Lyonel Trouilot | Le CPT fait du Jovenel Moïse

Si Jovenel Moïse était condamnable, et il l’était, ce n’était pas parce qu’il était un petit bandit « venu de nulle part ». La critique envers ses successeurs devrait être aussi radicale envers ses successeurs qui font comme lui.

Une analyse que, pour ma part, je juge fausse et dangereuse verrait dans cette pénible conjoncture un affrontement entre le PHTK et Lavalas et justifierait certains silences et compromis par le soutien au « moins pire ».

Je crois que c’est faire trop d’honneur à l’un comme à l’autre. Il ne s’agit pas de formations identifiables par une idéologie politique ou par un programme économique et une vision globale de la société. Le PHTK en particulier, c’est, c’était et ce n’a jamais été que des alliances individuelles sur fond de pratiques mafieuses en vue d’un partage du pouvoir au profit de chacun de ses membres. La seule chose à laquelle les membres de cette alliance peuvent s’accrocher, c’est leur part de pouvoir.

L’erreur serait d’essentialiser aussi bien Lavalas que le PHTK et de « lire » les individus qui nous gouvernent en référence à l’origine de leur entrée en politique pour déterminer ce qu’ils font et spéculer sur ce dont ils sont ou ne sont pas capables. 

Le PHTK en particulier, c’est, c’était et ce n’a jamais été que des alliances individuelles sur fond de pratiques mafieuses en vue d’un partage du pouvoir au profit de chacun de ses membres.

Lavalas profite, de ce point de vue là, d’un jugement favorable de la part des « progressistes » d’un certain âge. Jugement favorable fondé sur un double préjugé. Le premier, les déclarations d’intention d’hier. On a pourtant vu ce qu’elles cachaient : l’utilisation du banditisme comme arme politique ; la gestion arbitraire des finances publiques, la cooptation et l’affaiblissement des institutions. 

Le second préjugé est encore plus inquiétant : Les lavalassiens, ceux qui les représentent ou disent les représenter, seraient moins suspects du fait de leur origine sociale. C’est le saint Martial d’antan, ce sont les enfants de la petite et moyenne bourgeoisie traditionnelle, issus des « bonnes écoles » d’autrefois, ayant reçu une éducation plus nourrie de principes humanistes. On suppose dès lors qu’ils ont moins d’appétit, plus de « bonnes manières ». Ils font moins « hordes » que les (relativement) jeunes affairistes du PHTK. 

Dans la réalité, tous ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir ont les mêmes pratiques de gestion du pouvoir. Faire comme si la situation était normale. Répéter à l’envi que les choses s’améliorent quand elles ne font qu’empirer. Gaspiller l’argent de l’État dans la représentation et le saupoudrage. Renforcer la dépendance. Maintenir le pays dans une situation dans laquelle les droits politiques ne peuvent s’exprimer. Laisser les masses populaires dépérir dans des conditions inhumaines.

Dans la réalité, tous ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir ont les mêmes pratiques de gestion du pouvoir. Faire comme si la situation était normale.

Le coût du récent voyage en Europe ; la fuite en avant, referendum, élections, comme si de rien n’était alors qu’il s’évidente qu’on va droit vers la mascarade et l’échec, aucune politique, voire aucun intérêt, en ce qui concerne les plus pauvres, les déplacés et les victimes de la violence ; les alliances et allégeances avec et envers les « amis » du monde des affaires… En gros, le CPT fait du Jovenel Moïse. 

Si Jovenel Moïse était condamnable, et il l’était, ce n’était pas parce qu’il était un petit bandit « venu de nulle part ». La critique envers ses successeurs devrait être aussi radicale envers ses successeurs qui font comme lui. 

En gros, le CPT fait du Jovenel Moïse. Le coût du récent voyage en Europe ; la fuite en avant, referendum, élections, comme si de rien n’était alors qu’il s’évidente qu’on va droit vers la mascarade et l’échec…

À moins que nos vieux amis progressistes ne reproduisent malgré eux les préjugés et les structures qu’ils prétendent combattre en étant plus cléments envers quelques-uns sur la base de leur origine, surtout s’ils partagent avec eux des habitudes sociales et un air de famille.