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Lyonel Trouillot | Au suivant

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Ce CPT, c’est une chanson de Brel ou de Coupé Cloué : Au suivant ! La petite histoire se chargera de raconter lequel fut plus fantoche ou prédateur qu’un autre. Mais la grande les jugera tous à la même aune : le gaspillage du temps, de l’argent, du sang d’un peuple

Une radio étrangère m’avait contacté pour une entrevue sur le passage de Fritz Jean à la Coordination du CTP. J’ai vu le message trop tard et me suis excusé. Cela ne m’a pas empêché de réfléchir à ce que j’aurais bien pu dire à des auditeurs étrangers sur quelque chose qui s’est révélé un non acte, un défaut : le sens premier du mot étant l’absence de ce qui serait nécessaire ou désirable.

La petite histoire rapporte que, au début de son régime, François Duvalier invitait au Palais les opposants obsédés par la présidence, les faisait entrer dans son bureau, s’excusait de devoir se déplacer un moment, les laissait assis quelques heures sur le fauteuil présidentiel, revenait tout sourire, les congédiait sans ménagement en leur demandant ce qu’ils avaient réalisé de concret durant leur passage à la présidence.

Humour cynique d’un dictateur en devenir. Thérapie de choc voisine de celle utilisée, dit-on dans certains pays asiatiques, consistant à coucher un adolescent dans un cercueil quelques heures pour une leçon de sagesse et une réflexion sur la mort.

Sauf que, contrairement aux invités de Duvalier et aux adolescents perturbés, les obsédés de la présidence qui se succèdent à la coordination du CPT ont bien le pouvoir en main et la responsabilité personnelle et collective de l’usage qu’ils en font.

La période Fritz Jean a de particulier que lui venait d’un secteur qui avait semblé rassembler les forces progressistes haïtiennes. L’échec annoncé a contribué à dévaloriser l’ensemble de ces forces progressistes. La honte en revient aux personnalités et organisations de ce secteur qui ont continué à le soutenir au prix d’analyses abracadabrantes sur le pouvoir, l’État.

Sauf que, contrairement aux invités de Duvalier et aux adolescents perturbés, les obsédés de la présidence qui se succèdent à la coordination du CPT ont bien le pouvoir en main et la responsabilité personnelle et collective de l’usage qu’ils en font.

Certains parce qu’ils ont bénéficié de petits avantages. D’autres parce qu’ils ont oublié que la politique ne vaut que dans sa gestion du social. Ici la violence, les déplacés, la pauvreté, les inégalités trop criantes. Il faut reconnaître le courage des personnalités et organisations qui se sont désolidarisées d’une entreprise qui n’est devenue que mascarade et perversion. Des gens de mauvaise foi leur diront « vous étiez complices » malgré leurs prises de position dénonçant le non-respect de leurs engagements par Fritz Jean en particulier et le CPT dans son ensemble.

Que fut le passage de Fritz Jean à la coordination du CPT ? Des annonces n’ayant convaincu personne, suivies de jérémiades. Un va-t-en-guerre de pacotille se liquéfiant en saule pleureur. L’inexistence de toute politique économique, sécuritaire, sociale, étrangère. Le laisser-aller institutionnel et l’oubli total de la notion de service public. Et la mort, la mort toujours recommencée.

En pensant à ce CPT, on peut se dire heureusement qu’ils ne sont pas quarante. Les différences sont minimes. De teint. De tempérament. De réseaux d’amitié et de favoritisme. Mais l’entreprise est la même : le sur place sous le diktat de l’international tentant de déboucher sur une parodie de constitutionnalité, d’élections. Une fausse logique démocratique dont il ne sortira rien.

Ce CPT, c’est une chanson de Brel ou de Coupé Cloué : Au suivant ! La petite histoire se chargera de raconter lequel fut plus fantoche ou prédateur qu’un autre. Mais la grande les jugera tous à la même aune : le gaspillage du temps, de l’argent, du sang d’un peuple.

Par :

La photo de couverture montre, à gauche, Fritz Alphonse Jean, membre du Conseil présidentiel de transition (CPT), aux côtés de Laurent Saint-Cyr, actuel président tournant du CPT.

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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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