CULTURE

Perspective | Que gagnent vraiment les écrivains lauréats du Prix Goncourt ? 

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Si l’écrivain part avec un chèque de 10 euros avec ce prix, il gagne symboliquement nettement plus

L’Académie Goncourt a dévoilé ce mercredi 3 novembre le lauréat du Prix Goncourt 2021. Il s’agit du jeune écrivain franco-sénégalais, Mohamed Mbougar Sarr, pour son roman « La plus secrète mémoire des hommes ». Cette édition du prix a été particulièrement suivie en Haïti puisque l’écrivain haïtien Louis-Philippe Dalembert était parmi les quatre finalistes de cette édition. Rappelons que l’écrivain Lyonel Trouillot a également raté de peu ce prix en 2011 pour son excellent roman « La belle amour humaine ».

Le Prix Goncourt, décerné en France depuis 1903 est le plus prestigieux prix littéraire français. Ensuite viennent les Prix Renaudot, Femina et Médicis. Depuis 1903, les écrivains et les éditeurs espèrent obtenir cette distinction très appréciée dans la communauté littéraire en France, voire en Europe, de manière générale. Pourquoi tout cet acharnement autour de ce Prix ? Que gagnent réellement les lauréats ?

Dans l’imaginaire du lecteur lambda, un Grand Prix, pas uniquement littéraire, rémunère considérablement son bénéficiaire. Ce qui n’est pas totalement faux, car un Prix Nobel de Littérature permet à l’auteur de partir avec une somme de 10 millions de Couronnes suédoises, soit plus d’un million de dollars américains.

Le Prix Goncourt, comme c’est le cas d’autres Prix prestigieux en France, échappe à cette règle. Le lauréat du Prix Goncourt part avec un chèque de 10 euros (Non, il ne manque pas des zéros !). Mais pourquoi les écrivains veulent à tout prix avoir ce Prix ?

Une récompense symbolique

Si l’écrivain part avec un chèque de 10 euros avec ce prix, il gagne symboliquement nettement plus. En effet, un Prix Goncourt installe un écrivain dans la sphère littéraire française et internationale comme une figure majeure et qui fait autorité. Cette reconnaissance permet à l’écrivain d’être respecté à la fois par ses pairs, les lecteurs, toute la chaine du livre.

Pour un écrivain, le côté symbolique est extrêmement important, parfois beaucoup plus que la récompense financière. Cette reconnaissance facilite l’inscription de l’auteur dans l’histoire littéraire de son pays, donc la pérennisation de son œuvre et de sa mémoire.

Toutefois, avec une reconnaissance symbolique vient, naturellement, une récompense financière.

Une récompense indirectement financière

Les lauréats des prestigieux Prix arrivent facilement à vendre des exemplaires de leurs œuvres. Il n’y a aucun doute à ce sujet. Les lecteurs curieux souhaitent savoir ce qu’il y a à l’intérieur du livre ; des lecteurs critiques souhaitent savoir pourquoi l’auteur a reçu le prix et s’il le mérite ; et d’autres, surtout dans le milieu scolaire et académique, intègrent le livre dans leurs programmes. Si vous essayez d’imaginer les chiffres, cela fait beaucoup de ventes.

En moyenne, un Prix Goncourt vend facilement 300 000 exemplaires (là les zéros sont à leur place). L’auteur qui arrive à vendre ce nombre d’exemplaires de son livre est correctement rémunéré par son éditeur. Toutefois, il faut nuancer les chiffres, car les auteurs gagnent entre 8 % et 12 % des droits sur leurs livres parus chez un éditeur. Nous pouvons facilement dire que les véritables gagnants d’un prestigieux Prix littéraire sont les libraires, les diffuseurs et les éditeurs, qui gagnent à eux seuls jusqu’à 80 % de la vente d’un livre. Ceci est un autre débat !

Il n’y a pas que le lauréat qui bénéficie de tous les privilèges. Les finalistes des prix sont eux aussi bien traités par le public et donc par leurs éditeurs. On peut se dire que même si l’écrivain Louis-Philippe Dalembert n’a pas obtenu ce prix, il a par ailleurs obtenu une récompense symbolique et financière puisque son livre, sans doute, a bénéficié de ce coup de projecteur du Prix Goncourt qui a permis à beaucoup plus de lecteurs de le connaître.

Wébert Charles

Wébert Charles est critique littéraire et co-fondateur de la revue Legs et Littérature et de la maison d’édition LEGS ÉDITION.

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