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L’insécurité met le Jardin botanique des Cayes à genoux. Les visiteurs se font très rares.

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«En 2022, nous sommes arrivés à un niveau où nous nous demandions s’il fallait tenir le jardin ouvert ou le fermer», confie à AyiboPost le botaniste William Cinéa

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Touché par des catastrophes naturelles et l’insécurité, le Jardin botanique des Cayes peine à rester fonctionnel.

L’espace touristique et de conservation botanique de premier plan dans le Sud a été détruit à près de 85 % par le dévastateur cyclone Matthew en 2016.

«Depuis, le jardin fait face à des situations difficiles», relate à AyiboPost l’initiateur du projet, le botaniste William Cinéa.

Un panneau d’acceuil au Jardin botanique des Cayes en 2018. | Photo : Widlore Mérancourt

À partir de 2017, l’espace a commencé à reprendre du vert.

Mais depuis 2019, les grandes vagues d’insécurité et les troubles politiques ont complètement handicapé les activités du jardin qui, pour sa survie, dépend essentiellement des bénéfices obtenus lors des visites, surtout pendant les jours de congé.

«En 2022, nous sommes arrivés à un niveau où nous nous demandions s’il fallait tenir le jardin ouvert ou le fermer», confie à AyiboPost le botaniste William Cinéa.

Aménagement paysager en forme de cœur sur le sol du Jardin botanique des Cayes en 2018. | Photo : Widlore Mérancourt

Entre 2017 à 2018, le jardin disposait d’une cinquantaine d’employés.

En septembre 2022, cet effectif est passé à seulement cinq membres du personnel dans un contexte post-séisme, de rareté de carburant et de blocages dans certains endroits.

De 2013 à 2017, l’espace recevait en moyenne 30 000 à 50 000 visiteurs par an.

De 2019 à 2022, le jardin a oscillé avec difficulté entre 5 000 à 10 000 visiteurs par an.

Bien que la tendance actuelle des visites laisse entrevoir un regain d’intérêt pour le Jardin botanique, le changement climatique s’insinue parmi les multiples défis du présent.

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Le Jardin botanique rassemble des plantes provenant de tout le pays et principalement du parc Macaya, en vue de les préserver ultérieurement dans la ville des Cayes.

«Avec les variations de température, une perturbation écologique s’est produite, nécessitant des dépenses considérables pour l’installation de serres de protection», explique William Cinéa.

Vue d’un aménagement paysager en forme de cœur sur le sol du Jardin botanique des Cayes en 2018. | Photo : Widlore Mérancourt

Ces infrastructures font grimper les coûts de maintenance de l’espace de 10 à 15 %. «Ceci représente une charge financière considérable», ajoute le responsable du jardin.

La situation affecte de nombreuses espèces, qui périssent du fait qu’elles n’arrivent pas à s’adapter au climat ou du moins au microclimat.

De surcroit, les catastrophes naturelles, à l’instar de Matthew en 2016, le séisme du 14 août 2021 ainsi que les sécheresses de 2018, empêchent toute prévision pour le fonctionnement du Jardin.

Entre 2017 à 2018, le jardin disposait d’une cinquantaine d’employés. En septembre 2022, cet effectif est passé à seulement cinq membres du personnel.

S’étendant sur huit hectares de terres entre les deux grandes réserves biologiques du pays : le Parc Macaya et La Visite, le Jardin botanique des Cayes a pris naissance en septembre 2008 sous la supervision de l’agronome William Cinéa.

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L’institution s’est transformée en espace de recherche sur les plantes en 2009.

Séance de formation en systématique botanique pour des étudiants dans le cadre d’un stage de formation au Jardin Botanique des Cayes.

Elle comporte quatre départements, dont un département de recherche scientifique et de conservation, destiné à la recherche sur les plantes, un département d’éducation ouvert aux écoliers et étudiants désireux d’approfondir leur connaissance. Il y a également un département d’horticulture qui apprend aux gens à entretenir leur jardin et un département de développement et marketing qui vulgarise les recherches afin d’éduquer le grand public.

Séance de pratique en apiculture au Jardin Botanique des Cayes

Le jardin s’organise en quatre grandes parties. D’abord une partie ethnobotanique qui reconstitue toutes les plantes natives, endémiques comme le Ti pwason, du nom scientifique (Amyris apiculata) disponible seulement en Haïti, l’Agave brevispina, le Lang Bèf (Clavija domingensis), etc.

Le Jardin botanique abrite environ 40 des 2 000 plantes endémiques du pays. Son espace d’attraction est constitué de plantes natives et exotiques, servant de décors aux cérémonies de mariages, pique-niques, etc.

L’institution a également un arboretum où l’on entretient des pépinières de plantes.

Reproduction d’une espèce en danger critique ‘’Clavija domingensis’’ par le responsable de pépinière du département de recherche et conservation du Jardin Botanique des Cayes

Si le jardin demeure un espace important pour l’environnement et la conservation de l’écosystème du pays, il ne bénéficie pas de financement de la part de l’État.

Marie Huguena Jean Louis, ingénieur-agronome et assistante directeur du jardin botanique, relate que sur le plan financier «les crises politiques du pays ont définitivement fait régresser le Jardin botanique des Cayes»

De 2013 à 2017, l’espace recevait en moyenne 30 000 à 50 000 visiteurs par an. De 2019 à 2022, le jardin a oscillé avec difficulté entre 5 à 10 000 visiteurs par an.

Les initiatives comme les abonnements annuels, et la vente de services ne suffisent pas. Selon l’employée, l’entreprise a chuté de près de 40 % en termes de revenus l’année dernière.

L’agronome William Cinéa ne veut pas laisser mourir le projet. À l’horizon 2030, il compte rendre l’espace plus thérapeutique à travers une restructuration de l’institution.

La survie du jardin reste cruciale notamment pour des écoles dans le Sud.

Vital Paul Édouard est agronome et planificateur de stage à l’Université Intégrée de la Caraïbe (UNICA) au sein de l’annexe des Cayes.

Visite scientifique d’une école de la ville des Cayes au Jardin Botanique des Cayes.

Il emmène fort souvent ses étudiants en visite exploratoire et scientifique au Jardin botanique. «Ces visites, qui occupent près de 60 heures de cours, permettent aux étudiants de faire face à la réalité agricole », déclare l’agronome.

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La confrontation avec cette réalité reste essentielle pour les étudiants. Selon Édouard, «sans ces visites, il y a des notions théoriques que les étudiants ne pourront pas correctement appréhender.»

Par Jérôme Wendy Norestyl


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Journaliste-rédacteur à AyiboPost, Jérôme Wendy Norestyl fait des études en linguistique. Il est fasciné par l’univers multimédia, la photographie et le journalisme.

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