Ce n’est pas du moralisme que de réclamer de la vertu. La survie de cet exécutif en dépend
Un sceau qu’un Conseiller-Président aurait gardé… Des batteries d’avocats pour défendre des Conseillers dont la réputation restera entachée… Un rapport qui aurait pu être plus précis et mieux élaboré, qui révèle néanmoins des faits condamnables… Une élection aux allures de deal au sein d’un Conseil se souciant peu de sa crédibilité… Un premier ministre dont on dit qu’il n’écoute que lui-même et n’a que faire du Conseil présidentiel… Des directions générales au sein desquelles rien ne semble avoir bougé, comme si tout allait bien et nul changement n’est nécessaire… Lavalas en fête après une alliance (conjoncturelle ou de fond ?) avec les ennemis d’hier… Des magistrats non certifiés qui accusent les évaluateurs de parti pris voire de corruption…
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Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Il y a pourtant des évidences. Allégations et semblants de preuve, on se retire et l’on organise sa défense. Un accord politique, fragile, bancal, on en respecte les termes, car à ne pas tenir son rôle, en voulant tout prendre pour soi, on risque de tout faire sauter. À moins de croire que si l’on a « le blanc » avec soi on peut tout faire.
Pauvre Jovenel et pauvre Ariel !
On accepte un poste de Conseiller-président, de ministre dans un exécutif issu de compromis et de négociations, l’urgence personnelle et politique, c’est de marquer son passage dans le bon sens. Montrer qu’on n’est pas dans la continuité du n’importe quoi. Que l’organisme, le département, le domaine dont on a la charge est actif, au service des intérêts de la nation et sans aller au-delà de ses attributions. C’est un de ces moments historiques où, même pour le pire des salauds, la seule sortie, c’est la vertu. Ne serait-elle que conjoncturelle.
Ce n’est pas du moralisme que de réclamer de la vertu. La survie de cet exécutif en dépend. Que chacun tienne proprement son rôle. Les écarts, les scandales mettent cette chose branlante en péril. A trop jouer les coquins, tous y perdront. Oui, il y a des moments où, même pour le pire des salauds, l’intelligence c’est de se faire honnête.
Les écarts, les scandales mettent cette chose branlante en péril. À trop jouer les coquins, tous y perdront.
Pendant ce temps, on a tué de manière sauvage, massive dans l’Artibonite. De nombreuses voix s’élèvent pour dire que les signes sont multiples que cela risque de se produire ailleurs. La pauvreté fait rage. Aucune évidence d’une marche réelle vers des élections. Aucune évidence de démarches et mesures concrètes pour l’amélioration des conditions de vie.
Et la société dans tout ça ? Peut-être ne crie-t-elle pas assez fort pour demander à tous plus de vertu ! Peut-être ceux à qui elle s’adresse n’entendent pas ses cris ! C’est une vieille habitude de n’écouter que soi quand on est au pouvoir.
Et il n’émerge pas de cette société de nouvelles voix, collectives et individuelles, pour nous convaincre avec une parole où nous retrouverions la défense des intérêts collectifs, le parti pris de la dignité. Qui peut dire, s’il se tenait des élections demain, pour quel projet il ou elle irait voter ?
Et l’horreur du traitement réservé aux Haïtiens par la République dominicaine. Des chercheurs ont établi depuis longtemps et de manière magistrale comment le capital et le pouvoir politique ont construit une furie identitaire en République dominicaine sur fond d’anti-haitianisme. Voilà une de ces choses jamais vraiment pensées ici : comment faire face à cette idéologie dont les conséquences sont terribles pour les travailleurs que la misère a envoyés de l’autre côté de la frontière.
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Ce n’est pas une fuite en avant que de demander aux mille et un candidats qui viendront quelle politique ils proposent vis-à-vis de notre voisin de plus en plus raciste, prédateur et autoritaire. Car il faut bien, à moins de s’éterniser dans les transitions, savoir pourquoi, au nom de quoi, des gens prétendent nous diriger.
Par Lyonel Trouillot
Image de couverture : Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) a rencontré le Corps Diplomatique, à la Villa d’Accueil, au sujet des expulsions massives de migrants haïtiens par la République Dominicaine. | © X/@PresidenceHT
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