

« Le pasteur Moïse Joseph, le président de l’ancien comité du canal de Ouanaminthe, a refusé de nous remettre la clé originale de la pelle excavatrice – l’un des équipements les plus importants pour les travaux – malgré toutes les demandes amiables que nous avons engagées auprès de lui en ce sens », souligne Josaphat.

Quatre livrets bancaires pour le compte du canal – dont deux à la Banque Nationale de Crédit (BNC) et deux à la Sogebank – n’ont toujours pas été récupérés par l’actuel comité auprès de l’ancienne structure de gestion de l’ouvrage, portée par Gaston Étienne et Moïse Joseph.

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Ancien personnage très influent au sein de l’ancien comité de gestion des fonds du canal, le pasteur Moïse Joseph demeure une figure controversée de l’initiative.

Il est le membre de cette structure à avoir effectué une grande partie des dépenses, avec plus d’une centaine de transactions, dont des matériaux achetés pour le compte des travaux du canal dans sa propre entreprise de construction, soulevant ainsi des préoccupations de conflit d’intérêts.

Moïse et le trésorier Gaston Étienne ont été écartés du nouveau comité après des accusations de détournement de fonds sur un financement de 80 000 dollars américains octroyé par le Programme Alimentaire Mondial (PAM) en octobre 2024.

Entre-temps, l’actuel comité du canal de Ouanaminthe – l’un des plus importants mouvements de solidarité populaire d’Haïti de la dernière décennie – manque cruellement de moyens pour achever les travaux.

Une enquête d’AyiboPost avait souligné en octobre 2024 que des travaux étaient nécessaires au niveau de l’ouvrage, tels que la construction de bassins de sédimentation pour l’évacuation des alluvions, de canaux de rétention pour stocker et mesurer le débit du courant, ainsi que de gabionnages en amont et en aval du canal.

Les travaux à réaliser au niveau du canal de Ouanaminthe sont dans l’impasse en raison d’un manque de moyens, de matériels et de coordination effective entre l’ancien et le nouveau comité.

À la suite de cet article, le PAM a débloqué 80 000 dollars américains pour la construction de bassins de rétention au niveau du canal. Cet argent a été déposé sur le compte du KPK, alors géré par Moïse Joseph et Gaston Étienne.

Pour ces travaux, le pasteur Moïse Joseph a également fourni des matériaux, via son entreprise de construction, à hauteur de 1 695 000 gourdes.

Un rapport confidentiel obtenu par AyiboPost, portant sur la première phase des travaux réalisés du 10 décembre 2024 au 11 février 2025, a mis en lumière une insuffisance de ressources entravant l’achèvement du chantier.

Les moyens financiers manquent pour le paiement des ouvriers. Le document faisait état d’une dette de 291 000 gourdes envers les travailleurs.

Pour le nouveau comité, le tableau financier reste sombre.

« Pour l’instant, nous n’avons pas de ressources financières pour reprendre les travaux. Les dons de la diaspora n’arrivent plus depuis un certain temps », confie Mackendy Josaphat à AyiboPost.

Le seul ouvrage en cours sur le canal est un déversoir destiné à dévier le débit du courant de la rivière lors des épisodes de crue.

L’espoir de relancer les travaux au niveau de l’ouvrage repose sur une promesse de 300 millions de gourdes de l’État haïtien pour leur achèvement. « Une somme qui a été inscrite dans un budget rectificatif adopté sous le gouvernement de Garry Conille en 2024. Mais cet argent n’a jamais été débloqué », précise Josaphat.

En mai 2025, le ministre de l’Agriculture de l’époque, Vernet Joseph, a rencontré des responsables de l’actuel comité pour réactiver ce financement.

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« Mais jusqu’ici, nous n’avons encore touché le moindre centime de ce financement, malgré les assurances des responsables de l’État selon lesquelles cet argent a déjà été transféré du Trésor public au compte du ministère de l’Agriculture », explique Josaphat, qui souligne dans le même temps que l’État conditionne désormais le déblocage de ces fonds à une évaluation préalable des travaux passés et futurs au niveau du canal. « C’est dans cette phase que nous sommes actuellement », renchérit-il.

Le lundi 15 septembre dernier, une délégation de la direction départementale de l’Agriculture du Nord-Est et des techniciens du canal de Ouanaminthe a procédé à un inventaire des travaux.

Une nouvelle réunion entre les deux parties était prévue le 30 septembre afin de définir les axes d’intervention prioritaires pour la délivrance de ce financement. Une rencontre finalement différée en raison d’un contretemps d’un des responsables étatiques, selon Josaphat.

Mais pour l’actuel président du comité, le temps presse.

Passé le 1er octobre – date du début du nouvel exercice fiscal – cet argent sera redirigé vers le Trésor public.

« Nous n’avons pas envie que ce financement de l’État haïtien devienne pour nous un miroir aux alouettes », s’inquiète Josaphat.